UFC 285: "Cette fois, j’ai envie de sourire", Ciryl Gane se confie avant le choc contre Jon Jones

Ciryl, que faisiez-vous en 2011, quand Jon Jones est devenu le plus jeune champion de l’histoire de l’UFC à 23 ans?
(Rires.) En 2011, j'avais 21 ans, j'étais en pleine transition. J'avais eu mon bac pro commerce et j'avais tenté un BTS MUC dans ma région Loire-Atlantique, vers Nantes. Ça avait échoué et je faisais mon arrivée sur Paris.
Et que faisait Ciryl Gane en 2013, à 23 ans?
En 2013, Ciryl Gane vendait du meuble. Il était conseiller-vendeur. Il avait un peu laissé tomber le sport. Il continuait un peu le basket mais il travaillait.
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A cette époque, Jon Jones, ça vous parlait?
Franchement, je ne sais même pas. Je pense que j'avais dû apercevoir du Jones quelque part, que je devais le connaître. Mais je n’en suis pas sûr, je ne sais pas.
Quel est le plus important pour vous, devenir champion incontesté des lourds à l’UFC ou être le premier à vraiment battre Jon Jones?
(Rires.) C'est plutôt la ceinture. Elle aura plus de valeur que... Ah en fait je ne sais pas. C'est une très bonne question. La vérité, c'est que les deux auront un impact très important. Si je bats Jon Jones, je serai le premier à lui mettre une défaite. Ce sera avec des conditions un peu spécifiques, un peu anormales car normalement c'est un mi-lourd et que c'est sa première expérience chez les lourds. Beaucoup de gens me parlent de lui en mode: "Il va être lent". Mais je suis persuadé que non. C'est un athlète. Ça fait trois ans qu’il se prépare pour monter de catégorie. Je pense qu'il va être lourd, rapide, puissant. Donc ce ne sera pas une excuse. Si je le bats, j'aurai vraiment battu Jon Jones. Et ce sera quelque chose d'incroyable. En plus de ça, bonus, je serai vu comme "l'homme le plus dangereux de la planète". C'est drôle.
Vous n’êtes pas du genre à réclamer un adversaire au micro ou sur les réseaux sociaux mais vous l’avez fait avec Jon Jones. Pourquoi?
Ce n'est pas vraiment que je l'ai réclamé. En fait, on était dans une situation où on était en train d'attendre et ça ne me plaisait pas trop. Un matin, on se lève et on me demande avec mon community manager: "Accepte s'il te plaît". Ce post, ce n'est pas moi qui ai décidé de le faire à la base. Sinon, vous me connaissez, je ne l'aurais jamais fait. Mais j'ai dit oui car c’était légitime: j'ai fait Tuivasa et j'aimerais bien retourner vers l'avant. Mais devant, je ne sais pas trop ce qui se passe. Les discussions n’aboutissent pas. On va attendre comme ça combien de temps? Alors je me suis dit: "Allons-y, tentons, si jamais il accepte, tant mieux". Et c'est ce qui s'est passé. Ça a marché.
Avez-vous regardé ses anciens combats depuis l’annonce de ce choc?
Je ne me suis pas bien posé. Je pense que je le ferai à Las Vegas. Mais j'ai regardé quand même des choses de lui avec Fernand (Lopez, son coach, ndlr), surtout ce qu'il aimait bien faire. Lopez a mâché un peu le boulot et m'a condensé des choses.
Sur ce que vous avez vu, qu’est-ce qui vous paraît le plus impressionnant chez lui?
Sa polyvalence et sa lutte. Pour un mi-lourd, un grand comme ça, aller plonger bas comme ça, avec cette aisance, ce n’est pas commun. Ce n’est pas tous les jours qu'on voit ça. On voit beaucoup de mecs aller chercher de la gréco, des machins comme ça, et puis aller au sol. Mais au-delà de ça, ce qui m'impressionne chez lui, c'est sa polyvalence. Il peut très bien lutter, aller faire un peu de judo pour terminer au sol, rester debout, striker. Il met mal à l'aise les gens debout.
Dans quel domaine pensez-vous avoir un avantage dans ce combat?
Ça va dépendre de comment il va arriver le jour J. Va-t-il arriver vraiment en forme comme je le pense? Ça peut être un très gros avantage chez les lourds d’avoir plus d'aisance corporelle que lui. Si on a un Jon Jones qui est lourd et plus aussi rapide qu'il ne l’était, et il le sera sûrement car on ne peut pas être aussi rapide qu’un mi-lourd, et qu'il en pâtit, ça peut être un gros avantage: aller chercher beaucoup de dépense énergétique.
Visualisons: on lève votre bras dans la cage à Las Vegas, vous avez battu Jon Jones et devenez champion UFC des lourds. Votre vie pourrait-elle totalement changer?
Quand je regarde ceux qui sont devenus champions, c’est un vrai gros step (marche, ndlr) dans la carrière d'un combattant. Je l'ai déjà senti avec la ceinture intérimaire. Là, c'est aussi une ceinture, pas exactement la même, mais c'est surtout face à Jon Jones. C'est ce qui va apporter beaucoup plus de choses, beaucoup plus de plaisir s’il y a victoire. Ça va faire un sacré bon pour ma carrière. Et puis il y a tout ce qu’il y a à côté, toutes les opportunités qui s'offrent à un sportif quand il a du succès. C'est un peu ce qu'on va rechercher aussi. Un sportif, et surtout un combattant, n'a pas une carrière à durée indéterminée. Donc forcément, aller chercher des choses qui vont booster la carrière très rapidement, avec un très gros impact, c'est ce qu'on recherche.
Que pouvez-vous promettre aux Français qui vont se lever très tôt pour regarder votre combat?
Je peux vous promettre de tout faire pour vous rendre fiers. C'est mon but ultime. Je n'ai pas envie de vous ressortir encore un "désolé" impulsif face à la caméra, comme après Francis Ngannou. Cette fois, j'ai envie de sourire et crier "on l’a fait!" devant la caméra. C'est vraiment ce que j'ai envie d'apporter: le partage d'une victoire. Et si jamais elle n’est pas là, au moins le partage d'une fierté de dire qu'on l'a mis mal, que ça s'est joué à pas grand-chose, qu’on ne démérite pas.
On dit souvent que Jon Jones est le Michael Jordan du MMA. Mesurez-vous la portée de sa légende, ce qu’il représente?
Je ne suis pas sûr que je le mesure. Je le respecte mais je ne l'idolâtre absolument pas, je n'ai pas cet aspect... Est-ce mon cerveau qui se formate de cette manière-là? Je n'ai jamais été un grand fan du MMA à la base, je me suis mis dans le MMA par inadvertance. Je n’ai jamais idolâtré quelconque combattant que j’allais affronter. Je n’ai pas ce truc de regarder la personne comme un fan, pas du tout. J’ai énormément de respect parce que je sais ce qu'il a fait, ce qu'il a accompli très jeune et qu’il a fait perdurer. C'est le trait de caractère d'un champion, comme un Jordan. Les champions s'inscrivent dans la durée. On a vraiment quelqu'un qui a marqué l’histoire et je m’en rends bien compte. Mais je suis toujours le "Bon Gamin" astucieux qui va affronter un mec, et peu importe qui c'est. Je ne ressens pas la pression de me dire: "Wow, c'est Jon Jones!" Pas plus que pour Tai Tuivasa ou Alexander Volkov, pas plus que pour n’importe que mec que j'ai affront.
Pour le sport français, battre Jon Jones aura un retentissement phénoménal. C’est un peu comme aller battre un Mike Tyson…
Je comprends l'impact que ça aura. Mais personnellement, j'ai un réel détachement de ça. Je ne vais pas me dire: "Ah ouais!" Je vais juste être content. Si je gagne, je vais faire comme à chaque fois. Je monte dans le bus, je sens de la paix, je regarde les gars de mon équipe et je dis: "Les gars, on l'a fait!" Basta. On regarde ce qu’il y a après. Si je gagne, ça va être exactement la même chose, le même ressenti, j'en suis persuadé. Je suis désolé les gars pour ce manque de... Ce réel détachement de tout ça. Je me fous que ce soit Jones ou un autre. Il y a juste un but. C'est un combattant face à moi, très fort, et je dois le battre. Et en plus de ça il y a la ceinture. Voilà les paramètres que j'ai en face de moi. Ce n'est pas: "Oh c'est Jon Jones!" Pas du tout.
Vous avez combattu deux fois pour une ceinture UFC. Le combat pour la version intérimaire s’était bien passé, au contraire de celui pour le titre incontesté contre Francis Ngannou. Comment allez-vous utiliser ces expériences dans l’approche de ce combat?
Il y a le combat et tout ce qui est autour, toutes les sollicitations médiatiques. C'est archi épuisant mais j'ai un peu d'expérience, oui. Ça ne va pas être nouveau, je connais les rouages. Je sais que je vais être sollicité à mort, que ça va être très fatigant, donc on va gérer tout ça. Je sais à quoi m'attendre. Finalement, je suis un vétéran. J'ai déjà combien de main event (combat principal d’une soirée, ndlr)? Six? Pour une jeune carrière comme la mienne, c'est pas mal. Ça va m'apporter car j'arrive dans un monde que je connais déjà. Quand tu fais un tel step, il y a tout qui s'enclenche. A un moment, je n'étais pas prêt. Là, je suis prêt à tout ça.
Jon Jones n’hésite pas à verser dans le trash-talking. Comment comptez-vous gérer cela si c’est le cas?
Je ne sais pas. La vérité, c'est que j'ai un détachement. Tu peux parler, dire ce que tu veux. Depuis que j'ai commencé, j'ai toujours vu face à moi des opposants qui avaient deux pieds, deux mains, et basta. L'émotionnel n'a rien à voir là-dedans. Il ne va pas pouvoir m'impacter. Les gens ont pensé que tout ça m'avait impacté avec Francis mais pas du tout. Il avait envie de dire ce qu'il avait envie de dire. Si Jon Jones veut vous raconter de belles histoires, qu'il le fasse, tant mieux, il n’y a pas de problème. Ça mettra un peu de piment au combat.