Boxe: Pourquoi Tyson Fury affronte Chisora (et non Usyk ou Joshua)

On aurait aimé le voir entre les cordes. On se contentera de l’avoir à côté. Champion WBA-IBF-WBO-The Ring des poids lourds, Oleksandr Usyk sera présent en bord de ring ce samedi soir au Tottenham Stadium de Londres pour voir Tyson Fury (32-0-1, 23 KO; 34 ans) défendre sa ceinture WBC contre son compatriote Derek Chisora (33-12, 23 KO; 38 ans). Le "Gypsy King" s’en amuse au micro de la chaîne YouTube iFL TV: "S’il vient, je vais lui mettre une claque dans la bouche. Il m’a traité de mec bourré. J’ai envie de voir ce qu’il aura à me dire là-dessus quand il sera face à moi." Entre les punchlines envoyées de chaque côté et la perspective de connaître enfin une unification totale de la catégorie et un champion incontesté, ce qui n’est jamais arrivé chez les lourds dans l’ère à quatre ceintures, le monde du noble art n’aurait pas hésité une seconde.
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Au lieu de Chisora, il aurait aimé voir Usyk face à Fury. Mais alors que tout semblait réuni, ce ne sera pas pour cette fois. Pourquoi donc? A priori, question de timing. Malgré l’annonce de sa "retraite" en avril dernier après sa victoire sur Dillian Whyte par TKO à Wembley, tout le monde imaginait le champion WBC attendre la revanche entre l’Ukrainien et Anthony Joshua, en août dernier, pour prendre le vainqueur et unifier la catégorie. Problème? Encore vainqueur de "AJ", comme l’année précédente, Usyk a demandé d’attendre début 2023 pour organiser ce choc, histoire de se remettre physiquement et d’aller passer du temps avec sa famille dans son pays plongé dans un conflit armé avec la Russie depuis plusieurs mois.
Une requête refusée par le clan du "Gypsy King", qui s’est vite rendu compte de son incapacité à s’éloigner du ring sans mettre sa santé mentale en danger et qui a décidé qu’il souhaitait absolument combattre avant la fin de l’année. Pas grave. Une autre solution s’offrait à lui, du genre à faire saliver outre-Manche: un choc 100% britannique face à Joshua. Inattendu vu la situation, ce combat – qui avait déjà été annoncé signé en 2020 avant de voir Usyk chambouler tout ça en détrônant "AJ" – a bien failli voir le jour. Fury a proposé à son rival local un contrat à 60%-40% pour un combat pour la couronne WBC le 3 décembre. Des conditions acceptées par Joshua. Mais un accord final n’a pas pu être trouvé.
"Ils ont eu le contrat pendant deux semaines mais ne l’ont pas signé, a expliqué Fury à la chaîne YouTube Seconds Out. Ils incriminent 'des raisons commerciales', peu importe ce que ça veut dire. Si tu laisses un sponsor empêcher le plus gros combat de l’histoire de la boxe britannique… Ils trouveront toujours une raison de ne pas affronter le Gypsy King. Je lui serais rentré dedans comme un couteau dans du beurre, en trois ou quatre rounds. Si je leur avais donné deux ans pour signer, ils ne l’auraient pas fait quand même. C’est le show Tyson Fury et ils ne pouvaient pas l’accepter car leurs egos sont trop grands."
Ces derniers jours, il en a rajouté une couche au micro de l’émission The MMA Hour: "J’ai essayé encore et encore de monter ce combat. Je ne suis pas la raison pour laquelle il n’a pas lieu. C’est l’autre idiot. Vous n’auriez pas pu le traîner dans un ring pour affronter le Gypsy King. Il peut aller sucer une b…" Et de conclure comme un faire-part de décès du choc: "Ce combat n’arrivera plus. J’essaie de monter ce combat depuis quatre ans et il y a toujours quelque chose qui l’empêche. S’ils ne veulent pas combattre, je ne vais plus perdre mon temps." Ni Usyk ni Joshua, donc. Mais Fury n’en avait pas perdu son envie de monter sur le ring en décembre.
Il a donc dû se contenter de Chisora, une trilogie après l’avoir déjà battu deux fois en juillet 2011 (décision unanime) et novembre 2014 (abandon après le dixième round). Un choix vendeur en Grande-Bretagne, avec en face un boxeur dur au mal, cogneur et grande gueule, mais frustrant vu ce qui était espéré. De quoi provoquer des critiques du public comme des observateurs. Si vous connaissez Fury, vous vous doutez déjà de sa réponse… "Tous ces gens qui critiquent peuvent aller sucer une grosse b… Combien de fois ont-ils combattu pour un titre mondial? Combien de fois ont-ils pris des coups dans la tête? C’est ma question pour eux." Avec Chisora, Fury ne sera pas opposé à un "ennemi". Les deux hommes s’aiment bien et ne cachent pas leur proximité. Mais ils promettent de "s’en mettre plein la gueule".
"Dans le ring et dans le business, il n’y a pas d’amitié, a lancé le champion WBC en conférence de presse. On va se défoncer et après, on pourra partager un sandwich ou une tasse de thé, tout ce qu’il veut. Mais tant qu’on sera encore les cordes, on sera en mode combat et on va faire le show." Alors que beaucoup le voient s’imposer encore sans trembler, en mode jamais deux sans trois, le garçon – qui annonce arriver "plein de testostérone" car il s’est "pas masturbé pendant sept semaines" alors qu’il prétend le faire d’habitude "sept fois par jour avant un combat" – en profite pour rappeler que ce combat n’est pas gagné d’avance, loin de là. "Dans une course entre deux chevaux, ne sous-estimez jamais personne. N’importe quoi peut mal se passer pour l’un ou l’autre. On l’a souvent vu dans le passé avec des champions qui voient déjà plus loin que leur adversaire, qui s’entraîne sans pression et qui finit par s’imposer."
Il promet tout de même que "cela n’arrivera pas": "Je m’entraîne très dur et j’ai toujours respecté tous mes adversaires". "J’ai infligé à Derek sa première défaite quand j’avais vingt-deux ans, rappelle-t-il dans un grand sourire. Puis je l’ai bien défoncé dans le deuxième combat. Et ça va encore arriver au troisième." Et la suite,alors? Quel prochain rendez-vous pour Fury s’il bat Chisora comme prévu? Tout pointe vers Usyk pour cette unification tant attendue. "Gagne samedi soir et monte dans le ring avec Usyk, regarde-le dans les yeux sans avoir peur, voilà mon message à Tyson", lance Alexander Krassyuk, promoteur du champion ukrainien, sur la chaîne YouTube iD Boxing. "On espère obtenir le résultat qu’on veut contre Chisora et ensuite nous pourrons avancer sur ce combat avec Usyk", confirme Frank Warren, promoteur britannique de Fury, pour talkSPORT.
Le "Gypsy King" a déjà quelques mots en stock pour celui qu’il appelle "un poids moyen" (pour souligner son avantage physique), à l’image de ceux prononcés dans une interview sur la chaîne YouTube de Frank Warren: "Usyk veut avoir ce que j’ai, que tout le monde veut dans la boxe: l’immortalité. J’ai plus de KO qu’il n’a de combats. J’ai gagné plus de ceintures qu’il n’a de pantalons. J’ai été à l’affiche de plus de gros événements qu’il n’a de chaussettes. Le roi n’a pas à s’intéresser aux paysans de la catégorie. C’est eux qui veulent venir à ma table, manger à mon festin." Seul souci, ce choc pourrait malheureusement ne pas être une unification totale: Fury a déjà annoncé ne pas vouloir payer l’IBF pour combattre pour sa ceinture, comme cela se fait avec chaque organisation, pour l’avoir destitué dix jours après avoir détrône Wladimir Klitschko fin 2015 après avoir refusé d’affronter ensuite son challenger obligatoire Vyacheslav Glazkov.
A terme, il y a aussi la possibilité d’un quatrième combat contre Deontay Wilder, qu’il a déjà battu deux fois (plus un nul) mais qui pourrait revenir sur sa route s’il affronte l’ancien champion WBA-IBF-WBO Andy Ruiz Jr dans un éliminatoire pour désigner le challenger obligatoire WBC, cette organisation ayant déjà ordonné ce combat. Pas une mauvaise idée quand on se souvient de l’intensité de leurs trois premières danses. "Il ne faut pas l’écarter, confirme Fury. C’est un super combat. S’il devient challenger obligatoire et que je n’obtiens pas le combat contre Usyk, on fera encore Wilder. Qui ne voudrait pas voir ça?"
Mais ce ne sera sans doute pas pour bientôt: Shelly Finkel, le manager de l’Américain, a annoncé que ce dernier préférait un prochain combat contre… Joshua. Les deux camps ont entamé des discussions pour monter un choc qui était attendu il y a plusieurs années mais qui attirerait toujours du monde dans les tribunes comme devant l’écran. Peu importe, finalement. Pour Fury, qui va remplir plus de 150.000 places en deux combats dans des stades anglais en 2022, tous les challenges sont bons à prendre. "Aucun combattant de la catégorie n’a quelque chose que je veux. Mais ils peuvent tous en prendre une s’ils le désirent. S’ils sont dans mon ère et que je suis toujours actif, ramenez-les. Ils prendront tous un KO. Wilder était le plus gros puncheur de l’histoire et j’ai encaissé ses coups. Personne ne peut être à ma hauteur."