Vendée Globe: mais que deviennent les bateaux après leur arrivée?

"Le jeu en général, c’est de vendre son bateau un peu ancien et d’en racheter un plus récent", explique le skipper Fabrice Amédéo (Nexans-Wewise). Après chaque course au large, les bateaux des skippers sont à vendre sur la page d’annonce de la classe Imoca. Les ventes et achats de bateaux s’organisent via le site Imoca, mais le milieu étant très petit, il faut fouiller pour découvrir les bateaux, notamment ceux qui sont à vendre ailleurs qu’en France.
Les bateaux mis en vente ont appartenu à d’autres skippers et parfois, ils ont même fait plusieurs fois le tour du monde. Chacun de ces bateaux a son histoire plus ou moins glorieuse. "J'ai choisi ce bateau parce que je l'ai trouvé très performant sur le dernier Vendée Globe. C'est un bateau qui est bien né", insiste le skipper Guirec Soudée (Freelance.com), actuellement 23e, qui a déjà mis en vente son bateau.
Dans le petit milieu de la course en solitaire, les performances du bateau sont très regardées et permettent de se rassurer sur la fiabilité de l’embarcation. "Ce bateau-là a eu beaucoup de vies. Il est passé dans les mains d’au moins huit skippers", affirme Alice Claeyssens, team manager de Guirec Soudée. "C'est un bateau 2007, le troisième bateau le plus vieux de la flotte de l'actuel Vendée Globe qui a gagné la Route du Rhum en 2010."
"Quand le bateau n'est pas à l'eau, il est en chantier"
Les bateaux appartenant à la classe Imoca doivent se plier à une jauge. "La jauge Imoca, c’est plein de petits critères qui empêchent de faire n'importe quoi techniquement pour que les bateaux soient à armes égales", raconte Alice Claeyssens. Ces normes servent à garder une équité et une sécurité. À chaque fois qu'il y a un accident, il y a un changement de jauge derrière.
"Pour la première saison notre Imoca était à la jauge. Mais lors des deux autres chantiers d'hiver, on a fait une remise à la jauge. On a dû travailler sur les systèmes des batteries parce qu'il y a un bateau qui avait pris feu à cause des batteries au lithium”, développe Lucie Queruel, boat captain de Guirec Soudée, qui suit constamment le bateau, tant sur terre que sur mer. "Tous les ans il faut les sortir de l'eau, les démâter, les déquiller, vérifier tous les systèmes, tout remonter. C'est très laborieux niveau technique." Ces bateaux demandent beaucoup d'entretien et ont des systèmes assez délicats, notamment la quille. Chaque fois que le bateau est en chantier, rien n’est laissé au hasard, tous les points sont importants et aucune impasse n’est faite. À chaque fois, Lucie Queruel se demande: "Est-ce que cet élément finit le Vendée Globe? Si oui c'est bon, s’il y a un doute on change."
Les Imoca sont des bateaux qui nécessitent énormément d'entretien. "Quand le bateau n'est pas à l'eau, il est en chantier", précise Alice Claeyssens. Il faut une équipe technique en permanence qui gère le bateau donc ils ne peuvent pas dormir trop longtemps sans projets.
"Même si c'est un ancien bateau, il a encore des coups à jouer"
Pour Guirec Soudée, qui s’est lancé pour la première fois dans la course au large, récupérer un bateau qui a déjà vécu d’autres courses, c'était l’idéal. "Ce sont des bateaux dans lesquels on peut avoir confiance parce qu'ils ont fait plusieurs fois le tour, ils connaissent le chemin", s’exclame-t-il, insistant sur l’histoire que ces bateaux ont à raconter. "Même si c'est un ancien bateau, on sent qu’il a encore des coups à jouer."
"Les bateaux à dérive ne sont pas bons à être jetés à la poubelle", insiste Alice Claeyssens. Pour cette édition-là, les bateaux antérieurs à 2006 n'étaient plus acceptés car trop anciens ou obsolètes. Mais les règles de qualification vont changer, avec plus de souplesse pour les anciens bateaux pour l’édition 2028. "Il n'y aura plus de date de péremption des bateaux", nous précise Alice Claeyssens. Cependant, il y aura toujours une qualification avec un nombre de participations, le plus important possible, aux courses du circuit Imoca. Plus le bateau fait de courses, plus on peut le fiabiliser pour qu'il y ait de moins de casse possible.
L'utilisation d'anciens bateaux est intéressante pour des jeunes skippers qui n'ont pas les moyens d’en acheter un neuf et qui veulent se lancer dans l'aventure. Mais il faut quand même avoir les moyens de remettre le bateau aux normes du Vendée Globe suivant.
"Les vieux bateaux sont robustes, ils finissent le Vendée Globe. Ils sont performants malgré l'âge, donc ça serait dommage qu'ils ne puissent pas faire à nouveau de Vendée Globe", ajoute Lucie Queruel. Ça me fait plaisir d'entretenir une vieille dame qui marche bien."