Mondiaux de biathlon: l'intouchable Johannes Boe en lice pour le grand chelem, ses concurrents impressionnés

Johannes Boe a remporté ce mardi l'individuel 20 km des Championnats du monde de biathlon à Oberhof. Son 4e titre dans ces Mondiaux, le troisième individuel. Le Norvégien est plus que jamais en course vers un grand chelem inédit, avec en ligne de mire le relais mixte simple jeudi (sur lequel il a laissé planer le suspense pour sa participation), le relais masculin samedi et la mass start dimanche. Aucun autre biathlète n'a encore réalisé cet exploit.
Boe a déjà fait dans l'inédit avec cette victoire sur l'individuel qui manquait à son palmarès, puisqu'il est le seul à avoir décroché l'or sur toutes les courses du biathlon aux championnats du monde (les quatre courses individuelles plus les trois relais). Avec un 15e titre mondial, il continue d'écrire l'histoire de son sport. Et d'écœurer des adversaires... admiratifs.
C'est la chanson des supporters allemands aux Mondiaux, elle colle parfaitement avec ce que réalise Johannes Boe en Allemagne: "Der zug hat keine bremse". Traduisez: "Le train n'a pas de freins". Des freins, le TGV norvégien n'en a visiblement pas non plus. Trop rapide. Pour tout le monde. Innarrêtable, le tout sans dérailler.
Après un léger temps de réflexion, Émilien Jacquelin avoue: "Ça va vous plaire cette phrase mais... Je pense qu'aujourd'hui il est imbattable!" C'est effectivement l'impression en bord de piste ou dans son canapé devant la télé. Mais donc pour ses adversaires également. "Sincèrement, il a un niveau de ski extraordinaire, poursuit le Français, 37e ce mardi. On en parle avec d'autres biathlètes d'autres nations et le constat est qu'ils n'ont jamais vu ça en 20 ans de carrière. Un biathlète aussi fort sur les skis. Il a une marge qui est incroyable!"
"Un niveau jamais vu en biathlon"
Son grand frère Tarjei a partagé le podium avec lui sur le sprint la semaine dernière (2e). "Je ne sais pas quoi faire pour l'attraper, je n'ai pas la réponse pour le moment, admet-il. Quel athlète... C'est incroyable de le voir en vrai". À 34 ans, l'ainé des frangins, vainqueur du gros globe de cristal en 2011, est l'un des plus expérimenté du circuit. Et il est catégorique. "Je n'ai pas couru face à Sven Fischer ou Raphaël Poirée. Mais à part eux j'ai affronté tous les plus grands. Son niveau cette saison est de loin, même s'il n'a pas gagné le plus de courses encore, le meilleur que l'on n'ai jamais vu en biathlon. Même Martin (Fourcade) et Ole Einar (Bjorndalen)... Il est dans le top 3 avec ces deux là. Il vient de gagner une 9e course d'affilée. Il est deux minutes devant tout le monde sur la piste... Il a tiré à 20/20 sur la poursuite. C'est incroyable à voir. Et comme je suis le grand frère il ne me reste plus beaucoup de temps pour le rattraper!"
Plus les mondiaux avancent, plus ses adversaires semblent se résigner à l'imaginer réaliser le grand chelem à Oberhof. "J'ai passé la journée d'hier à penser qu'il ne le ferait pas, lance Sebastian Samuelsson, le Suédois 3e ce mardi. Mais là il en a trois... Donc il peut le faire".
"C'est dur de se comparer à lui en ce moment, admet le vice-champion du monde de la mass start 2019 Antonin Guigonnat en jetant un œil sur le phénomène qui répond aux interviews à quelques mètres de lui. Ça fait mal. Mais d'un côté c'est une légende vivante de notre sport, il continue à construire sa légende. J'ai une photo sur un podium avec lui, j'en ai même deux. Je les montrerai à mes petits enfants!" En vrai, Antonin Guigonnat pourra même en montrer cinq à ses petits-enfants. Sur ses cinq podiums en coupe du monde, tous l'ont été avec le norvégien, qui à chaque fois remportait la course.
"Il a pris du temps, il a su s'écouter"
Après une saison dernière contrastée où il avait brillé aux Jeux olympiques de Pékin avec cinq médailles dont deux en or, comme Quentin Fillon Maillet, mais zappé la fin de saison car trop loin du gros globe de cristal, Johannes Boe atteint un niveau de forme exceptionnel. C'est source d'inspiration pour Émilien Jacquelin en difficulté cette saison: "C'est quelqu'un qui a pris beaucoup de temps pour se ressourcer à un moment donné. Il faut se rappeler de ce qu'il se passait derrière la carabine et physiquement aussi à un moment donné. Il a pris beaucoup de temps pour lui et on voit à quel niveau il est aujourd'hui. Dans une carrière de haut niveau il faut savoir s'écouter et ne pas avoir peur de faire certains choix. Lui il les a faits et ça doit être un exemple pour les autres sportifs. On a tous envie de courir derrière des résultats, derrière des rêves, mais parfois il faut aussi savoir s'écouter et prendre un peu le large pour revenir plus fort. Chapeau à lui parce qu'il l'a réussi. C'est un super athlète."
Et même un peu plus que ça. "Johannes, ça a presque été l'un des premiers soutiens quand ça n'allait pas aux JO l'an dernier, raconte le double champion du monde de la poursuite. C'est quelqu'un qui me pousse et qui aimerait que je retrouve mon meilleur niveau pour qu'on se tire la bourre ensemble. Comment le détester quand on se comporte comme ça avec ses adversaires ? C'est un super gars et il marque l'histoire du biathlon. C'est facile à dire mais: bravo à lui!"
Tenter sa chance en ski de fond? "Non, aucun intérêt à le faire"
Ce mardi, Johannes Boe a collé plus de deux minutes sur les skis à son dauphin Sturla Laegreid, 2 minutes et 35 secondes à Quentin Fillon Maillet. Sur une autre planète sur les skis, le triple vainqueur du gros globe de cristal a séchement balayé la question d'une éventuelle envie d'aller se frotter aux meilleurs mondiaux sur la Coupe du monde de ski de fond. "Non", balance-t-il. Avant de continuer après un blanc de quelques secondes: "Je n'ai aucun intérêt à le faire".
Avec une carabine dans le dos donc, le rouquin norvégien n'est plus qu'à une course du grand chelem mondial sur les courses individuelles. Ça se jouera dimanche sur la mass start. "S’il tire à 18/20, il gagnera", prédit le grand frère Tarjei. "À 16/20, il est capable de s’imposer", surenchérit Emilien Jacquelin.
Pas très prolixe sur le sujet en conférence de presse, Johannes Boe verrait un grand chelem en individuel ici comme "un aboutissement". "Je suis dans une forme assez folle et j'en profite parce que ça ne durera pas tout le temps. Un jour je me prendrai le mur", prédit-il. On parierait tout de même que ce mur ne pèsera pas lourd face à un TGV norvégien sans freins.