
TOUT COMPRENDRE - Pourquoi l’éviction de Clarisse Crémer pour le Vendée Globe 2024 fait-elle autant débat?
Clarisse Crémer est sous le choc. Tout juste maman, cette dernière a été informée mercredi qu’elle ne participerait pas à la prochaine édition du Vendée Globe, qui partira le 10 novembre 2024 des Sables-d’Olonne. Ainsi en a décidé Banque Populaire, son sponsor. La skippeuse française de 33 ans, 12e de l'édition 2021 (sur 33 participants, dont six femmes) et détentrice du record féminin du tour du monde en solitaire et sans escale (87 jours 2 h 24 min 25 sec), est privée de la course à la voile solitaire parce qu’elle a pris trop de retard en nombre de points dans les qualifications en raison de sa récente maternité.
- Crémer “laissée à quai”
Une décision difficile à comprendre pour la navigatrice, énervée contre Banque Populaire, mais aussi contre l’organisation. "Je suis sous le choc (...) Pour Banque populaire ce serait 'laisser le destin choisir à leur place', alors qu'ils 'se doivent' d'être au départ du Vendée Globe. Ils sont prêts à assumer le risque d'un trimaran géant, et tous les aléas naturels, techniques et humains liés à la course au large, mais visiblement pas celui de la maternité”, a pesté Clarisse Crémer sur les réseaux sociaux.
- Un changement de règlement pénalisant
La prochaine édition du Vendée Globe sera la première avec un nouveau règlement, voté en 2020. Auparavant, les "finishers" (navigateurs ayant déjà terminé une précédente édition de l'épreuve, ndlr) étaient directement qualifiés. Pour 2024, les marins doivent désormais cumuler des points entre l’hiver 2021 et l’été 2024 pour obtenir le précieux sésame.
Concrètement, les skippers qui n'ont pas de bateau neuf ont l'obligation de participer à un certain nombre de courses qualificatives jusqu'au départ et d'y accumuler les milles pour se départager, si le nombre de candidats dépasse 40.
- Banque Populaire évoque un retard impossible à combler
C’est donc en citant le nouveau règlement que Banque Populaire, par la voix de son directeur Ronan Lucas, a justifié la mise en retrait de Clarisse Crémer. "On est à 0 mille et ceux devant nous sont à 1.600. Ces gens-là feront les mêmes courses que nous donc on ne les rattrapera jamais... Et ce sont 42, 43 personnes qui sont devant", a-t-il expliqué ce jeudi.
L'équipe a assuré avoir fait "tout son possible" auprès des organisateurs pour faire évoluer le règlement ou "obtenir la garantie d'une wildcard", sans succès, et a décidé de se séparer de Crémer, "au regard des investissements humains et financiers" d'un projet Vendée Globe.
- Inflexible sur le règlement, l’organisation critique la décision “précipitée” de Banque Populaire
De son côté, l’organisation ne veut pas changer les règles "afin de préserver l’équité envers l’ensemble des prétendants au prochain Vendée Globe alors que le processus de sélection était déjà engagé”.
Quant à la wildcard, “c’est une possibilité qui a été évoquée avec le Team Banque Populaire et Clarisse Crémer”, rapporte Alain Leboeuf, le président du Vendée Globe. Celle-ci ne pourra être fléchée avant la fin du parcours de sélection, le Vendée Globe ne connaissant pas les skippers qui pourraient y prétendre."
Dans un entretien à l’AFP, Alain Leboeuf rejette même la faute sur le sponsor, qui a pris une décision précipitée après l’éviction de Clarisse Crémer. "Banque Populaire voudrait être sélectionnée avant tout le monde. Ce n'est pas possible. On ne peut pas faire le tour du monde en solitaire sur les océans sans qu'il n'y ait d'étapes intermédiaires, rappelle-t-il. Je ne comprends pas comment on a pu prendre une décision comme ça (...) Il reste beaucoup de courses et Clarisse pourra très bien faire le nécessaire pour être sur la ligne de départ en 2024, je le souhaite vraiment.”
- Le monde du sport sous le choc
L’affaire Crémer a provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. L’ancienne ministre des Sports Roxana Maracineanu s’est dite “choquée” par la position du Vendée Globe. “Faire un bébé pendant sa carrière sportive est un droit. Tous les acteurs du sport dont les organisateurs et les sponsors doivent aider les sportives à concilier les deux. La laisser à quai est coupable”, écrit-elle sur Twitter.
De son côté, la championne olympique de judo Clarisse Agbégnénou, maman d’une petite fille depuis juin, dénonce les inégalités dont sont encore victimes les sportives tricolores: “Ainsi donc en 2023, vous continuez à creuser les inégalités femmes/hommes et sanctionner les femmes parce qu’elles ont le “malheur” de donner la vie tout en menant de front leur carrière professionnelle?”
Également mère de deux enfants, Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique du lancer du disque en 2016, a rappelé “la triste réalité du sport féminin et de la maternité dans le sport aujourd’hui”, “beaucoup de blabla” mais de la “galère sur le terrain”: “Non mais quelle image vous donnez aux jeunes filles j’en ai marre! Plutôt que de la laisser tomber, battez-vous à ses côtés pour faire bouger les choses et là oui on avancera, on progressera et tout le monde sortira grandi de cette histoire!”