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UFC 319: "On peut entrer dans une nouvelle ère", pourquoi le choc entre Du Plessis et Chimaev excite autant la planète MMA

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Dricus Du Plessis va remettre sa ceinture des poids moyens en jeu face à Khamzat Chimaev lors de l’UFC 319, dans la nuit de samedi à dimanche à Chicago (sur RMC Sport 1). Ce duel très indécis peut permettre au redoutable Tchétchène, qui combat sous pavillon émirati, d’obtenir sa première couronne dans l’organisation américaine. A moins que le puissant Sud-Africain prolonge son règne inattendu.

Un vent d’incertitude souffle dans l’open space en cette fin de semaine. Le main event de l’UFC 319 entre Dricus Du Plessis et Khamzat Chimaev, prévu dimanche à Chicago, invite tout le monde à la prudence au sein de la rédaction d’RMC Sport. "A chaque fois que j’y réfléchis, je n’arrive pas à faire un pronostic clair. Je suis très indécis", confie Baba Diagne, coach de boxe anglaise et de pieds poings. "Franchement, je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai eu autant de mal à prévoir un combat", appuie le journaliste Yassine Zaouini, spécialiste du MMA. Dans la ferveur du United Center, l’imprévisible Du Plessis va remettre en jeu sa ceinture des poids moyens (-84kgs) face au redoutable Chimaev, attendu comme le nouveau roi de la catégorie. Et ce match-up s’annonce particulièrement excitant entre les deux fighters de 31 ans, toujours invaincus à l’UFC.

"L’un est champion, l’autre est une star. Chacun peut prendre à l’autre ce qu’il a. Khamzat peut prendre la ceinture de Dricus, mais Dricus peut lui prendre sa lumière", résume le journaliste Aniss Yattou, co-réalisateur du film "Sauvage" sur ce duel à venir (disponible sur RMC Sport). "Le plus gros de l’excitation est lié à Khamzat Chimaev", complète Baba Diagne. "C’est un combattant attendu depuis qu’il est arrivé à l’UFC. Il transcende un peu les foules avec son style. Les gens espèrent voir son couronnement face à un adversaire qui peut lui poser des difficultés."

"Dans le premier round, c’est le meilleur combattant du monde"

C’est là tout l’enjeu de ce duel au sommet. L’effrayant Chimaev parviendra-t-il à malmener le colossal Du Plessis? Pour exister dans ce fight, le Sud-Africain va sans doute devoir résister à la furia du natif de Tchétchénie, connu pour ses entames dévastatrices. "Avec lui, tu te demandes combien de secondes ça va prendre pour amener le combat au sol et potentiellement pour le finir", souffle Baba Diagne, consultant et commentateur pour RMC Sport. "Dans le premier round, c’est sûrement le meilleur combattant du monde aujourd’hui. On n’a jamais vu une telle agressivité couplée à autant d’efficacité."

"Khamzat est considéré comme le meilleur lutteur actuel de l’UFC, sans aucune contestation. On se demande même si ce n’est pas le meilleur lutteur de l’histoire de l’UFC", appuie Yassine Zaouini, qui gère les réseaux sociaux d’RMC Sport Combat. "Jusqu’ici, il a noyé tous ses adversaires. Il a une moyenne de temps de combat d’environ 6 minutes. Il court comme un fou pendant son entrée pour aller jusqu’à la cage et il envoie toute son énergie dès le début du fight."

Aniss Yattou confirme: "Khamzat commence toujours très très fort. Avec lui, il n’y a pas de round d’observation. Il emmène qui il veut au sol. Même des lutteurs d’élite comme Kamaru Usman ou Robert Whittaker ont fini au sol avec lui. Tout le monde sait ce qu’il va faire, mais personne n’arrive à l’en empêcher. L’avis général, c’est que Du Plessis doit passer les deux premiers rounds et la tempête du début de combat, après il sera normalement plus tranquille."

Une entrée fracassante à l’UFC

Mais comme souvent en MMA, les projections peuvent aussi voler en éclats pour accoucher d’un scénario plus surprenant. "J’ai l’impression qu’on est un peu trop coincés dans l’idée que soit Khamzat le finit au premier, soit DPP gagne sur la durée", nuance Baba. "C’est peut-être un peu plus compliqué. Il peut se passer carrément autre chose. Ça peut même durer et aller la décision."

Dans l’antre des Chicago Bulls, Chimaev a l’occasion de s’installer sur un trône que beaucoup lui promettent depuis son arrivée fracassante à l’UFC en 2020, lorsqu’il a enchaîné trois victoires expéditives en soixante-six jours (entre le 16 juillet et le 19 septembre). Un run hallucinant lors duquel il a martyrisé ses adversaires, en couchant notamment l’Américain Gerald Meerschaert en 17 secondes. De quoi choquer tout le monde et créer une hype énorme sur son nom. "Il a débarqué du Brave (une organisation de Bahreïn) avec 100% de finish. On l’explique dans le film ‘Sauvage’, quand il arrive à l’UFC, c’est au moment du Covid et tout le monde regarde les combats. On n’avait jamais vu ça. Et là, on s’est dit: ‘On tient quelqu’un de spécial’."

