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Roland-Garros: les pièges des lendemains d'exploits

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L’onde de choc Hugo Gaston ne s’est pas évanouie à Roland-Garros. L’exploit du jeune Toulousain vendredi face à Stan Wawrinka est encore dans toutes les mémoires. Mais il n’est jamais facile de confirmer une "perf" inattendue. RMC Sport a contacté Eric Winogradsky, victorieux de Stefan Edberg en 1987, et Stéphane Huet, tombeur d’Ivan Lendl en 1993, pour identifier les pièges à éviter. Notamment celui d’une soudaine médiatisation.

"J’avais fait le 13h et le 20h"

Stéphane Huet sortait des qualifications, il avait eu trois jours de repos avant son entrée en lice dans le tableau final de Roland-Garros 1993 face à Ivan Lendl (7e mondial à cette époque). Sur le défunt court 1, Il sort l’octuple vainqueur de tournois du Grand Chelem en quatre sets. Sitôt la balle de match terminée, le jeune gaucher (22 ans à l’époque) doit gérer une déferlante médiatique avec son entraîneur: "C’était délirant, moi j’avais plus d’une trentaine de télévisions ou de journalistes qui voulaient m’avoir le lendemain. On n’a gardé que le 13h et le 20h avec mon entraîneur, et une autre émission pour les enfants. Tu es obligé de sentir l’emballement médiatique, l’exploit est tellement énorme que tout le monde veut avoir ton ressenti".

Quelques années plus tôt, Eric Winogradsky "tord" au deuxième tour de l’édition 1987, Stefan Edberg, alors 3e mondial, en trois manches: "Mon entraîneur de l’époque, Georges Goven, m’avait dit que j’aurais des opportunités pendant la rencontre. Qu’il fallait tout donner, pour ne pas avoir de regrets et que le public me soutiendrait, et notre tactique a payé".

Le héros à l’abri des regards

Les conditions sanitaires strictes de cette édition 2020 de Roland-Garros sont sur ce plan un avantage pour Hugo Gaston. Contraint de rester dans l’espace sanitaire, il ne peut pas répondre aux sollicitations médiatiques traditionnelles, et s’évite les salles de conférence de presse bondées de journalistes: "C’est certain qu’il doit être sollicité comme jamais auparavant. Mais connaissant son entourage, ils vont pouvoir canaliser les sollicitations. Et puis, il ne faut pas trop s’éparpiller, garder sa routine, ne pas passer trop de temps au stade. Cette année, c’est plus simple sur ce plan avec les restrictions sanitaires (sourire)", souffle Winogradsky qui avait notamment pris le temps pour aller observer la fin de match de son futur adversaire.

Jusqu’à son match, Gaston sera même à l’abri des regards, puisque les jours sans match, les joueurs doivent s’entraîner à Jean-Bouin cette année. Le calme, c’est ce qu’avait recherché Stéphane Huet après son exploit face à Lendl: "Il faut essayer de trouver un maximum de calme et de sérénité, essayer de se cacher un peu sur les entraînements. Moi j’étais parti au Racing le lendemain, on m’attendait là-bas aussi mais il y avait quand même moins de médias, moins de monde, cela m’a permis de garder la tête sur les épaules, un entrainement d’une heure avec des soins, et j’avais pris ma journée pour récupérer en famille auprès des miens".

1.000 spectateurs sur le Central, un avantage

Le plus dur arrive peut-être. Le match de la confirmation, celui qui suit l’exploit. Ni Stéphane Huet, ni Eric Winogradsky n’avaient réussi à confirmer. Ce dimanche, Hugo Gaston va défier Dominic Thiem sur le Philippe-Chatrier. Le court qui le fait rêver depuis tout petit. Mais pandémie de Covid-19 oblige, il n’y aura que 1.000 spectateurs. Et donc peut-être moins de pression populaire. Huet se souvient de son entrée sur le court 2 pour le match d’après face au Brésilien Fernando Meligeni: "Le fait que le Central ne soit pas plein est un avantage, c’est une évidence. Cela met beaucoup moins de pression, on se retrouve dans une ambiance que l’on a l’habitude de retrouver sur les tournois Challengers. Le terrain, c’est le même sauf qu’il est un peu plus grand, on s’entraine dessus la veille et les repères, on les a".

Et le Toulousain aura évidemment un public acquis à sa cause: "Il sera, c’est sûr, beaucoup plus attendu. Mais le public va lui donner une énergie positive, il faut qu’il s’en serve, pour que cela ne soit pas une pression", détaille Winogradsky qui veut croire à un deuxième exploit. "On pense toujours que l’on peut réitérer l’exploit, que l’on peut le refaire une deuxième fois. J’étais dans cet état d’esprit cette année-là après je suis tombé sur un joueur qui pratiquait un tennis exceptionnel (ndlr: le Tchèque Karel Novacek s’était hissé en quart de finale en 1987). Comme l’a dit son entraîneur Marc Barbier, Dominic Thiem, il est comme lui, il a deux bras, deux jambes, tout peut se passer dans un match, surtout en cinq sets".

Et puis Gaston est programmé en dernière rotation ce dimanche. Il clôturera la journée, un autre avantage pour Winogradsky dans sa préparation de la rencontre: "Il va jouer en dernière rotation, c’est un avantage. Il va pouvoir prendre le temps, c’est important. Parce que quand on joue en début de journée, cela va très vite. Il va pouvoir venir à Roland, s’entrainer peut-être sur le Central. Faire quelques soins, peut-être une petite sieste. Et s’imprégner de l’atmosphère". 

Anthony Rech