Athlétisme: Mayer a voulu éviter "la faute professionnelle" en abandonnant aux championnats d’Europe

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Une demi-ligne droite lui a suffi à prendre sa décision. Kevin Mayer a stoppé son effort dès la moitié du 100m (première épreuve du décathlon), ce lundi à Munich, lors des championnats d’Europe. Trois semaines après son titre mondial à Eugene (États-Unis), le Français s’est présenté dans un état de fatigue avancé en Bavière, même s’il a tout fait pour se préparer au mieux. Sa tête rêvait d’un doublé retentissant mais son corps n’a pas suivi. Et il a préféré l’écouter en ne prenant aucun risque.
"Je vis tellement des moments incroyables dans l’action des championnats que j’ai voulu me donner toutes les chances d’en faire un de plus, a expliqué le record man du monde lors de son passage sur RMC. C’était à peu près mission impossible, mais je voulais quand même me donner une chance d’y arriver. J’ai tout donné pendant trois semaines. Maintenant, je vais fêter mon titre mondial et je vais encourager les autres Français. Ce n’était que du bonus donc aucun regret."
"J’ai tenté mon coup, ce n’est pas passé"
Ce scénario laisse tout de même un peu d’amertume à un compétiteur de sa trempe. Forcément. "C’est sûr qu’il y a un peu de frustration parce que je sentais que j’avais de bonnes jambes, concède-t-il. Mais j’ai senti directement que mon adducteur s’est tendu. Si j’avais continué, il y aurait eu 80% de chances que ça pète. Et là, je serais reparti pour une grosse rééducation, au lieu de partir en vacances et d’avoir un vrai repos. Pour les années d’après, ça n’aurait été vraiment pas bon. C’était un pari risqué et il faut aussi savoir s’en rendre compte quand c’est trop risqué. J’ai tenté mon coup, ce n’est pas passé. Je n’aurai pas la cerise sur le gâteau."
Avec un deuxième sacre mondial (après celui de Londres en 2017), l’été est de toute façon réussi pour Kevin Mayer. Le natif du Val-d’Oise va désormais profiter des semaines à venir pour souffler et faire refroidir un peu la machine. Avant de se projeter vers ses prochains défis: les Mondiaux de Budapest, l’été prochain en Hongrie, puis les Jeux olympiques de Paris en 2024. Avec l'or en ligne de mire.
"Ça a été plus douloureux que la douleur elle-même"
"Je ne suis pas rivé vers 2024, je suis rivé vers mon futur en général, précise-t-il. Je voulais faire ces Europe sans me blesser. Ça aurait été une faute professionnelle si je m’étais blessé. Parce que je sais que ça me met mal pour les saisons d’après. J’aime tellement les championnats, du plus profond de mon cœur, que ça a été une douleur incroyable de devoir m’arrêter. Ça a été plus douloureux que la douleur elle-même. Mais je sais ce que c’est de se faire une déchirure, ça peut gêner jusqu’à la fin d’une carrière."
A 30 ans, le fer de lance de l’équipe de France d’athlétisme avance sans faire de plans trop lointains. En se concentrant avant-tout sur ses sensations quotidiennes. "Le plus important, c’est de s’adapter. Je suis quelqu’un d’hyper-sensible et j’ai une connaissance de mon corps qui me permet chaque jour de faire un bilan pour savoir comment ça va, explique le doublé médaillé d’argent olympique (2016, 2021). Je m’adapte sans arrêt à mes sensations du matin et par rapport à ça, on fixe les séances d’entraînement et les compétitions. Je sais que j’aurai toutes mes chances si physiquement, je suis bien. Toute l’adaptation se fera autour de ça."