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"C’est la première fois que je vois ça": comment le Paris Basket, néophyte dans la compétition, a mis l’Euroligue à ses pieds

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Vainqueur du Maccabi Tel Aviv mardi soir, le Paris Basketball a enchaîné une neuvième victoire de suite en Euroligue. Leader de la compétition, le club de la capitale, créé il y a seulement six ans, règne sur l’Europe grâce à une recette bien précise.

La réussite du Paris Basket n’a pas de frontières. Créé de toutes pièces en 2018 après avoir récupéré les droits sportifs d'Hyères-Toulon Var Basket, le club de la capitale a habitué le basket français à franchir les échelons à vitesse grand V, passant de la Pro B à la finale de Betclic Elite en seulement six ans. Mais la fougue et l’impatience parisienne s'appliquent également à la scène européenne.

Invité en Euroligue à la faveur de son titre en Eurocoupe (C2) en avril dernier, Paris, vainqueur du Maccabi Tel Aviv mardi soir (93-81), vient d’enchaîner une neuvième victoire de suite dans la plus prestigieuse des compétitions de clubs, battant ainsi le record d’invincibilité d’un représentant du championnat de France (8 victoires de rang pour Monaco en 2023-2024). Et cela fait bien longtemps qu’il n’est plus question d’invoquer la chance du débutant.

Leader d’Euroligue après 13 journées, devant des monuments du basket européen comme Fenerbahçe, l’Olympiacos ou le Panathinaïkos, Paris (10 victoires, 3 défaites) règne sur le Vieux Continent pour sa découverte de la compétition. Pour s’asseoir sur le trône de l’Euroligue, les pensionnaires de la toute nouvelle Adidas Arena (18e arrondissement de Paris) se sont notamment offert des victoires de prestige contre le Panathinaïkos (84-80, 15 octobre), champion en titre, ou encore le FC Barcelone (103-87), leader avant de croiser la route du coupeur de têtes parisien.

Étourdir ses adversaires

L’un des secrets du Paris Basket, qui figure parmi les plus petits budgets d’Euroligue (18,8 millions d’euros), est sa capacité à étourdir ses adversaires. À l’image de leur folle ascension dans la hiérarchie du basket français et européen, les coéquipiers de T.J. Shorts, meneur de poche (1,75m) survitaminé, ont pris l’habitude d’aller à mille à l’heure sur le terrain. Depuis le début de la saison, Paris est l’équipe d’Euroligue qui tente le plus de tirs par match (67,7 en moyenne). Des tirs pris le plus souvent de manière très précoce pour mieux faire tourner les têtes de ses adversaires.

"Ils jouent un basket différent. C’est la première fois que je vois ça en Euroligue. Ils courent, ils shootent en cinq secondes, ils sont très agressifs en défense", a résumé Ergin Ataman, coach du Panathinaïkos et trois fois vainqueur de l’Euroligue (avec l’Efes Istanbul en 2021 et 2022 et le Panathinaïkos en 2024), après avoir perdu contre Paris il y a un mois et demi.

"Les autres équipes d’Euroligue ne sont pas habituées à notre style de jeu qui n’est pas commun. Elles n’ont jamais vu ça", valide Bandja Sy, intérieur du Paris Basket, auprès du Parisien. Une philosophie de jeu incarnée par T.J. Shorts et Nadir Hifi, deux pétards ambulants capables de prendre feu à n’importe quel moment. Avec 18,4 points de moyenne, T.J. Shorts est d’ailleurs le cinquième meilleur marqueur d’Euroligue.

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Un tourbillon de rotations

Les shoots rapides, qui amènent du déchet (45,5% de réussite au tir, 14e d’Euroligue) sont compensés par une grosse activité au rebond offensif (12,8 par match, leader d’Euroligue). L’intensité des Parisiens se traduit également avec le recours très fréquent à une défense tout terrain (6,9 interceptions par match, 5e équipe d’Euroligue dans ce domaine).

Pour maintenir cette pression de tous les instants, aussi bien en attaque qu’en défense, Paris s’appuie sur un tourbillon de rotations. Afin d’éviter toute baisse de régime, les changements de joueurs sont incessants. Depuis le début de la saison, 10 éléments dépassent les 10 minutes de temps de jeu en moyenne (T.J. Shorts, Collin Malcolm, Nadir Hifi, Tyson Ward, Bandja Sy, Leon Kratzer, Maodo Lo, Kevarrius Hayes, Mikael Jantunen, Yakuba Ouattara). En ajoutant Sebastian Herrera, Enzo Shahrvin et Léopold Cavalière, ils sont même 13 à dépasser les huit minutes sur le parquet.

Tiago Splitter, le pari gagnant

Ces rotations ultra-régulières sont l’une des marques de fabrique de Tuomas Iisalo, le coach qui a mené Paris vers le titre en Eurocoupe la saison dernière. Sauf que le technicien finlandais est parti à l'intersaison en NBA, où il officie en tant qu’assistant dans le staff des Memphis Grizzlies. Cette perte pouvait laisser craindre un début d’exercice 2024-2025 compliqué. Mais l’état-major parisien, emmené par David Kahn, ancien président des opérations basket aux Minnesota Timberwolves (NBA), ont fait le pari - pour l’instant gagnant - de faire confiance à Tiago Splitter (39 ans).

Champion NBA avec les San Antonio Spurs de Tony Parker en 2014 durant sa carrière de joueur, l’ancien pivot australien, passé par les staffs des Brooklyn Nets et des Houston Rockets, a pourtant débarqué sans expérience de coach N°1 dans la capitale. Mais les dirigeants ont décidé de miser sur son profil pour perpétuer l’identité de jeu d'Iisalo.

"Le gros des joueurs était sous contrat. Ils ont eu l'habitude de jouer et de gagner d'une certaine façon, donc l'intelligence, c'était de continuer sur cette lancée", explique à l’AFP Amara Sy, directeur sportif de Paris Basket. "On a fait plusieurs entretiens avec des coachs, et Tiago a été le plus convaincant car c'est un jeu qui lui parlait. On a tenté le pari de le signer plutôt que de se tourner vers un coach avec plus d'expérience mais qui jouerait beaucoup plus lentement, avec un jeu posé qui ne nous ressemble pas du tout." Dans sa quête de fidélisation du public, Amara Sy veut proposer "un jeu qui va vers l'avant, qui plaît, car il ne faut pas oublier que c'est du spectacle".

Des objectifs revus à la hausse pour la suite de la saison?

Toute la question est désormais de savoir jusqu’où peuvent aller Splitter et ses hommes. Avec 21 journées restantes, la route est encore longue. Mais Paris peut faire des playoffs (top 6) ou du playin (barrage d’accession aux playoffs pour les équipes classées entre la 7e et la 10e place) un réel objectif. Ce mercredi 4 décembre, les Parisiens ont trois victoires d’avance sur le 7e (Efes Istanbul) et quatre sur le 11e (Milan).

En dehors de cet aspect purement mathématique, bien figurer dans cette Euroligue 2024-2025 est un réel enjeu pour Paris. Le club doit prouver aux décideurs de cette ligue semi-fermée qu’ils ont le niveau pour s’inscrire sur la durée dans le gratin du basket européen. Le club a obtenu une invitation exceptionnelle pour la saison 2024-2025 grâce à sa victoire en Eurocoupe, mais sa présence l'année prochaine n'est pas garantie pour le moment. "Soyez-en certains: nous travaillons pour y rester longtemps", assurait David Kahn en septembre. "Cette saison en Euroligue n’est pas un one-shot. Faites-nous confiance." Sur le parquet, Paris met en tout cas toutes les chances de son côté.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport