Tennis de table: "On nous met très haut mais on a encore beaucoup de choses à apprendre", estime Félix Lebrun

Félix, comment pourriez-vous décrire votre saison ?
Incroyable, inattendue, merveilleuse… tout s’est bien passé. Les moments où on a voulu performer le plus on l’a fait. Ça fait une année magnifique. On a vécu des moments de fous. Que ce soit en début d’année avec les championnats du monde par équipe, puis les Jeux olympiques bien sûr et tout ce qu’il s’est passé autour aussi. Ce qui était assez nouveau pour nous aussi mais très plaisant. Et après, on enchaîne avec les championnats d’Europe. Alexis a le titre, nous on enchaîne en double.
Puis on a un autre moment incroyable à Montpellier. Non, c’était une année folle. Avec bien sûr des défaites aussi. Ma défaite aux championnats en Europe contre Benedikt Duda (défaite 3 sets à 2 en quart de finale), elle ne m’a pas fait plaisir forcément mais dans l’ensemble c’est une année incroyable. Ça donne beaucoup de confiance pour 2025. Je viens à peine d’avoir 18 ans et j’ai réalisé une année incroyable. J’ai hâte d’être l’an prochain.
Auriez-vous pu imaginer une telle saison ?
Non non, carrément pas. On sentait qu’on progressait, qu’on pouvait rivaliser avec les meilleurs joueurs du monde. Mais on rivalisait une fois de temps en temps et puis on a réussi à les gagné aux moments les plus importants. Les Jeux olympiques, championnats du monde, championnats d’Europe, les grandes compétitions comme ça, ça n’arrive pas souvent donc il faut performer au bon moment. Cette année on a eu, un peu de chance, enfin je ne sais pas si c’est que ça, mais en tout cas on a performé aux moments qui comptaient le plus pour nous.
Quels moments comptent le plus pour vous ?
C’étaient les Jeux, bien sûr. C’est la compétition pour laquelle on s’est le plus préparé. Toute l’année était tournée autour de ça, sur la course au classement pour être dans les quatre premières têtes de série que ce soit en simple ou par équipe. En équipe, on fait une médaille d’argent aux championnats du monde ce qui nous a permis de déjà vivre un moment de dingue mais aussi d’être dans les quatre pour les Jeux. Et après les deux médailles aux JO, c’est le plus grand moment de mon année. Les Jeux ce n’est pas seulement la compétition.
C’est aussi toute la préparation qui dure un mois avant où on est tous ensemble, on passe de supers moments. C’était mes premiers Jeux, j’avais pour objectif de profiter un maximum même si je me loupais. Je voulais avoir zéro regret. Et ça a été le cas. J’ai pu regarder les autres sports à la télé toute la journée et faire des matchs extraordinaires. Et puis aussi ce qu’il se passe après les jeux… c’est très rare que l’on ait l’occasion de couper un peu, de pouvoir faire la fête et profiter en équipe avec Simon, avec Jules (Rolland) et toute l’équipe de France. C’était des moments incroyables cet été.
Dans vos souvenirs, que gardez-vous en simple aux Jeux olympiques ?
Pas grand-chose. J’ai le souvenir que je suis arrivé et que je me sentais directement assez bien. J’aime bien ce contexte olympique. Aux Jeux européens, j’ai joué mon meilleur niveau aussi, quand il y a un village, d’autres sports, quand il y a toute une équipe de France comme ça. C’est quelque chose que j’aime comme je suis fan de sport en général. Je me sens bien dans cet environnement-là. Et je l’ai direct ressenti. Après, match par match, je me suis dit que j’avais le tableau le plus difficile possible, en tout cas en termes de classement. Mais ça m’a aussi permis de prendre match par match et de jouer de mieux en mieux au fil du tournoi. Si on prend mon premier match et le dernier, il y’a un écart de niveau incroyable. Je pense que c’est ce qui m’a permis d’aller chercher ces résultats.
Et par équipe, vous souvenez-vous de ces trois balles de matchs sauvées, contre le Japonais Harimoto, dans votre premier simple de la petite finale ?
Je ne m’en souviens pas forcément mais je l’ai tellement vu que je m’en souviens. C’était un moment incroyable. Je pense que la médaille en simple m’a aidé à avoir la confiance pour aller chercher ce match. J’avais tellement vécu un moment de dingue en simple que je voulais le partager en équipe. Je voulais aussi permettre à Alexis, Simon, à Nathanaël et à toute l’équipe de France d’avoir cette deuxième médaille pour tout le staff. C’était incroyable. Je savais qu’en allant chercher ce match on était dans de très bonnes dispositions pour aller chercher cette médaille. On avait trois matchs possibles à aller chercher et mon match est le tournant de cette rencontre. Avec le double bien sûr. Parce que s’ils avaient perdu, toute la physionomie du match aurait été différente.
Y a-t-il eu un avant et un après JO, d’un point de vue sportif mais aussi dans votre vie personnelle ?
Honnêtement sur le sportif il n’y a pas eu trop d’avant/après. Forcément, il y a le palmarès, les émotions qu’on va garder toute notre vie mais je continue de m’entraîner, d’essayer de progresser. Ça n’a pas changé sur ma volonté d’aller chercher encore plus haut. C’est plus en-dehors du ping où on se fait reconnaître dans la rue. On a plus d’obligations médiatiques, on a eu aussi, ce qui était assez nouveau pour nous, des sponsors qui vont nous permettre de continuer à progresser. Tout ça est un peu nouveau, il fallait apprendre à l’appréhender. Je pense qu’on l’a plutôt bien fait. Le mois de septembre a été chargé parce qu’on a repris l’entraînement et en même temps on avait toutes les sollicitations à faire.
Ça nous a un peu usé mentalement on va dire parce qu’on n’avait pas beaucoup de temps pour nous. Après les Jeux, on s’est posé, on a fait une réunion pour définir nos objectifs. On s’est dit où on veut être bon après cette période olympique ? Et c’était sur ces deux semaines de championnat d’Europe et le WTT Champions à Montpellier. Deux semaines qui comptaient le plus pour nous. Et c’est là où on a réussi à être le plus performant. Je pense qu’on a réussi à bien gérer cet après JO qui n’était pas forcément facile quand on voit les résultats qui se passent en ce moment. On sent que tout le monde a eu des choses à faire en dehors du ping et donc pas forcément le temps de s’entraîner comme il le faudrait pour performer un maximum. On est plutôt très content de voir comment tout ça s’est passé pour nous.
Cette nouvelle popularité, arrivez-vous à la gérer ?
C’est quelque chose que j’aime bien en général, que je vis plutôt bien. Après, il y a des moments où je n’ai pas envie. Mais je pense que c’est comme tout le monde. Quand ces personnes m’ont poussé comme ça aux Jeux, ils m’ont aussi permis d’aller chercher cette médaille. Donc c’est normal de leur redonner un peu de tout ce qu’ils ont fait pour moi et pour nous. C’est comme ça j’ai envie de dire. Tant mieux que le ping se médiatise un peu plus, qu’il soit reconnu à sa juste valeur, vu la difficulté d’être dans le haut niveau. Après, comme j’ai dit il y a des moments où je n’ai pas envie.
Quand on sort de chez nous, on se fait arrêter cinq ou six fois en dix minutes. Mais quand on doit être à la salle à 9h15 et qu’on arrive à 9h20 et qu’on se fait engueuler à cause de ça, ça ne fait pas plaisir (rires). Il y a des côtés hypers positifs et d’autres un peu plus négatifs, même si c’est un grand mot. Mais en tout cas plus difficiles. Mais en général on le vit plutôt bien. On s’entraîne aussi pour progresser, et si tu es parmi les meilleurs mondiaux on savait que ça pouvait arriver. Mais ça va pour le moment.
Quand vous vous voyez sur une pub, sur un panneau publicitaire, vous faites-vous chambrer par les amis, proches ? Comment le vivez-vous ?
Au début, on en rigole, on regarde tout, on est content de tout voir. Maintenant, ça fait un peu plus de temps que ça nous arrive donc on essaye de prendre plus de recul et rester concentré sur le ping. On nous met souvent très haut. Mais pour l’instant, oui on a fait des résultats incroyables mais on a encore beaucoup à apprendre, à progresser, faut rester les pieds sur terre. Des fois ce n’est pas forcément facile quand on se voit partout. Faut faire attention. J’essaye de ne pas regarder tous les articles qui tournent sur nous. Tout ce que je vois dans la rue, les vidéos, les pubs à la télé… forcément ça me fait plaisir, je la regarde une fois mais je ne vais pas m’y attarder très longtemps, faut repartir à l’entraînement.
Être là où vous êtes aujourd’hui, en termes de niveau de jeu et de classement, finalement c’était votre volonté, la trajectoire prévue ?
J’ai réalisé, peut-être, le plus grand exploit de ma carrière. Mais ce n’est pas une fin en soi. Donc je vais continuer à m’entraîner pour essayer de progresser. Mon rêve a toujours été d’être champion olympique, d’être numéro un mondial, le meilleur joueur du monde et pour l’instant j’en suis quand assez loin. Je suis qu’au début de cette aventure.
Il y a eu un match marquant en fin de cette saison, c’est votre victoire en demi-finale au WTT Champions, quatre sets à zéro face au Chinois Lin Shidong. C’a été pour vous, le meilleur niveau que vous avez produit ?
Oui carrément. Je l’ai prouvé aux Jeux et à Montpellier, le public ça me pousse ça m’aide à me concentrer, à ne pas lâcher un seul point, à jouer mon meilleur niveau. Après je pense que l’événement qu’il s’est passé aux championnats d’Europe la semaine d’avant avec la défaite contre Benedikt Duda et mon lancé de raquette, m’a fait regretter forcément. J’avais à cœur d’être hyper carré au niveau du comportement à Montpellier. Faire des matchs pleins, enfin on va dire sans trop de hauts et de bas et ça m’a permis d’avoir un niveau de concentration hyper élevé. Après c’est le feeling du jour. Je me sentais super bien. Je l’avais déjà battu, il a énormément progressé mais moi aussi c’est ce que l’on s’était dit à la préparation du match.
À chaque match c’est une nouvelle aventure et je l’ai super bien géré. Le premier set c’est le moment le plus important du match. Je mène 10-2, je pars avec des choix que je ne fais jamais. Je me souviens d’un service long pivot, alors que d’habitude je suis un joueur plutôt basé revers, c’est quelque chose que je ne fais jamais, ça l’a surpris et ça me met dans un match où je me sens bien directement. Et puis après il revient, et si j’avais perdu ce set ça aurait pu tourner quatre sets à zéro en sa faveur mais finalement je l’ai gagné. J’ai fait le meilleur match de ma vie c’est clair.
Maintenant que la saison est terminée, que va-t-il se passer dans les prochaines semaines et mois ?
On va prendre trois ou quatre jours de repos parce qu’il y a eu un enchaînement de tournois depuis le China Smash qui a été assez intense. Après on part en stage pendant une dizaine de jours. On va essayer de s’entraîner dur, de repartir dans un endroit un peu fermé et travailler des choses plus profondes. Après, il y a beaucoup de matchs de club. On finit l’année le 22 décembre en Autriche avec la Ligue des champions. Et après c’est Noël, alors on va continuer à s’entraînement même si le 24, 25 et aussi 26 on va bien manger.
Mais après on va repartir sur autre phase d’entraînement jusqu’au 10 janvier. On devra faire des choix sur certaines compétitions. On ne sait pas encore lesquelles on fera. On continuera l’entraînement pour essayer de développer de nouvelles choses. Il faut garder ces longues périodes d’entraînement pour revenir plus fort. Si on fait compétition sur compétition, on développe des petites choses notamment en service remise par exemple. Mais pour moi qui suit qu’au début de mon développement physique, il faut aussi prendre des grandes phases de développement et pour ça j’ai besoin de temps.
Quels seront les objectifs pour cette nouvelle saison ?
Le premier sera le top 16 européen à Montreux. C’est une compétition importante. On s’y plaît, on aime bien être là-bas. On l’a fait qu’une fois mais c’était un moment hyper sympa. Il y aura le public français aussi. C’est un moment où l’on veut performer. Le deuxième mois où on veut être le mieux possible dans notre meilleure condition c’est en avril avec la Coupe du Monde et en mai avec les championnats du monde. C’est le mois le plus important de notre année forcément. On va essayer de se préparer au mieux pour aller chercher de bons résultats.