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UFC 315: comment Benoît Saint Denis a fait sa révolution pour repartir de l’avant

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Battu par Dustin Poirier en mars puis par Renato Moicano à Paris en septembre, Benoît Saint Denis a vécu, de son propre aveu, une année 2024 "difficile émotionnellement". Mais le "God of War", de retour dans la cage de l’UFC 315 ce dimanche (à partir de 4h sur RMC Sport 1) face au Canadien Kyle Prepolec pour un choc des -70kg, a la ferme intention de repartir sur une dynamique positive en 2025. Et il a décidé, pour cela, de changer beaucoup, beaucoup de choses.

C’est sans doute un tournant dans sa carrière. Un combat qui peut relancer sa hype ou qui peut le faire sortir du top 15, et lui valoir d’être rangé (définitivement?) dans la catégorie des guerriers spectaculaires, salués par les fans, mais dont on ne parlera plus dans les discussions pour la ceinture. À quelques jours de son duel contre le Canadien Kyle Prepolec chez les -70kg, en carte principale de l’UFC 315 à Montréal (dimanche à partir de 4h sur RMC Sport 1), bien malin est celui qui pourra prédire l’avenir de Benoît Saint Denis sur la planète MMA.

À la faveur d’une incroyable série de cinq victoires consécutives en 2022 et 2023, toujours avec la manière, toujours avec un finish, "BSD" avait pris une autre dimension, populaire et sportive, et s’était invité dans la cour des très grands. Mais l’année 2024 a été celle d’un dur retour sur terre. Si sa défaite en mars contre l’immortel Dustin Poirier dans les circonstances que l’on connait (le Français était affaibli par une infection) n’avait rien d’infamante, celle concédée contre Renato Moicano fin septembre, en main event de l’UFC Paris à Bercy, a été perçue différemment par le grand public. La France aime brûler ceux qu'elle a portés aux nues, et le "God of War" n’a pas échappé à la règle.

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"Tu ne peux pas être général et soldat en même temps"

Sept mois plus tard, notre guerrier – toujours prétendant numéro 13 de sa division – a pansé ses plaies, et s’apprête à retrouver la lumière. Avec sa détermination de toujours, mais avec une grande lucidité, aussi. "2024 a été une année difficile émotionnellement", confiait Benoît Saint Denis début avril, dans le podcast RMC Fighter Club. "Mais je suis très heureux de revenir en ayant tiré toutes les leçons de cette année, qui a été mine de rien riche en enseignements pour moi." Le premier? "Le MMA, ce n’est pas le rugby ou le football", sourit BSD. Avec deux ou trois combats par an en moyenne, impossible en effet d’effacer la défaite du dimanche par une victoire le samedi suivant… Le deuxième? "Quand tu es combattant dans la cage, tu es un soldat avant tout. Tu ne peux pas être général et soldat en même temps." Et ça, Benoît Saint Denis l’a découvert à ses dépens, un soir de septembre à Bercy.

Épisode 324 - UFC : MMA : Prochain combat, nouveau coach, UFC Paris... Benoît Saint Denis en interview exclusive
Épisode 324 - UFC : MMA : Prochain combat, nouveau coach, UFC Paris... Benoît Saint Denis en interview exclusive
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Dans la foulée de sa défaite contre Dustin Poirier à Miami, l’ancien des forces spéciales a décidé au printemps 2024 de se séparer de son head coach historique, Daniel Woirin. Pour le remplacer… par personne. Toujours entouré de son équipe de spécialistes (Christophe Savoca pour le sol, Yoann Jacquemain et Christophe Cordier pour la partie MMA et pieds-poings…) dans son fief de Bayonne, Saint Denis a fait le choix pendant plusieurs mois de travailler sans entraîneur principal, de faire dans l’autogestion. Ça n’a pas fonctionné…

"Je ne m’en rendais pas compte, mais j’étais tombé dans le côté ‘c’est moi qui assume le rôle de head coach’. J’ai de très bons coachs à Bayonne, mais qui sont spécialisés dans leur domaine. La problématique, c’est que ça reste différent du MMA. Il faut cette personne qui a la capacité de mettre du liant entre toutes les disciplines. Il faut un chef d’orchestre. Et ce chef d’orchestre, le combattant ne peut pas l’être, ce n’est pas possible. C’est une grosse erreur que j’ai commise", reconnait BSD. "Et que j’ai apprise malheureusement au cours du premier round face à Moicano…"

Nicolas Ott, la "pièce maîtresse" sur l'échiquier ?

Alors, façon Rocky, Saint Denis a décidé en fin d’année de reconstruire son environnement de travail. Silencieux dans les médias pendant de longs mois, le combattant tricolore a réfléchi à ce qu’il pouvait changer, améliorer. À qui il pouvait contacter pour l’aider. Un nom est apparu comme une évidence: celui de Nicolas Ott, l’un des entraîneurs français ayant le vent en poupe, l’homme qui a permis au bouillant Nassourdine Imavov de franchir un cap, pour devenir prétendant numéro 1 de la catégorie des -84kg.

