Biathlon: pourquoi l’équipe de France féminine peut vivre une saison historique

A voir les sourires à l’issue de l’étape de Canmore (Canada) en mars dernier, les filles de l’équipe de France de biathlon savaient qu’elles venaient de vivre une saison couronnée de succès. Si le Gros Globe leur est passé sous le nez (victoire de l’Italienne Lisa Vittozzi), les Tricolores ont trusté trois places dans le top 5 mondial et ont permis à la délégation de repartir avec le petit globe des nations pour la deuxième année de suite avec une avance plus que confortable sur la Norvège. Véritables fusées sur la piste, les Françaises ont été les grandes artisanes d’un hiver 2023-2024 record.
En 70 courses disputées l’an dernier sur la Coupe du monde, les Bleu(e)s sont allés chercher 52 podiums, record de l’exercice 2019-2020 (dernière saison de Martin Fourcade) dans le rétroviseur. Mais 38 d’entre eux sont à mettre au crédit des filles, qui ont amassé 18 victoires, en individuel ou sur les relais, dont elles sont championnes du monde en titre. Ces dernières "ont mis la barre très haute" selon Julia Simon. Mais les chiffres pourraient gonfler cette saison. " Je pense que ce sera difficile d'améliorer ces résultats. Mais on a quand même une très bonne équipe avec des jeunes qui nous poussent à être meilleures", assure Lou Jeanmonnot.
Pas une, ni deux, mais trois favorites
Les Françaises seront évidemment attendues pour la saison à venir, qui pourrait être couverte de gloire côté français. Individuellement, cinq filles (Julia Simon, Lou Jeanmonnot, Justine Braisaz-Bouchet, Gilonne Guigonnat, Sophie Chauveau) sont montées sur les podiums, rejointes par Jeanne Richard en relais. La richesse du vivier français fait qu’il n’y a pas une, ni deux, mais bien trois favorites pour aller chercher un Gros Globe de cristal.
Tricolore la mieux classée la saison dernière, Lou Jeanmonnot a touché de près ses rêves de cristal. Pour sa deuxième saison complète en Coupe du monde, la Jurassienne a terminé à seulement 23 points de Vittozzi et a remporté son premier petit globe de la mass start après avoir été chercher sa 4e victoire de l’hiver à Canmore (Canada). Deuxième meilleure tireuse du circuit (92% de réussite), Jeanmonnot est considérée comme la favorite pour aller chercher le dossard jaune en fin de saison selon certains bookmakers et anciennes gloires du biathlon. Un dossard jaune que la biathlète de 26 ans a porté pour la première fois en décembre dernier à Hochfilzen (Autriche).
D’ailleurs, la Doubiste n’a jamais caché ses rêves de cristal, plus grands que les Jeux olympiques à ses yeux. "Le gros globe a plus de valeur à mes yeux (que la médaille d’or olympique, ndlr) car c’est la régularité qui est primée avant tout, expliquait-elle sur le plateau de la chaîne L’Équipe. Donc l’objectif numéro un, c’est le globe, c’est sûr. Ou plusieurs finalement, plusieurs années d’affilée, moi je prends."
Braisaz-Bouchet veut “performer sur l’ensemble de la saison”
Biathlète la plus expérimentée du groupe France (251 départs en Coupe du monde), Justine Braisaz-Bouchet (28 ans) a bluffé la caravane biathlon pour sa reprise l’hiver dernier. Absente en 2022-2023 pour cause de maternité, la native d’Albertville est celle qui a gagné le plus de courses individuelles (5), dont un magnifique triplé à Lenzerheide, qui lui a notamment permis de porter le dossard jaune à quatre reprises. Sur la saison, elle a également le deuxième meilleur temps de ski derrière l’ancienne fondeuse Anamarija Lampic.
Championne du monde de la mass start et quatrième du classement général l’an passé, JBB a lutté jusqu’à la tournée nord-américaine pour le Gros Globe, et ne s’interdit pas de recommencer. "Je me suis préparé dans l'optique de pouvoir jouer. J'ai envie de jouer devant toute la saison, que ce soit en ski ou en tir", a-t-elle expliqué quelques jours avant le départ pour Kontiolahti. "Je pense que la préparation était bonne. J'espère que ça répondra et que ce sera suffisant pour la Coupe du Monde. Il y a le classement général sur lequel j'ai adoré me confronter aux meilleures sur toute la saison de l'hiver dernier. J'aimerais sur les prochaines saisons, et notamment sur celle qui arrive, continuer à performer sur l'ensemble de la saison."
Été gagnant pour Julia Simon
Le Gros Globe, Julia Simon l’a déjà gagné, lors de la saison 2022-2023. Un objectif qui n’en était pas vraiment un au début de l’hiver pour celle qui cherchait seulement de la régularité dans ses performances. Deux ans plus tard, son nom est de nouveau en haut du panier. 5e du général la saison dernière, la biathlète de 28 ans a effacé ses doutes du début d’hiver pour atteindre l’apogée en février à Nove Mesto (République Tchèque), où la reine des Mondiaux a glané quatre médailles d’or, dont deux titres sur le sprint et la poursuite.
Julia Simon s’est d’ailleurs démarquée cet été lors des différentes courses de préparation. Vainqueure du Martin Fourcade Nordic Festival à Annecy et championne de France de la poursuite à Arçon - deux courses disputées en skis-roues - la Beaufortaine a également triomphé sur la dernière course d’avant-saison sur la neige à Bessans lors de la mass start.
Une émulation "féroce"
"J'ai la chance d'avoir des filles, trois leaders qui savent justement faire la part des choses entre les ambitions personnelles, les enjeux collectifs et ce qu'on a à faire pour que tout le monde aille dans le même sens", savoure l'entraîneur Cyril Burdet, qui se réjouit de l'émulation "féroce" d'un groupe travailleur qui se pousse vers le haut. Car outre les trois leaders, les jeunes frappent aussi à la porte pour rester sur le circuit de la Coupe du monde après l'étape d'Hochfilzen, où l'une d'entre elles devra quitter le haut du panier.
Pour Lou Jeanmonnot, "sentir que notre place n'est pas acquise, ça nous aide vraiment à ne pas nous endormir et puis à se rendre compte que si on ne cherche pas à progresser, elles vont très rapidement nous rattraper". "C'est pas ce qu'on veut, on a toutes les dents très longues et on a toutes envie de performer sur le circuit de la Coupe du Monde. Ça se passe bien parce qu'à partir de l'entraînement, personne n'a de maillot jaune, tout le monde, doit bosser des trucs différents, des points forts, des points faibles. Si le problème de trois Françaises qui sont un, deux et trois du général se pose, ce sera pas vraiment un problème, je pense."
Un sentiment partagé par Julia Simon. "On a toutes des points forts qui sont différents, donc on se sert toutes de ça les unes les autres pour aller chercher. Chez l'une la vitesse à ski, chez l'autre la vitesse du tir, chez l'autre la consistance au tir. Ça crée une émulation est vraiment très bonne. Ça a été plutôt très sain parce qu'on a tous le même objectif, on a envie de performer, on est des sportifs de haut niveau et on est des professionnels et on a toute envie de performer. On se rend compte que c'est une chance d'être dans cette équipe de France qui, l'hiver dernier, a été la meilleure du monde. Ça crée une ambiance de travail très positive. Il n'y en a pas une qui traîne le matin à se dire 'ouais, j'ai pas envie d'aller à l'entraînement'. Non, tout le monde y va et il y va avec la bonne humeur, le sourire. Et chaque jour, on y va. On sait pourquoi on y va. Et ça, je pense que c'est agréable "
Si Lou Jeanmonnot se démarque par sa précision et Justine Braisaz-Bouchet par sa vitesse sur les skis, Julia Simon est presque imbattable en ce qui concerne la rapidité d’exécution sur le pas de tir. Des atouts divers mais variés qui font des Françaises les biathlètes à battre pour l’hiver, même si la concurrence étrangère sera rude. Mais dans quel état de forme?
Tenante du titre, Lisa Vittozzi se tire déjà une balle dans le pied en zappant la première étape de Kontiolahti en raison d’un problème au dos. L’Italienne va donc laisser échapper de précieux points pour le général dès les premières courses individuelles au cours desquelles seront attendues la Norvégienne Ingrid Tandrevold (3e l’an dernier et porteuse du dossard jaune à 11 reprises) et les soeurs Oeberg, à la recherche d’un second souffle après une saison très en-dessous des attentes côté suédois.