Vendée Globe: "On sait qu’il faut qu'il y ait des meurtres, il faut que ça saigne", une édition ennuyeuse ou non?

Le Vendée Globe est une course mythique fondée depuis près de quarante ans sur ses petites anecdotes, ses grands drames, ses belles histoires et ses champions. La dixième édition n’aura pas eu pour le moment tous ses ingrédients. Pas de drame et heureusement, pas de sauvetages miraculeux non plus comme il y a quatre ans. "C'est vrai qu'on avait été servi dans les émotions", témoigne Armel Le Cléac’h, vainqueur de la huitième édition. "Parce qu'il y avait eu le sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam." Si le vainqueur d’il y a huit ans s’est passionné pour la course, et notamment le duel à l’avant, il reconnaît qu’il manque quelque chose à cette édition. "C'est vrai qu'on se rend compte que pour les marins, devant notamment, c'est difficile de tenir le rythme sur ces machines. C’est exigeant sportivement, et du coup ça limite un petit peu les vidéos. Finalement on les a beaucoup vues dans leurs sièges, un peu en train de se faire secouer dans tous les sens, mais finalement on voyait peu d'images de mers des premiers, et peut-être que ça a manqué aussi pour le grand public."
Richomme: "Les mecs ne sont pas nostalgiques des poteaux carrés au football"
Un grand public en revanche inondé de vidéos de la part d’un certain nombre de skippers qui ont cette obligation de production par les organisateurs et qui souhaitent faire parler d’eux et de leurs sponsors. Une gageure quand il y a quarante bateaux au départ. Une évolution que Yoann Richomme, deuxième actuellement, juge naturelle. "On sait qu’il faut qu'il y ait des meurtres. Il faut que ça saigne. C'est un peu comme les gens qui ne suivent pas le rugby. Ils regardent quand il y a des castagnes, un mec qui a la gueule éclatée, un gars qui finit handicapé. Alors que ce n'est pas ça le rugby." Et Yoann Richomme ne change pas de braquet quand on remet une pièce sur la qualité des communications même à l’autre bout de la planète. "On ne joue plus le même jeu, c'est évident. Il existe des régates pour ceux qui veulent courir comme en 1970. C'est très bien, moi ça ne m'intéresse pas du tout. On utilise ce qu'il se fait de mieux. Mais un peu comme les gens à terre. C'est rare une personne qui utilise une technologie arriérée. Vous connaissez des gens qui ont des télés de 1960 chez eux parce que ça les fait vibrer de regarder en noir et blanc? Arrêtons. Quand ça t'intéresse et que tu es un peu concerné tu aimes bien avoir les trucs à jour. Les joueurs de rugby n’utilisent pas des crampons de 1950 et les mecs ne sont pas nostalgiques des poteaux carrés au football."
Un contexte particulier il y a quatre ans
Pour Philippe Eliès, journaliste spécialiste de la voile au Télégramme le contexte est aussi important. "Les gens oublient une chose essentielle, c'est qu'il y a quatre ans avec le Covid, la seule manifestation sportive en France à ne pas être reportée ou annulée, c'est le Vendée Globe. Donc il y a eu un effet zoom, un coup de projecteur énorme mis par les médias et par le grand public, qui n'avait que ça à se mettre sous la dent. Il n’y avait personne dans les stades ou dans les salles de sport. Même le journaliste à Strasbourg, pour ne pas être en chômage partiel, il parlait du Vendée Globe. On a eu le sentiment que quatre ans plus tard, ça allait être la même chose. Quarante bateaux! Je l'avais dit, je l'avais écrit: il y aura des déçus. Il y aura beaucoup de déçus." Parmi les observateurs moins 'accro' à l’aspect purement sportif de la voile aussi. Mais pour certains le Vendée Globe est encore long, le dernier n’est pas attendu avant un mois aux Sables d’Olonne. Quatre semaines pour de grandes aventures.