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Roland-Garros: "On nous souhaite la mort", insultes, pressions... le fléau des parieurs contre les joueurs

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De nombreux joueurs dénoncent régulièrement les menaces et insultes dont ils sont la cible sur les réseaux sociaux de la part de parieurs frustrés de leurs résultats. Certains proposent même des sommes pour arranger le résultat des rencontres.

Les premiers frissons de Roland-Garros se font sentir depuis lundi du côté de la Porte d’Auteuil. Les qualifications ont débuté sous l’œil attentif et averti d’un public conquis par les prix accessibles et l’ambiance plus conviviale de cette opening week du deuxième Grand Chelem de l’année. Cela rend l’expérience plutôt agréable pour les joueurs comme la Française Margaux Rouvroy (24 ans, 248e joueuse mondiale), victorieuse de la Japonaise Haruka Kaji, 219e mondiale, (6-7, 7-5, 7-6) après un combat de 3h40. Côté face, une autre réalité a certainement frappé la joueuse sur ses réseaux sociaux: les insultes et menaces de parieurs mécontents.

"On nous souhaite la mort"

Habituée du circuit secondaire, la tombeuse de Sofia Kenin, finaliste de Roland-Garros (2020), en 2023 ne cache pas être une cible des parieurs et régulièrement victime de harcèlement. "On est toutes et tous des cibles et je trouve ça fou que ce soit normal de se faire autant insulter, harceler, de recevoir autant de haine après chacun de nos matchs, même des fois quand on gagne", a-t-elle déclaré, lundi. "Je trouve ça fou que personne ne fasse rien. On insulte notre famille, on nous souhaite la mort, des choses assez violentes."

Un tour sur ses réseaux sociaux montrent en effet rapidement des salves d’insultes ou de coups de pression en tous genres, même si elle tente de s’en prémunir. "Moi, je ne lis pas du tout les messages, je ne les ouvre même pas", explique-t-elle. "Ça pourrit juste mes photos sur Instagram avec les commentaires. Ça ne me touche pas forcément parce que j’essaie de prendre du recul mais je ne trouve pas ça bien qu’on puisse autant se faire lyncher sur les réseaux."

Des joueurs approchés en bord de court pour perdre des matchs

Le phénomène n’est malheureusement pas nouveau et il persiste, malgré de nombreux témoignages de joueurs. Caroline Garcia avait diffusé les insanités reçues après un revers à Saint-Pétersbourg. La triste réalité du tennis moderne, où les très nombreuses combinaisons en font un sport particulièrement apprécié des parieurs sportifs. Et ces derniers ne se contentent pas seulement d’attaquer les joueurs sur les réseaux sociaux. Certains se déplacent sur les bords des courts, notamment dans les tournois de catégories inférieures comme les challengers.

En avril, le Slovaque Norbert Gombos est monté en tribunes après sa défaite (6-7, 6-3, 6-7) en demi-finale du Challenger de Madrid face au Polonais Kamil Majchrzak (91e) pour s’expliquer avec plusieurs personnes qu’il avait identifiées comme appartenant, selon lui, à un groupe de parieurs. "Vous, là, vous êtes contents? Vous détruisez le match. Vous sifflez tout le temps. Qui sifflait? Vous êtes tout le temps là, à siffler. Pourquoi vous détruisez le jeu?! Je me moque de savoir si vous pariez! Je m’en fiche."

Le Français Arthur Bouquier s’est, lui, vu attribuer les services d’un garde du corps lors du récent challenger de Thionville après avoir reçu le message d’un homme le menaçant de mort et lui assurant qu’il était sur place pour s’occuper de lui en cas de contre-performance. D’autres écument les tournois pour l’appât du gain par des biais mafieux. C’est le cas en Futures (l’échelon de le plus bas des tournois professionnels) où l’affluence est bien souvent composée de spectateurs d’un genre particulier: des "court-siders", personnes en bord de courts qui relaient les infos à des informateurs à l’étranger pour faire connaître le score avant la mise à jour officiel des scores des matchs.

Les instances signalent les messages haineux

Certains approchent des joueurs pour les inciter à perdre des matchs, comme Axel Garcian qui avait reçu une proposition de 20.000 euros pour laisser filer une rencontre il y a quelques années. "C’est un sujet tabou", confiait-il récemment à Ouest-France. "Ils savent très bien qu’on ne roule pas sur l’or et que beaucoup de joueurs sont à la limite financièrement."

Margaux Rouvroy, elle, n’a jamais eu affaire physiquement à ce genre de personnes, ni à des parieurs mécontents. "Ça ne m’est jamais arrivé", explique-t-elle, avant de pointer du doigt le manque de soutien des institutions face à ces dérives. En 2023, la Fédération internationale de tennis (ITF), la Women's Tennis Association (WTA), l'All England Lawn Tennis Club (AELTC) et l'United States Tennis Association (USTA) ont bien lancé un programme qui surveille les publications sur X, Facebook, Instagram, TikTok et YouTube.

Entre janvier et octobre 2024, le service "Threat Matrix" a surveillé 2,47 millions de messages. Environ 12.000 publications et commentaires ont enfreint les règles de la communauté des plateformes de médias sociaux. La "collecte" a été envoyée vers les plateformes pour supprimer les abus et, dans les cas graves, l'intégralité du compte, d’autres aux forces de l’ordre pour avoir dépassé les seuils criminels.

"J’ai déjà envoyé des messages pour dire qu’il faudrait peut-être que ça stoppe", conclut Margaux Rouvroy. "Tu reçois 150 ou 200 messages, c’est chiant mais je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup d’initiatives en place."

NC