"Benoît m’a contacté en décembre pour me demander de travailler avec lui, de prendre cette position de head coach", commentait Ott en début d’année, sur la chaîne Youtube de BSD. "Bien évidemment c’est un challenge qui est super intéressant. Benoît est l’un des meilleurs combattants français, et qui a encore beaucoup de choses à prouver dans la cage. C’est un défi que j’ai envie de relever avec lui. On se connaissait depuis longtemps, on se croisait sur le tatami de Maxime François (coach de lutte, NDLR), je savais qui c’était, que c’était un travailleur, quelqu’un de très droit, de très franc, capable de se pousser jusqu’au bout." Un athlète complet, qui avait besoin d’être encadré.

"Je suis très content de ce qui est mis en place avec Nicolas. Je ne m’en rendais pas compte, mais il manquait cette pièce à l’échiquier, une pièce maîtresse", observe Benoît Saint Denis.

Qui en dit plus sur ce choix: "J’ai beaucoup apprécié la manière dont il travaille avec ses athlètes. Que ce soit Jorick (Montagnac), que je connais bien, ou Nassour. Le travail qu’il a fait avec Nassourdine est remarquable. Il arrive à tirer le meilleur de chaque combattant, les mettre en confiance et faire un gameplan, des mises en situation qui vont se répercuter positivement dans le combat pour obtenir une victoire. Après je voulais aussi le tester au niveau des valeurs humaines. Est-ce qu’il avait la capacité de discuter? La capacité de me mettre dans le dur? Et je m’y retrouve très bien, je suis très content de travailler avec lui."

Sortir de sa zone de confort, et retrouver du plaisir dans la difficulté

Benoît Saint Denis étant installé dans le Pays basque, et Nicolas Ott travaillant lui en région parisienne, il a toutefois fallu trouver une méthode de fonctionnement hybride, casser la routine. À distance, Ott se charge de coordonner "le travail de fond" de BSD avec ses différents coachs à Bayonne pour établir "une stratégie commune qui correspond au MMA moderne". Et puis, plusieurs semaines par mois (davantage à l’approche du combat), Saint Denis se noircit les joues et part donc à l’assaut des salles franciliennes, façon commando. Une manière de voir s’il a bien fait ses devoirs.

"Ça me remet aussi une claque d’humilité, je me mets dans le dur en partant une semaine, deux semaines, quelques jours régulièrement à Paris, loin de ma famille", indique le combattant.

"C’est un métier tellement difficile qu’on ne peut pas se permettre de se mettre trop dans le confort."

En Île-de-France, Saint Denis a ainsi pu tourner avec les athlètes de Nicolas Ott, comme Nassourdine Imavov, les frères Yassine et Youssef Boughanem (grands noms de la boxe thaï) ou la pépite belge Patrick Habirora, il a mis les gants avec le kickboxeur Alexis "Barboza" Nicolas (champion du One il y a peu), et travaillé sa boxe anglaise à l’Insep avec l’entraîneur cubain de l’équipe de France Luis Mariano et le médaillé olympique Souleymane Cissokho. Des cadors dans leur domaine, des sparring partners redoutables.

"J’ai pris du plaisir à me remettre dans le dur dans certaines situations, à être plus régulièrement obligé à monter le curseur de difficulté", décrit BSD. "Quand tu domines quelqu’un à l’entraînement avec une certaine marge, il faut savoir aller se surpasser, aller chercher plus de domination, aller se faire mal pour vraiment progresser. Et il faut aussi prendre du plaisir dans le jeu, sinon tu ne fais pas long feu dans cette carrière."

"Maintenant je n’ai plus le droit à l’erreur"

Ott est-il différent de Woirin sur cet aspect-là? "Ça n’a rien à voir, ce n’est pas du tout la même approche", estime Benoît Saint Denis, sans trop entrer dans le jeu des comparaisons. "Il a la capacité de mettre dans le dur comme pouvait l’avoir Daniel, mais surtout cette capacité à être tactique, technique jusqu’au bout, et à être intéressé par tout le staff. (…) C’est quelqu’un d’intéressé par tout, et de compétent partout." Reste maintenant, comme le répète BSD, à "faire payer le travail" ce 11 mai, contre un adversaire qu'il n'aura pas eu le temps de "préparer" très longtemps. Car Kyle Prepolec a repris au pied levé la place laissée vacante par l'explosif Espagnol Joel "El Fenomeno" Alvarez, 15e du classement des challengers mais blessé à une semaine du combat. Un combat qui faisait saliver les experts et qui avait valeur de test ultime. Mais qui n'aura donc pas lieu.

"C'est un combat très dur pour un retour", prédisait justement Daniel Woirin ces derniers jours, dans l’émission Mandale avant l'annulation. "Je pense que l’UFC ne lui a pas trop laissé le choix (à Benoît) après deux défaites. On sait que l’organisation a un côté un peu maso. Ils aiment bien sacrifier les combattants. Ils peuvent te faire monter, et après te sacrifier."

Conscient des enjeux, de la pression inhérente à chacune de ses sorties dans la cage, Benoit Saint Denis se montrait lui très clair début avril, juste avant l’officialisation de l’affiche. "Maintenant je n’ai plus le droit à l’erreur", disait-il par rapport à la gestion de sa préparation contre Moicano. "Ou plutôt, plus droit à ce type d’erreur. Tu peux faire des erreurs dans un combat, mais pas de cette envergure-là." Charge à lui de démontrer que la marche en avant est remise, quel que soit l'adversaire.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport