Route du Rhum: qui est Charles Caudrelier, le vainqueur de la 12e édition?

C’est l’histoire d’un premier voyage qui dessine une passion. Né à Paris en 1974, Charles Caudrelier n’a pas un an quand il quitte la capitale pour la Bretagne dans les bagages d’une mère et d’un père qui préfère les grands espaces aux grands boulevards. Direction le Finistère à deux pas de Port-la-forêt qui ne porte pas encore le surnom de "vallée des fous". De la fenêtre de la maison il voit passer les pionniers de "Port-Laf" : Desjoyeaux pas encore "le Professeur", Le Cam pas encore "le roi Jean" ou Jourdain déjà "Bilou".
Le jeune Charles commence la voile en 1989 à quinze ans alors que le Vendée Globe prend son envol. Il rêve d’aventures et de voyages en solitaire au point de raconter à ses parents qu’il va dormir à bord du bateau d’amis de la famille mais en profite pour mettre les voiles pendant la nuit. En novembre 1990, Charles est en famille au Cap Fréhel pour voir le départ de la quatrième édition de la Route du Rhum. "J’ai vu passer Laurent Bourgnon sur son trimaran et c’est l’image qui m’a inspirée et qui m’a donné envie de faire de la voile. J’avais quinze ans, lui vingt-quatre et je me disais je ferais la Route du Rhum avant d’avoir 35 ans. Il était tellement charismatique que ça a été un de mes premiers héros." La voile sera donc sa religion, la Route du Rhum devient son rêve. C’est finalement sur un figaro, que Marc Guillemot louait à son père Christian, que le jeune marin connaît ses premières régates au côté du propriétaire du bateau avec qui il va se forger un palmarès en double.
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Le solitaire plus que la marine marchande
Après le lycée, Caudrelier entre dans la marine marchande, sans véritable conviction mais avec application. Pendant ce temps Laurent Bourgnon s’impose une première fois sur le Rhum. Charles a vingt ans. L’idole double la mise en 98 quelques mois après le diplôme du "grand" Charles et c’est avec certitude que le Finistérien fait son choix: option course au large plus que navire de commerce.
L’année suivante, pendant son service militaire, Charles Caudrelier est détaché à 100% au centre d’entraînement du pôle de Port-la-forêt. Puisque la Grande Muette l’y autorise il fait ses armes sur la Solitaire du Figaro. Michel Desjoyeaux voit le potentiel du garçon et le prend sous son aile, tout comme un certain Franck Cammas aujourd’hui son binôme chez Gitana. "Charles n’avait peur de rien. Nous n’avions que deux ans d’écart, mais en termes de maturité il avait déjà dix ans d’avance. Depuis, on n’a cessé de se côtoyer et de naviguer ensemble. On a même été colocataires ! Ça crée des liens. Il y a un profond respect installé entre nous deux, une grande confiance dans les capacités de l’un et de l’autre".
Quand Zidane lui vole la vedette
Charles Caudrelier s’impose sur la Solitaire du Figaro en août 2004. Mais Zidane qui annonce sa retraite internationale (avant de changer d'avis quelques mois plus tard) lui vole la vedette. Pas grave, le garçon préfère l’ombre aux paillettes. Virginie, la maman de leurs deux enfants, le constate depuis vingt ans : "Il est discret, pas intéressé par la starification. Ce n’est pas la voile bling-bling." Et ça tombe bien car malgré un palmarès long comme le bras forgé depuis dix-huit ans Charles Caudrelier ne fait pas la Une des magazines comme d’autres collègues de travail. Et pour cause, en France il n’y a pas de reconnaissance sportive sans victoire sur le Rhum ou le Vendée Globe. Deux Volvo Ocean Race, trois Transat Jacques Vabre ne suffisent pas.
C’est donc par le "Rhum" qu’il entre dans la cour des grands. Une course dont il rêve depuis qu’il a vu passer Bourgnon au Cap Fréhel. Une course qu’il a gagnée par procuration en tant que routeur de Franck Cammas lors de sa victoire en 2010. "C’est la course de sa vie", explique Virginie. Son plus jeune frère Dimitri a dîné avec lui avant le départ à Saint-Malo. "Ce soir-là je n’ai jamais vu autant de détermination et de volonté de bien faire de la part de Charles. Il n’a jamais eu autant envie et il n’a jamais été autant amoureux et en osmose avec son bateau. Il a toujours été assez critique avec les bateaux sur lesquels il a pu naviguer, avec celui-là c’est merveilleux."
Après la ligne Caudrelier a réalisé un rêve. Il pourra profiter et peut-être se lâcher. "Il a des qualités physiques assez exceptionnelles, témoigne Dimitri. Il a un respect génial de son corps. J’ai dû boire deux bières avec lui en quinze ans!" Peut-être une troisième ce mercredi en attendant une dernière récompense: "un SMS de Mich’ Desj’". Des rêves très réalisables.