"Il a une tête de méchant dans un film"

"Contrairement à ce qu’on voit aujourd’hui à l’UFC, ce n’est pas un mec qui combat beaucoup debout", précise Baba Diagne. "Il fait beaucoup de lutte, un peu comme ce que proposait Khabib (Nurmagomedov), avec des amenées au sol et des soumissions rapides. C’est un combattant très agressif et violent, donc il impressionne les fans et ses adversaires." D’autant que Khamzat Chimaev aborde un look très intimidant, avec son épaisse barbe noire, son crâne lisse, son regard de killer, ses oreilles en choux-fleur et sa large cicatrice à la lèvre supérieure, héritée d’une mauvaise chute dans son enfance. "Le gars fait hyper peur physiquement", confirme Yassine Zaouini. "Il parle en anglais avec une toute petite voix et des réponses souvent très courtes. Ça lui ajoute de l’aura. C’est difficile de concevoir de monter dans la cage avec ce gars-là."

"Il a une tête de méchant dans un film", illustre Baba, qui a pu voir le phénomène de ses propres yeux. "Il est grand, avec un visage et un regard dur. Il a son petit problème à la lèvre, comme s’il était un peu balafré par la vie. Il a une aura, une certaine froideur et un charisme évident." "En plus, il sourit tout le temps avant les combats. Il est content d’être là et il sait ce qu’il va te faire", enfonce Aniss Yattou. "S’il récupère la ceinture, j’ai du mal à voir qui sera une plus grande star que lui à l’UFC, à part Ilia Topuria. Ça sera les deux tout en haut de l’affiche", prédit Baba. "Si Khamzat gagne, on peut entrer dans une nouvelle ère", renchérit Yassine Zaouini.

Khamzat Chimaev, tout sourire après sa victoire contre Usman, lors de l'UFC 294, à Abu Dhabi
Khamzat Chimaev, tout sourire après sa victoire contre Usman, lors de l'UFC 294, à Abu Dhabi © AFP

"Quand la séance est terminée, il veut faire du rab"

Le parcours hors du commun de Khamzat Chimaev renforce aussi sa notoriété. On parle d’un homme qui dormait dans sa salle d’entraînement lorsqu’il a commencé le MMA en Suède et qui a continué à le faire après ses premiers succès, avant que son frère parvienne à le convaincre de prendre un logement. Dans le milieu, il est réputé pour son immense capacité de travail. Quitte à même tirer parfois sur la corde.

"Arman Tsarukyan, qui s’est entraîné avec lui récemment, a dit qu’on était obligé de surveiller Khamzat, parce qu’il s’exposait lui-même à des risques de surentraînement à l’approche d’un combat", souffle Yassine Zaouini. "J’en ai parlé avec Ilian Bouafia, qui a été le sparring attitré de Khamzat durant une période, lorsqu’il s’entraînait en Suède. Et il explique que Khamzat veut être le premier en tout, il ne s’arrête jamais. Même quand la séance est terminée, il veut faire du rab."

Une vie plus apaisée au Moyen-Orient

Malgré son goût pour l’effort, son talent unique et sa force herculéenne, "Borz" a connu une trajectoire plus sinueuse que prévu à l’UFC. La faute à des problèmes de visa qui l’ont un moment empêché de se rendre aux États-Unis, peut-être en raison de sa proximité avec Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, en conflit ouvert avec les dirigeants américains.

Khamzat a aussi manqué parfois de sérieux en ratant plusieurs pesées. Il a plombé à lui seul l’UFC 219 en se présentant avec quatre kilos de trop sur la balance. Le tout avec une attitude arrogante, un trash talk salé et des doigts d’honneur à ses détracteurs. De quoi se bâtir une réputation de bad boy, pas toujours à son avantage. Après avoir souffert d’un Covid grave et envisagé de mettre un terme à sa carrière, Chimaev s’est assagi avec la naissance de son fils en 2023. Il a alors délaissé la nationalité suédoise pour représenter les Émirats arabes unis. "Le fait qu’il ait fondé une famille, qu’il ait changé d’environnement et qu’il soit dans un pays qui correspond plus à ses valeurs personnelles, ça l’a apaisé", confirme Baba.

Khamzat Chimaev réside désormais à Dubaï et s’entraîne au TKMMAFIT, dans une cage en plein air posée sur un roof top surplombant la ville. Avec la volonté affichée de devenir le premier triple champion de l’histoire de l’UFC, en décrochant les ceintures des poids mi-moyens (-77kgs), des moyens (-84kgs) et des mi-lourds (-93kgs). Un défi hors-norme à l'image du personnage, qui réclame une rémunération à la hauteur de sa hype et que beaucoup tentent d’éviter en coulisses. "C’est compliqué de le booker en combat, parce que personne ne veut se prendre le bourbier Khamzat Chimaev", observent nos experts de la rédac'.

"Du Plessis, ce mec est un ovni"

Dricus Du Plessis a accepté le challenge, même s’il n’a peut-être pas tellement eu le choix. Pour sa troisième défense de titre, "Stillnocks" va tenter de prolonger un règne que peu de gens avaient imaginé. "Ça a toujours été l’underdog. Il n’a quasiment jamais été favori de ses combats", rappelle Aniss Yattou. "Il a beaucoup de qualités qui ne sont pas spectaculaires mais qui font la différence. J’ai rarement vu un mental comme le sien. Même en eaux troubles, il arrive toujours à trouver des ressources. Il a un cardio de zinzin et physiquement, c’est un gros -84kgs. Hors camp d’entraînement, ce mec-là fait 104kgs. Il fait des cuttings de folie et après sa pesée à -84kgs, il reprend facilement dix kilos avant de rentrer dans la cage. Il a une grosse puissance dans ses coups. Il a mis un down du jab avant à Whittaker!"

Avec ses épaules de déménageur, ses gros biceps et son style désordonné, DDP est une sorte d’énigme à ce niveau de la compétition. "Demain, on habille Du Plessis, on le met dans la rue et on lui demande de faire des pattes d’ours, tu ne te dis pas que ce mec fait du combat", sourit Aniss Yattou. "Il a vraiment une façon bizarre de frapper, il balance ses bras, il n’y a rien d’élégant. Mais son style peu orthodoxe est hyper compliqué à lire. Et avec sa puissance de frappe, c’est un bon cocktail pour choquer ses adversaires. On a l’impression qu’il trouve toujours la solution. Lors de sa victoire contre Israel Adesanya, il se faisait dominer. Il s’est pris une rafale de coups et en tombant, il a réussi l’amener au sol avec lui et à récupérer du temps de contrôle."

Dricus Du Plessis après sa victoire sur Robert Whittaker à l'UFC 290 en juillet 2023
Dricus Du Plessis après sa victoire sur Robert Whittaker à l'UFC 290 en juillet 2023 © AFP

"Ce mec est un ovni", lance Yassine Zaouini. "Si on m’avait dit il y a trois ans que Dricus Du Plessis en serait là, je n’y aurais jamais cru. Il n’est pas académique. Tout ce qu’il fait à l’air brouillon, mais c’est bien un champion construit, qui s’entraîne fort et qui est très solide physiquement. C’est un rouleau-compresseur et il avance sans cesse. Ce mec est une roche, il ne tombe pas. Et si tu ne l’éteins pas dès le début, c’est lui qui te fait abandonner. Whittaker et Adesanya ont résumé ça en disant: ‘C’est le combattant le plus nul le plus fort du monde’."

"J’ai arrête de parier contre DDP"

Un fighter déroutant contre qui il n’est pas conseillé de miser ses économies. "Il m’a fait mentir systématiquement. J’ai arrêté de parier contre lui", s’amuse Baba. "Je suis coach depuis vingt ans et je n’ai jamais vu un combattant si fort être si peu porté sur les fondamentaux du combat. Son footwork, j’ai rarement vu aussi déséquilibré. Il fait des choses assez incompréhensibles, mais c’est un athlète exceptionnel en termes de force physique. On a l’impression qu’il est lent, mais en fait il va vite. Il tape fort et il a un cardio énorme. Même si sa technique a l’air moche, il a des choses qu’il fait très bien, notamment en grappling ou en lutte. Il y a un système pour désorganiser l’adversaire qui fonctionne bien. Je me demande même s’il ne trolle pas des fois, pour rentrer dans la tête des mecs. Il met ses rivaux dans l’incertitude."

A voir s’il parviendra à déstabiliser Khamzat dans l’Illinois, à défaut de le provoquer verbalement pour l’instant. "Je pense qu’il a des armes physiques pour y arriver, c’est un vrai poids moyen", rappelle Baba. "Il est dans cette catégorie quasiment depuis le début de sa carrière en MMA. Au niveau du cardio, il peut largement résister. Et il a un système compétent au sol, pour tenir et se sortir de certaines situations."

Un enjeu majeur pour Nassourdine Imavov

L’issue de ce choc entre DPP et Chimaev aura un impact important sur l’avenir proche de la catégorie. En fonction du déroulé, une revanche pourrait être programmée. Mais plusieurs concurrents poussent aussi au portillon derrière. A commencer par Nassourdine Imavov, le n°1 des challengers. Le Français originaire du Daghestan vient d’enchaîner quatre succès remarqués en un an et demi. S’il vient à bout du Brésilien Caio Borralho en main event de l’UFC Paris 4, le 6 septembre à l’Accor Arena de Paris-Bercy, The Sniper réclamera logiquement un title shot, comme il le fait depuis plusieurs mois. Sachant que le Néerlandais Reiner de Ridder et l’Américain Anthony "Fluffy" Hernandez arrivent fort dans le rétro. "On est sur la catégorie la plus intéressante du moment", conclut Baba Diagne. En attendant ce premier grand tournant dans la ferveur de Chicago.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport