
Volley féminin: pourquoi les Bleues avancent dans la bonne direction à deux ans des Jeux
Neuf mois se sont écoulés depuis ce quart de finale européen face à la Serbie, épilogue d’un parcours inespéré qui charrie tant de promesses. Et quand elles y repensent, le souvenir est toujours empreint d’une même légèreté. De celle qui vous permet de léviter jusqu’à des sommets jamais atteints, dont il est parfois difficile de redescendre tant l’intensité émotionnelle était à son paroxysme durant les derniers jours de compétition (Les Bleues ont disputé 7 matches en 10 jours ...). "Le retour à la réalité a été un peu compliqué. Devoir retrouver le club, un nouveau challenge, cela a été difficile pour moi, j’ai eu beaucoup de mal à retrouver de la motivation", atteste Lucille Gicquel (24 ans), la bondissante pointue des Bleues et de Cuneo, en Italie.
Amandine Giardino (27 ans) la libéro, tombée dans la marmite du volley très tôt, passée professionnelle à 18 ans, sacrée championne de France à 21, le confirme: "C’était très dur de rentrer dans nos clubs, le décalage était énorme." "C’était hyper fort, c’est comme si quelque chose nous liait désormais", confie la doyenne de cette équipe de France Isaline Sager-Weider (33 ans), sélectionnée depuis dix ans en équipe de France. La métamorphose s’est produite ces derniers mois, mais en réalité la magie opère depuis quatre ans désormais, sous l'œil de l’alchimiste Émile Rousseaux. Sous le patronage d’un Belge devenu mentor du volley-ball français, les Bleues se sont forgées une identité de jeu qui va de pair avec leurs ambitions, toujours plus grandes.
Un cercle vertueux
Longtemps cantonnée à l’anonymat de la deuxième division du volley-ball mondial, l’équipe de France entend bien surfer sur sa meilleure performance à l'Euro depuis 2013, qui lui permet de s'assurer une participation à l'Euro 2023, avant les Jeux de Paris en 2024, pour se hisser en VNL (Ligue des nations). Il faudra pour cela se qualifier en finale de la Golden League (19 juin), seul moyen d’obtenir un accessit à la Challenger Cup (du 26 au 31 juillet) pour jouer une qualification en Ligue des nations. Ambitieux certes, mais plus rien ne semble hors de portée des rêves que nourrit cette équipe, bien que le niveau de certaines nations - les meilleures, comme le Brésil, la Russie, la Serbie… - paraisse pour l’instant inatteignable. Il n’en demeure pas moins que les progrès sont là, et bien réels.
La preuve ces derniers jours, à l’occasion des matches amicaux disputés par l’équipe de France. Les Bleues ont disposé des Pays-Bas, l'une des meilleures nations du continent (10e au classement FIVB), en cinq manches lors de l’ultime affrontement entre les deux équipes (les Français s'étaient inclinées 3-1 lors du premier match). "On est restées hyper calmes", savoure Isaline Sager-Weider, presque surprise de faire ce constat. Car cette équipe a bien grandi. Les moyens plus conséquents alloués au développement du volley féminin ont permis d’enclencher un cercle vertueux, avec plus d’argent à sa disposition, l’équipe de France s’offre des stages plus nombreux et jouit d’infrastructures de meilleures qualités lorsqu’elle est invitée. "Tu travailles davantage et tu as davantage de moyens pour t’entraîner", résume Sager-Weider. La centrale note aussi que "les filles partent à l’étranger pour avoir plus de temps de jeu, elles sont plus actrices de leur projet."
Exemple avec le préparateur mental pris en charge par la Fédération française de volley-ball: "Nous avons été introduites auprès de lui il y a deux étés, juste après le Covid. Il était venu sur l’une de nos trois semaines de stage à Dinard. Une ou deux filles seulement l’avaient sollicité. L’été dernier, quasiment la totalité. Il y a eu une prise du fait que ça fait partie de la performance et de l’évolution d’une joueuse, c’est top", se réjouit l'ex-capitaine du RC Cannes. Les fameux petits détails qui font la différence. Mais pour l’essentiel, il y a Émile Rousseaux (et son staff !). "Il a une nouvelle méthode de travail bien à lui, je n’ai expérimenté ça nulle part ailleurs", souligne Amandine Giardino. La libéro ne tarit pas d’éloges sur son sélectionneur. Un homme très au fait des besoin de ses joueuses par ailleurs, "très à l’écoute".
"Émile (Rousseaux) ? Il ne s'arrête jamais de travailler"
"On peut discuter avec lui de tout et de façon transparente", apprécie la jeune Amélie Rotar, que son coach souhaite faire basculer de la pointe au poste de n°4. S’il a su instaurer un contrat de confiance avec ses joueuses - "on est toutes montées dans son train", dixit Giardino -, le patron des Bleues est plutôt du genre stakhanoviste. "Tu ne peux pas rester plus de quatre mois avec lui si tu n’adhères pas à sa façon de travailler", nous a-t-on dit. Pas d’entraînements moyens sous l’égide du Belge, tout est pratiqué à une haute intensité. "Une nouvelle méthode à laquelle on s’est adapté: des entraînements très cardios, beaucoup de travail sur les détails, les passes de transition, énormément d’exercices multi ballons qui nécessitent beaucoup de concentration. Quand tu sors de là, tu es vidée à la fois physiquement et mentalement."
Ce qui a mécaniquement pour bénéfice d’augmenter la capacité mentale de résilience, de résistance à l’effort. Pas un entraînement ne ressemble à un autre, témoignent de concert les joueuses que nous avons contactées. "On travaille beaucoup la technique, la précision, l’agilité, il a toujours des idées différentes", certifie Amélie Rotar. "Il ne s’arrête jamais de travailler", ajoute Isaline Sager-Weider. Un passionné qui ne compte pas ses heures pour tenir son groupe en émulation, capable d’appeler ses joueuses tard le soir pour débriefer un match. "Il n’y a pas d'heure pour parler volley avec Émile", sourit Rotar. "Il s'adapte aussi en fonction des filles, tempère Giardino. Moi, il sait qu’il peut m’appeler à minuit, je serai encore debout." Si le rythme de travail peut paraître insensé, les Jeux olympiques risquent d’arriver très vite, bien que la route qui sépare l’équipe de France des Jeux soit encore longue.
Deux ans, c’est déjà demain. Et l’équipe de France accuse encore un retard conséquent qu’il s’agirait de continuer à rattraper pour espérer bien figurer à domicile, devant ses propres supporters. "Je pense qu’on a encore beaucoup de choses à améliorer, que ce soit sur le plan technique ou mental avant d’atteindre le meilleur niveau possible avec cette équipe, concède Amélie Rotar. L’équipe de France est sur la bonne voie. On évolue techniquement, individuellement, collectivement, en tant que groupe. On connaît les qualités de nos partenaires, on a de plus en plus confiance en nous. Les résultats de l’été dernier, c’est le début de quelque chose. Cela nous a permis de réaliser qu’à force de travailler dans la même direction et de façon conséquente, on peut réaliser de belles choses."
Le calendrier de la Golden League
Mercredi 25 mai : France-Espagne à Dunkerque.
Mercredi 1er juin : France - Bosnie-Herzégovine à Harnes.
Samedi 4 juin : Bosnie-Herzégovine - France à Tuzla.
Samedi 11 juin : Espagne-France à Valladolid.
Jeudi 16 juin : demi-finales (la première de chacune des trois poules et la meilleure deuxième sont qualifiées).
Dimanche 19 juin : finale (les deux finalistes sont qualifiés pour la Challenger Cup, du 26 au 31 juillet).