RMC Sport Sports de combat

Boxe: Bauderlique, le premier de cordée de la "Team Solide" aux portes d’une chance mondiale

placeholder video
Médaillé olympique à Rio en 2016, Mathieu Bauderlique dispute une demi-finale mondiale WBC ce samedi à Jeddah (Arabie Saoudite) face au Britannique Callum Smith, ancien champion du monde chez les super-moyens, sur la carte de la revanche Usyk-Joshua. Un défi XXL pour le boxeur français, à une marche d’un combat pour une ceinture planétaire.

La punchline lui donne rendez-vous avec son destin. "En quarante minutes, votre vie peut changer." Pour les fans de boxe, la réunion de ce samedi soir à Jeddah, en Arabie Saoudite, est l’occasion de voir Anthony Joshua tenter de prendre sa revanche sur Oleksandr Usyk pour la couronne des lourds. Mais pour les fans de boxe français, l’œil sera aussi tourné vers un autre combat. Celui où Mathieu Bauderlique peut s’ouvrir la voie vers un choc pour un titre mondial.

>> Suivez les soirées Premier Boxing Champions avec les offres RMC Sport

Médaillé de bronze olympique en 2016, le combattant français (21-1, 12 KO; 33 ans) défie le Britannique Callum Smith (28-1, 20 KO; 32 ans), ancien champion WBA-The Ring chez les super-moyens et ancien adversaire (battu) de la superstar mexicaine Saul "Canelo" Alvarez en décembre 2020, pour une "demi-finale" mondiale chez les mi-lourds. L’idée? Le vainqueur deviendra le challenger officiel pour la WBC du Russe Artur Beterbiev, champion WBC-IBF-WBO de la catégorie.

Ne cherchez pas: aucun membre de la "Team Solide" de Rio, ni Tony Yoka, ni Christian Mbilli, ni Souleymane Cissokho, n’a encore connu de combat aussi important depuis les JO. Le garçon "canalisé par la boxe" (dixit son coach Mohamed Nichane, qui expliue aussi qu’il a "dû le calmer" car "il était trop fougueux") n’était pourtant pas le mieux parti. En juin 2017, pour son troisième combat après les Jeux, celui qui était passé pro en 2011 se fait surprendre et coucher au premier round par l’Italo-Roumain Dragan Lepei. Depuis, le plus discret des médaillés de Rio a avancé dans l’ombre. Mais à très bon rythme. Il remporte le titre de champion de France en avril 2018. Six mois plus tard, il s’offre la ceinture WBC Francophone. Puis la WBA Inter-Continental en mars 2019, défendue deux fois par la suite.

Et en septembre dernier à Roland Garros, son dernier combat en date, il devient champion d’Europe EBU en poussant le Russe Igor Mikhalkin à l’abandon. Mais cette fois, c’est encore autre chose. La marche supérieure, devant plus de 35.000 spectateurs. Alors, stressé, Mathieu? Au contraire. Que du bonheur. "Je veux juste boxer et me faire plaisir, annonce-t-il. Je prends mon kiff, surtout sur une carte avec un championnat du monde poids lourds. Le travail le plus dur est à l’entraînement, où on saigne, où on pleure. Le jour J, il faut prendre du plaisir. Je me suis interdit de me mettre la pression, de passer à côté à cause de la peur. Il va falloir faire abstraction de ça. On reste juste concentré sur le résultat final."

Pour se préparer, Bauderlique a comme depuis cinq ans pris le chemin du Québec, où il a pu faire un camp de six semaines et profiter de sparring-partners de meilleure qualité auprès de Stéphan Larouche et Samuel Décarie-Drolet, co-entraîneur de Mbilli et… Beterbiev, avant de rentrer peaufiner les détails auprès de son coach habituel (Nichane) à Hénin-Beaumont, sa ville natale du Pas-de-Calais à laquelle il est resté fidèle, sans sa famille partie en vacances. Un sacrifice qui pèse mais nécessaire.

"Je suis parti pour sortir de mon confort, rester loin de ma famille et éviter de me disperser car c’est le combat de ma vie et je ne veux rien négliger, racontait-il récemment sur RMC. Je veux mettre tous les atouts de mon côté et ne rien regretter à la fin du combat. C’est deux mois sans voir ma famille donc les dents traînent par terre. On a faim. Il n’y a plus qu’à et on ne va rien regretter, il n’y aura pas d’excuse à la fin, peu importe le résultat. Chaque jour, on sait pourquoi on travaille. On ne veut pas faire ça pour rien. Tout le monde peut créer des surprises et j’en serai capable."

Mathieu Bauderlique (à gauche) contre le Russe Igor Mikhalkin en septembre 2021
Mathieu Bauderlique (à gauche) contre le Russe Igor Mikhalkin en septembre 2021 © AFP

Bauderlique parle de "surprises" car le favori du combat, pour les bookmakers comme pour les spécialistes, se nomme bien Callum Smith. Question de nom, d'expérience et de palmarès. "Je préfère être le moins attendu car j’ai moins de pression, précise son adversaire français. Je connais la défaite, je n’ai rien à perdre. J’ai les capacités pour aller chercher ce combat. Rien n’est impossible. Il faut arrêter d’être frustré et croire en notre talent. J’y vais pour gagner, en conquérant. J’y crois car il faut croire en ses rêves et en son travail. Tout est de notre côté, on n’a rien négligé, la somme des détails fait la différence et on a tout mis en place pour être à la hauteur." "Il est entraîné comme il faut, il n’y a pas de raison que ça n’aille pas, renchérit Nichane. On y va pour gagner, sinon je ne vois pas l’intérêt d’y aller."

Pour remplir sa mission, Bauderlique devra faire attention aux dimensions du Britannique, plus grand de six centimètres selon le site de référence BoxRec. "Il a une meilleure allonge, pointe le médaillé olympique tricolore, donc il faudra être percutant avec mon jab. En tout cas, on n’ira pas dans son rythme. C’est nous qui allons l’imposer." "Ça va se jouer sur la tactique, la façon de se comporter, complète Nichane. On a travaillé les moyens de défense. A la fin, il n’y a pas de miracle, il faut sortir la dynamite. Et ça, il sait faire. Physiquement, il est là. Plus les rounds passent, mieux il se sent."

Callum Smith, qui a déjà battu trois Français dans sa carrière pro (Christopher Rebrassé par décision en 2015, Hadillah Mohoumadi par TKO en 2016, Hassan N’Dam par TKO en 2019) et qui dispute seulement son deuxième combat chez les mi-lourds après sa victoire en septembre 2021 sur le Dominicain Gilbert Castillo Rivera, sera une marche compliquée à franchir. Mais Bauderlique le sera aussi pour lui. "C’est un très bon combattant, un gaucher avec une belle intelligence de combat, juge le Britannique. Il sort d’une superbe victoire, il est en forme et sa confidence doit être haute. C’est une énorme opportunité pour lui et je m’attends à une très bonne version de lui. Mais si je suis à mon vrai niveau, je peux battre n’importe qui au monde."

Le dernier gaucher affronté par Smith, son compatriote John Ryder en novembre 2019, l’avait poussé à une décision très accrochée chez lui, à Liverpool. Cette arme pourrait donc favoriser Bauderlique. "J’ai affronté beaucoup de gauchers chez les amateurs, nuance le Britannique, qui a changé de coach pour préparer ce combat (Buddy McGirt à la place de Joe Gallagher). J’ai juste été mauvais contre Ryder, c’est tout." Reproduire une telle performance contre le Français pourrait lui être fatal. Bauderlique saurait en profiter. La carotte au bout est trop belle pour ne pas saisir l’opportunité. "C’est un passage pour être reconnu mondialement, rappelle Nichane. C’est la finalité de tous les boxeurs. Le dernier trophée avant qu’il arrête de boxer."

Les derniers mots du coach dessinent l’idée d’un maintenant ou jamais. Au point d’arrêter là en cas de revers? "On verra, je ne sais pas, répond le boxeur tricolore. Là, je suis au jour le jour…" Devant un événement qui peut tout changer. "En terme de visibilité, boxer sur une telle carte, on ne peut pas rêver mieux, lance Bauderlique. Et ça peut apporter des sponsors, qui permettent de vivre. On s’entraîne toujours dans l’inconnu. J’étais à deux doigts d’arrêter en janvier-février mais mon promoteur m’a finalement trouvé quelque chose. Mon dernier combat était il y a presque un an. Forcément, on rame, on ne sait plus pourquoi on boxe. Ça fait réfléchir."

En cas de succès, la porte vers un choc contre Beterbiev sera ouverte. L’ouverture pourrait être grandiose. Car le Russe, qui devrait affronter début 2023 son challenger WBO, le Britannique Anthony Yarde, pourrait ensuite s’offrir un choc d’unification à quatre ceintures contre son compatriote Dmitry Bivol, champion WBA et tombeur de Canelo en mai qui devrait pour sa part faire face à son challenger mexicain Gilberto Ramirez dans les mois à venir. Bref, si tous les astres s’alignent, on pourrait voir un jour un choc entre Bauderlique et Beterbiev ou Bivol pour le titre unifié et incontesté des mi-lourds. Ce qui serait une première pour un boxeur français dans l'ère à quatre ceintures.

Et après tout ça, il sera peut-être temps de se tourner vers… Paris 2024, où le combattant tricolore pourrait faire son retour en boxe olympique pour tenter d’aller chercher l’or. "C’est possible, explique-t-il. Tout va dépendre de ma carrière pro. Si je ne suis pas champion du monde d’ici là, je préfère laisser la chance aux petits jeunes qui poussent derrière et qui travaillent durement pour atteindre ces JO. Je ne voudrais doubler personne. Mais si on me donne cette opportunité… J’ai été appelé par la Fédération, qui m’a demandé si je voulais être de la partie car malheureusement il n’y a pas encore de boxeur dans ma catégorie qui a les armes pour aller chercher une médaille olympique." En attendant, place au défi XXL de Callum Smith. Où les yeux du monde de la boxe seront tournés sur eux. "Il ne faut pas se sous-estimer, on sera à la hauteur de l’événement", annonce Bauderlique. Quarante minutes pour changer de vie.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport