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UFC Paris: "Je veux marquer l’histoire", Ciryl Gane se confie avant le grand rendez-vous

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Un peu plus de sept mois après sa défaite contre Francis Ngannou pour le titre des lourds, Ciryl Gane fait son retour dans l’octogone le 3 septembre à Paris, tête d’affiche du premier événement UFC en France. Avant ce grand rendez-vous, où il sera opposé à la machine à KO australienne Tai Tuivasa dans un choc à gros enjeux, "Bon Gamin" s’est confié au micro de RMC Sport.

Ciryl, sept mois après votre revers contre Francis Ngannou pour le titre de l’UFC, que vous reste-t-il de cette défaite?

Un mini goût amer, mais vraiment minime. Comme je l'ai dit, avoir la ceinture n’a jamais été un but ultime. C’est une consécration. Je fais maintenant partie de tops mondiaux donc, oui, je le vise un peu. Le fait d'être passé très près de terminer le combat me laisse un goût amer. Ça a été très dur au début quand je suis sorti de la cage mais c’est très vite parti.

Pourquoi ce "désolé" lancé à la caméra juste après le combat?

Parce que c’est mon feeling, ce que je ressens. Je me dis que j’ai merdé alors qu’il y a tout le monde qui me soutient. Quand je fais les choses, je ne les fais pas que pour moi mais aussi pour les gens qui me soutiennent. La première chose qui me vient quand je vois la camer, avec mes amis, ma famille et mes fans qui me regardent, c’est 'désolé'.

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Dans le cinquième round, il y a cette clé de talon où beaucoup ont pensé que vous alliez soumettre Ngannou…

On était au milieu du cinquième, après plus de vingt minutes d’un combat assez éprouvant. Il a manqué de la finesse et de la lucidité pour placer cette clé de talon. C’est une clé que j’aime beaucoup placer à mes camarades de la salle. C’est pour ça que certains gars commençaient à chialer en se disant qu’on allait être champion. Mais ça ne l’a pas fait donc c’était un ascenseur émotionnel de malade.

On a l’impression que le combat s’est en partie joué dans la semaine avant. En conférence de presse, par exemple, Ngannou se présente avec l’attitude et même la dégaine du champion…

C'est un placement dans lequel je ne veux pas être. J’aime beaucoup être outsider et je ne suis pas arrivé en disant que moi aussi j’étais le champion (intérimaire, ndlr). Le fait qu’il arrive en champion ne m’a absolument pas déstabilisé, non.

Après cette défaite, êtes-vous vite passé à autre chose?

Il y a un truc que j’aime bien: quand tu es petit, à dix-onze ans, tu perds une finale au foot, tu chiales, mais dans le bus du retour, tu chantes. Le soir du combat, j’ai été faire la fête avec mon frère. Il y a juste ce goût amer quand le débat revient sur la clé de talon mais sinon, on est passé à autre chose.

Comment avez-vous vécu cette défaite?

Je suis un compétiteur, et c’est quelque chose que j'ai ressenti. J’avais déjà perdu dans d'autres sports ou à la salle mais en combat, c’est un autre sentiment. Au début, je voulais ma revanche, surtout vu la façon dont ça s’était passé. Je n’aurais rien dit s’il m'avait vraiment malmené mais là, tout de suite, c’était: 'Je veux ma revanche'. Mais très vite, je suis passé a autres chose, j’ai été détaché de ces choses-là. C'est ce qui m'aide à bien le vivre d’ailleurs.

Les sports de combat sont compliqués, l’idée de prendre des coups. Comment expliquer aux gens ce que tu ressens quand en plus il y a la défaite au bout?

La particularité, c’est que c’est toi et toi. Il y a ton intégrité physique en jeu donc ça amène d’autre sentiment, ce n’est pas juste perdre ou gagner. Il y a aussi l’ego de certaines personnes en jeu. J’ai la chance de pas en avoir donc je n’ai pas peur de prendre des coups. C’est la raison pour laquelle c’est différent aussi quand il y a des victoires. Le côté bagarre, je l’avoue, je ne l’ai pas appris dans les sports de combats mais plutôt là où il n’y a pas d’arbitre, où tu es obligé de t'imposer sinon on va te marcher dessus salement. Il y a d’autres choses qui t'apprennent la combativité.

Votre détachement, est-ce une force ou une faiblesse?

Quand on prend au global, c’est une force. Je suis parfois étonné car quand je regarde les reportages sur Netflix sur des grands champions, je ne m'y retrouve pas du tout. Que ce soit un Michael Jordan ou un Tony Parker, c'est un mental bien différent. Ça ne veut pas dire qu’ils sont mal dans leur peau mais c’est vraiment un truc un peu je-m’en-foutiste. C’est pour ça que Ciryl on l’aime bien: il s’en bat un peu les reins de ce qu'il peut se passer. Mais ça peut être une force d'être différent de ces gars-là. Ils sont peut-être un peu plus dur au mal mais moi, c’est quelque chose qui me protège.

Devez-vous travailler votre côté carnassier dans l’octogone pour être encore plus efficace?

C’est quelque chose que j’ai déjà en vérité. Je vais vers l’avant. En muay thaï (son premier sport de combat, ndlr), il n’y a pas la lutte et tout ça et tu me voyais n’aller que vers l’avant. Je ne me déplaçais pas comme ça. Ça ne me fait pas peur d'aller de l’avant. Mais pourquoi prendre des risques de prendre des coups alors que je peux toucher sans être touché ? Si je vais dans la boîte, c’est du 50/50, alors que si je recule et que je joue mon jeu, je suis à 90/10.

Vous attendiez-vous à passer les trois derniers rounds du combat contre Francis au sol?

Je ne compte pas l’amenée au sol avec le pied, où n’importe qui me fait tomber. Le reste, c'était des sacs à dos, il me ramenait au sol quand je me relevais. Je ne considère pas ça comme de la vraie lutte. Il y a une amenée au sol ou je suis vraiment énervé parce que mon style est fait pour que tu ne puisses pas me toucher, que ce soit en lutte ou en boxe, et ça m'énerve car ça n’aurait pu dû arriver et ça m'aurait enlevé les quatre minutes au sol du dernier round donc j'aurais gagné. C’est mon deuxième regret, avec la clé de talon, car c’était écrit en gras dans le plan de mon coach : ‘Il va t'amener au sol’.

Etait-ce de l’inattention ou ne saviez-vous pas comment vous en défaire?

Il y avait de l’enjeu mine de rien, c'était Francis. J’ai beau dire mais j'étais archi conscient des choses, il y a des gens qui ont dit qu’ils avaient vu que j’étais en détresse au troisième ou quatrième round. Mais pas du tout! Franchement, je n’ai eu aucune émotion qui m’a envahi pendant ce combat. J'étais d’un zen total, vraiment comme à l'entraînement. Il y a de la lucidité mais aussi de la fatigue physique car Francis en impose quand même. On ne le voit pas sur les deux premiers rounds mais il met de l’intensité. J'étais dans de la construction et il m’a fatigué. C’est la lucidité qui me manquait qui fait que j'ai fait des erreurs. Et il faut y remédier pour que la tactique soit remise en avant. C’est ça qu’il ne faut pas oublier même quand on manque de lucidité, les deux-trois points de la tactique.

Vous avez mis longtemps à débriefer le combat avec votre coach, Fernand Lopez. Pourquoi?

J’ai mis du temps à revoir le combat et quand je l’ai fait, je l'ai revu juste derrière car des amis le voulaient. Mais je ne l’ai pas revu depuis, tu connais le personnage... Ce que j’avais ressenti et analysé pendant le combat était la même chose que ce que j'ai vu. Les gens parlent de sa lutte mais je n’ai pas été impressionné par sa lutte. Pareil pour son sol. La différence s’est faite parce qu'il en impose physiquement. Il y a l'expérience aussi. Il a fait le combat parfait tactiquement, ce qu’il devait faire pour gagner contre moi.

Ngannou dit avoir retrouvé en vous son premier combat pour la ceinture en 2018, quand il avait été battu par Stipe Mioci, et que ça l’a encore plus mis en confiance…

Il se sentait en confiance car il s’était entrainé durement. Il m'a pris au sérieux. Il a plus d'expérience que moi, il arrive en tant que champion, il sait que je ne suis pas un trashtalkeur non plus… Il était à l’aise.

On sait que vous travaillez beaucoup le mental avec votre préparateur Ousmane Gassama.

Je travaille dessus depuis le départ et ça se passe très bien. Je n’ai pas peur de monter dans la cage et d'aller me battre mais j’ai un préparateur mental car il y a beaucoup d’autres choses à voir. Au début de carrière, par exemple, on travaillait les objectifs à court, moyen ou long terme. Comment tu te vois aujourd'hui? Où est-ce que tu veux aller? Quelle note tu te donnes? Comment va-ton aller à ci ou ça ? C’est toute cette organisation qu’il faut avoir dans ta tête. On travaille aussi sur la visualisation même si je l'ai déjà et que j'envisage toutes les situations. Je suis rarement surpris car je pense à tout . Je peux tomber KO comme gagner. On parle beaucoup de la visualisation avec Ousmane.

Quels sont vos objectifs à long terme?

J'ai toujours eu ce truc en moi, cette confiance en moi. Je sais que je peux le faire, que je peux marquer l’histoire de mon sport, en tout cas à l'échelle nationale. Certains vont dire que je l'ai déjà fait mais je veux encore plus. Je suis encore un peu jeune mais quand on vient me dire que je suis le porte-drapeau de ce sport en France, c’est quelque chose que je prends avec plaisir car je sais que je peux faire quelque chose de bien. Et même si c’est dur, ce sera encore plus beau.

Qu’avez-vous appris de votre ascension rapide en MMA et à l’UFC?

Au debut, c'était connaître l’environnement? Après, quand tu arrives là-haut, c’est le côté émotionnel que tu apprends. J’étais peut-être trop à l'aise et confiant et je ne l'ai peut-être pas assez exprimé. C’est peut-être un truc qui m’a pas fait rejeter le fait de ne pas aller au sol. Dans l’organisation TKO, six mois après mes débuts, j’étais nul au sol donc il fallait pas que j’y aille et tu ne m’y emmenais pas, j’étais intouchable. Il ne faut pas que j’oublie le 'Bon Gamin' que j’étais au début.

Vous êtes-vous remis en question après votre défaite?

Je n’ai pas ressenti ça comme une révélation car j’étais conscient de tout. Au final, ça m’a juste piqué. Ce n’est pas une remise en question, volets fermés, assis dans le noir. Mais ça m'a fait réfléchir sur le fait que je ne suis que sur mon début de carrière. J’ai encore d’autres années de MMA devant moi. Je me vois à la moitié là.

Fernand Lopez avait promis de vous faire travailler la lutte en masse après Ngannou. Considérez-vous avoir de grosses lacunes sur ce point?

C’est quelque chose qu’on travaille et je suis à l'aise là-dessus. Quand Francis est sur moi, il n’est pas capable de mettre du ground-and-pound (frappes au sol sur l'adversaire, ndlr) ou de me soumettre car je suis à l'aise. Je sais gérer l'espace mais c’est quelque chose qui faut éviter car mon point fort n’est pas celui-là. Mais ça ne me fait pas peur. On a de bon lutteurs à la salle et on travaille bien sur ça.

Pensez-vous que vous devriez plus vous entraîner avec les meilleurs dans chaque spécialité?

Globalement, c’est ce qu’on essaie de faire. On a des gars à la salle fort dans leur domaine, en lutte, au sol, des gars qui font mal, qui sont lourds. On a de quoi faire et c’est pour ça qu’on ne va pas chercher ailleurs. Je pourrais mais on a déjà de quoi progresser. C’est la raison pour laquelle on ne me voit pas dans les quatre coins du monde.

A Paris, le 3 septembre, vous ferez face au puissant Tai Tuivasa, combattant qui sait éteindre la lumlière des adversaires. Que pensez-vous de lui?

C’est un mec dangereux, encore plus que Derrick Lewis (qu’il avait battu pour le titre intérimaire en août 2021, ndlr) en boxe anglaise. Il peut partir en 1-2-3. Encore une fois, j’ai les atouts pour faire face. Mais il faudra être concentré du début à la fin.

La gestion de la distance sera sans doute essentielle…

Son jeu, c’est la mi-distance. C'est quelque chose qui m’arrange. Il a montré qu’il pouvait sortir pas mal de low kicks, j’ai trouvé ça beau techniquement. C’est quelqu'un de dangereux avec les poings mais aussi avec les jambes.

Quelle importance revêt pour vous le fait d’être la tête d’affiche du premier événement UFC en France?

C'est important sur l’aspect carrière mais ça voudra dire un truc quand on en reparlera dans 20 ans. C’est comme mon nom qui ressortira comme la première ceinture UFC française, même si c’était un titre intérimaire. Ça me fait plaisir et ça va me faire du bien d’un point de vue personnel. A l’échelle nationale, ça va aussi faire du bien à des combattants pour les contrats. Ça va éduquer les gens parce que ça va faire du bruit et on va en parler aux infos. Ça va faire du bien à tout le monde.

Attendez-vous à ressentir beaucoup d’émotion en marchant vers la cage à Paris?

J’espère que ça va me faire des frissons, comme quand j’ai affronté Lewis chez lui. Ça m’avait hué, je n’entendais plus ma musique, et quand il est rentré, tout le monde a chanté et je me suis dit : ‘Waouh, c’est lourd, ce fera la même chose quand ce sera pour nous’. Dommage que ce ne soit pas pour la ceinture mais j’espère que ça va me faire quelque chose.

Vous devez aussi gérer le poids médiatique d’être la star de l’événement…

On le gère bien avec l'équipe, on se concentre, on n’hésite pas à dire non même si on a besoin des médias. Mais je gère bien ce statu car je m'en fous. Ça me fait plaisir d’entendre de belle paroles des médias, ça fait du bien à l'égo. Je ne sens pas ici un point négatif.

Pourquoi avoir investi dans l’organisation française Ares montée par Fernand Lopez?

C’est une belle aventure de faire partie d’un projet avec des acteurs comme ça. C’est une réussite et j'espère que ça durera, que ca ira plus loin. C’est une satisfaction de ramener ça et d’éduquer les gens au MMA. L’UFC est contente car on éduque les spectateurs et ce n’est que du positif. Les gens sont accros maintenant. Ils se sont transcendés avec la prise de conscience du MMA et l’aspect tactique. Ça fait plaisir.

Avec toutes vos activités mais aussi la famille avec vos filles, arrivez-vous bien à tout gérer?

On me soulage beaucoup, je suis bien entouré. Il y a quelques mois, c’était un peu dur avec la promotion et tout ça. Maintenant qu’on est là-haut, on a réduit un peu les sollicitations médiatiques et ça me laisse beaucoup plus de temps. La vérité, on gère bien.

Au niveau logistique, dans le quotidien, c’est compliqué? Arrivez-vous à vous mettre des barrières si besoin, par exemple sur l’heure du coucher?

Par exemple, hier, j'étais sur un live Twitch et j’ai insulté mes gars car ils m'ont poussé jusqu'à 00h20 alors que la limite à ne pas dépasser est minuit. On a mis les bouchées doubles depuis une semaine ou deux et il y a moyen que je me couche à 23 heures maximum car je sais qu’une heure ou deux de sommeil, ça va me faire du bien.

Votre chaîne vous ressemble beaucoup dans cette proximité simple avec votre public…

Du coup, ça a surpris des gens parce qu’on l’habitude du 'Bon Gamin' derrière une caméra avec des réponses un peu guidées. Mais là, c’est du live, du freestyle, donc je dis tout ce qui me passe par la tête avec toute honnêteté. Mais parfois, il n’y a pas les formes. Et je peux comprendre que ça… Mais il n’y a jamais une once de méchanceté dans ce que je dis. Je n’ai jamais ouvert ma bouche sans réfléchir avant. Je pèse le pour et le contre, le mal et le bien, et je me dis que ci ou ça n’est pas terrible. Mais ça choque un peu les gens parfois car c’est un autre format.

On sait que votre relation avec Fernand Lopez, votre coach, est très forte. A-t-elle encore évolué?

Ça ne bouge pas car on se connaît. Et c’est comme ça dans tout mon entourage. Les gens savent s’ils sont proches de moi, très proches de moi ou très, très proches de moi. On a gagné en maturité dans notre relation, en fluidité. On a beaucoup moins besoin de parler. Un regard et on se comprend.

Quel est votre plan de carrière à court, moyen et long termes?

On va taper tout le monde! Je suis comme sur mon live Twitch là. En vérité, ça a toujours été la même mentalité : peu importe la mission, ceinture ou pas, je suis un compétiteur et je veux gagner. Et je veux aller au plus haut. J’ai envie de marquer l’histoire et mon sport et de ressentir que je suis allé jusqu’au bout. Ne pas se dire que j’en avais encore sous le pied. Maximiser son potentiel. Et on va encore travailler là-dessus et faire les choses encore mieux.

Certains se disent que vous manquez d’ambition car vous ne criez pas partout que vous voulez être champion du monde…

Je veux être champion du monde! Je veux être le meilleur de mon sport! J’ai envie de battre tout le monde, qu’on dise que je suis l’homme le plus fort au monde. Sur le papier, c’est beau. Dans la rue, personnellement, ça ne changera rien. Jamais. Mais on pourra dire que. Et ça, ça pourrait être bien J’aimerais bien qu’il y ait un reportage Netflix ou RMC à la fin de ma carrière avec des belles images dont je serais fier que je pourrais montrer à mes enfants pour qu’ils se disent : 'C’est lourd ce qu’il a fait mon daron'.

La paternité a-t-elle changé quelque chose pour vous avec vos deux petites filles?

Je ne vais pas à la guerre. Quand je dis ça, je sais que je vais revenir vivant. Je vais au combat de façon professionnelle. Je ne me dis pas que je le fais pour mes enfants… Lopez n’a d’ailleurs jamais fait un discours de motivation sur ça. Il sait que c’est d’abord moi, prendre du plaisir, ne pas avoir de regrets. La finalité, c'est pour mes enfants, mais que je gagne ou que je perde, je leur apporte quand même. Ça n’a pas changé grand-chose sur ma vision du combat mais ça a changé mon quotidien. Tous les parents savent ça. Mais la réussite familiale est la plus belle. Ce n’est pas l’argent ou tout ça.

AH avec Samyr Hamoudi