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"Fight For Dignity": le karaté pour aider des femmes victimes de violences conjugales à retrouver confiance en soi

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L’association "Fight For Dignity", créée en 2017 par Laurence Fischer, ancienne triple championne du monde de karaté, vient en aide aux femmes victimes de violences sexuelles et de harcèlement. Implantée dans différents lieux, l’association propose des cours de karaté pour réapprendre à avoir confiance en soi, redevenir fortes.

Avant de demander l’aide de l’association en septembre dernier, sur recommandation médicale, cette Mexicaine de 36 ans, victime de harcèlement sexuel et moral, "n’avait plus confiance en personne et avait peur de tout". La preuve, lors de sa première séance de karaté dans les locaux de l’Institut Women Safe à Saint Germain en Laye, lieu où l’association Fight For Dignity donne les cours depuis 2021. Lorsque Sophie, la coach s’est approchée d’elle, elle a reculé, par peur. "Je pensais qu’elle allait me critiquer, comme les autres personnes (en références aux hommes qui l’ont harcelée) qui disaient que j’étais nulle", confie-t-elle. Et pourtant depuis, ces séances lui ont fait un grand bien. "Pour la première fois, j’étais dans un endroit en sécurité où je n’étais pas jugée."

Et elle a appris à s’imposer, oser, parler. "Je ne m’exprimais jamais, je n'ai jamais réussi à me battre, je gardais tout pour moi, témoigne-t-elle. Puis après la deuxième séance, j’ai élevé la voix, pour la première fois au travail. J’ai dit: 'arrête de me harceler je ne veux plus de ça'. Ç'a été bizarre." Parce que le but de ces cours de karaté n’est pas d’apprendre les bases de cet art martial, explique Sophie Manugerra Aillaud, professeure de karaté dans les locaux de Saint Germain en Laye: "le but est de reconnecter leur corps par le karaté. Sentir son corps bouger, être confiante, droite, le regard devant, se sentir forte".

"C’est comme une thérapie corporelle"

Pendant la séance, Sophie insiste, le dit à plusieurs reprises, "soyez droites, regardez devant vous!". Les quatre femmes présentes l’écoutent, la regardent et reproduisent les mouvements. "Dans la majorité, ce sont des femmes qui n’ont jamais fait de karaté ni même de sport", souligne Sophie, ceinture noire de karaté. Chaque séance est divisée en trois phases, l’échauffement, le karaté via des mouvements techniques et la relaxation. "Les femmes sont surprises par ce qu’elles peuvent accomplir. Taper dans une cible avec le poing, elles ne sont pas habituées. C’est un moyen d’évacuer. Elles sont plus détendues et plus en confiance à la fin", explique Sophie Manugerra Aillaud.

Être dans un environnement féminin, pour s’entraider, s’écouter et échanger, c’est exactement ce que recherchait cette femme d’origine mexicaine. "Sophie est bienveillante, elle nous fait sourire. Parfois, on peut être triste mais au fur et à mesure, on sourit. C’est comme une thérapie corporelle. On n’utilise pas la parole mais avec le regard, le sourire, les exercices que l’on fait, tout cela nous aide. C’est vraiment génial ce type de technique."

Reconnaître cette méthode comme un outil thérapeutique

Une fois les premiers mouvements de karaté assimilés, place à la relaxation. Un moment de calme, où les femmes s’allongent. Seule la voix de Sophie vient briser le silence. Elle leur parle, c’est un travail de visualisation: "je sens mes côtes qui s’élèvent à l’inspiration, se rabaissent à l’expiration, se relâchent. Je prends conscience de ce mouvement dans ma cage thoracique." Un moment de détente pour se reconnecter avec son corps. "La confiance est importante, avoir confiance en son corps en soi, rappelle Sophie. Ces femmes sont souvent coupées de leur corps. Alors on les aide."

A la fin de la séance, ce jour-là, une femme, venue pour la première fois, se relève et évoque des souvenirs qui sont réapparus. Des souvenirs de vacances gâchés par une personne. Les larmes coulent. "Les exercices aident à la confiance en soi, on travaille sur le corps et il envoie des signaux au cerveau", ressent cette jeune femme de 36 ans, arrivée du Mexique en 2018. Aujourd’hui, les femmes viennent sur recommandation médicale, quand elles le souhaitent et sans limite de séance.

Mais l’association, par la voix de sa directrice Sabine Salmon, souhaite que la pratique sportive devienne un réel outil thérapeutique. "On veut démontrer l’impact positif de cette méthode et qu’elle soit prescrite. On aimerait que les pouvoirs publics reconnaissent aussi que le sport est un outil et qu’il apporte du positif dans le parcours de soin de ces victimes." Aujourd’hui, l’association est présente dans quatre lieux différents : dans les locaux de l’association Women Safe à Saint-Germain-en-Laye, à la maison de la femme à Saint-Denis, à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière et à la maison de soi à Brive-la-Gaillarde. "Fight for Dignity" doit s’implanter cette année à Tours, à Marseille et à l’Hôpital Bichat à Paris.

Léna Marjak