Talent précoce, comparée à Wembanyama, future joueuse WNBA… Qui est Dominique Malonga, la première Française à dunker en match?

Elle attrape le ballon en pleine course, enchaîne deux pas et s’envole pour claquer un panier en plongeant sa main droite dans l’arceau. Dominique Malonga s’est offert une action historique ce mercredi en Eurcoupe. La pivot de l’Asvel a profité du carton de son équipe face aux Chypriotes de Limassol (115-54) pour devenir la première Française à réussir un dunk en compétition officielle.
Un geste après lequel elle courrait depuis plusieurs mois. Le moment légendaire a eu lieu peu avant la mi-temps, au terme d’une contre-attaque express où elle s’est retrouvée seule sous le panier adverse. De quoi faire exploser de joie le public lyonnais du gymnase Mado-Bonnet.
"Le but, c’était de faire plaisir aux gens. Depuis plusieurs semaines, quand je dunkais à l’échauffement, j’entendais la foule m’acclamer, je savais qu’ils attendaient ça", a confié à L’Équipe la star de la soirée, auteure de 23 points. "Je l’avais dans les jambes depuis quelques matchs. C’était l’occasion évidente, la première contre-attaque où j’étais toute seule depuis le début de saison. J’avais l’impression que toutes les équipes avaient peur que je passe ce dunk contre elles. A chaque fois que j’étais en contre-attaque, quelqu’un se battait pour revenir. Là, je me suis dit: ‘Si je ne le fais pas maintenant, c’est jamais’."
Les félicitations de Nicolas Batum
Son action inédite a été applaudie par l’ensemble de son club. Ses coéquipières l’ont chaudement célébrée dans le vestiaire après le match, comme le montre une séquence partagée par l’Asvel. L’ancien capitaine des Bleus Nicolas Batum, revenu cet été aux Clippers, l’a félicitée en relayant son geste sur les réseaux avec des flammes et des drapeaux tricolores.
Ce dunk est un événement pour le basket féminin français. Mais il ne sort pas de nulle part. Malonga, qui fêtera ses 19 ans dans deux semaines (le 16 novembre), avait déjà failli le réussir ces derniers mois. En coulisses, la joueuse d’1,98m s’y préparait depuis longtemps.
Fin 2022, l’intérieure aux capacités physiques hors du commun avait déjà fait parler d’elle grâce à une vidéo de l’un de ses entraînements. A peine âgée de 17 ans, "Domi" y enchaînait les skills spectaculaires avec une facilité insolente. "Ce jour-là, on faisait un entraînement individuel avec mon coach sur les dunks. J’étais vraiment à l’aise. La vidéo a été postée sur les réseaux et reprise partout, même aux États-Unis sur des médias comme ESPN", avait-elle confié dans la foulée à Ouest-France.
Une famille de basketteurs au Cameroun
Native de Yaoundé, au sud du Cameroun, Dominique Malonga est issue d’une famille de basketteurs. Son père Thalance (2,03m) a notamment évolué à l’Olympique Club Giffois, dans l’Essonne. Il a aussi porté les couleurs du Congo (son pays d’origine), en parallèle de sa carrière de médecin (spécialiste des maladies infectieuses), tout en s’investissant dans le développement du basket en Afrique. Très proche de sa fille, il ne rate aucun de ses matchs et compile scrupuleusement toutes ses stats.
"Il n’y a rien de surprenant dans ce qu’il se passe. Le critère de la famille, c’est l’excellence", a expliqué le paternel à Ouest-France.
Sa mère, Agathe N’Nindjem-Yolemp (1,90m), a elle aussi connu le haut niveau. Internationale camerounaise, comme ses cousines jumelles Béatrice et Suzanne Bofia, elle est passée par Villeneuve-d’Ascq, Toulouse, Perpignan ou Salamanque, en première division espagnole. C’est au sein de l’académie qu’elle a fondée à Yaoundé que Dominique a découvert la balle orange vers l’âge de 7 ans. D’abord sans grande conviction. "Au début, je n’aimais pas ça mais j’étais encadrée par des basketteurs, je n’avais pas le choix", résume celle qui est arrivée en France à 10 ans, après avoir pris des cours de théâtre pour être plus à l’aise à l’oral et lutter contre sa timidité.
Formée au Paris Basket 18, Malonga se développe à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) avant d’intégrer le Pôle France à 13 ans, avec un an d’avance. Un cas très rare à l’Insep, où seuls trois autres athlètes étaient surclassés à l’époque (tous sports confondus). Malgré des problèmes aux genoux durant sa croissance, elle se démarque par ses qualités athlétiques au-dessus de la moyenne. A 14 ans, elle est déjà capable de dunker.
Le flair de Tony Parker
Un an plus tard, Tony Parker lui propose de rejoindre l’Asvel. Le taulier du basket français organise même une visioconférence pour la convaincre personnellement de venir dans le Rhône. A tout juste 16 ans, Dominique Malonga découvre le monde professionnel, au sein d’une des équipes les plus compétitives de l’Hexagone. Avec une énorme concurrence dans le vestiaire.
Elle décroche une médaille de bronze avec la France au Mondial U17 en 2022. Auteure de 28 points et 17 rebonds lors de la petite finale face au Canada, elle termine dans le cinq majeur du tournoi organisé à Debrecen, en Hongrie.
Pour ne pas freiner son ascension, elle accepte d’être prêtée la saison passée à Tarbes Gespe Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Au sein d’une team moins ambitieuse, elle prend des responsabilités aux côtés d’Isabelle Yacoubou et obtient un temps de jeu plus conséquent. Au point d’être élue meilleure jeune de la Ligue féminine 2024 et de figurer dans le cinq majeur de la LFB (avec 12 points et 9 rebonds de moyenne).
La plus jeune Française aux JO de Paris
Entre-temps, elle est devenue la plus jeune joueuse de l’histoire de l’équipe de France A, en novembre 2022. Et elle est encore la plus jeune (et la plus grande de taille) à figurer dans le groupe retenu pour disputer les JO de Paris 2024 l’été dernier. Le sélectionneur Jean-Aimé Toupane la convoque à la place de l’emblématique Sandrine Gruda (37 ans), meilleure marqueuse de l’histoire des Bleues.
Après des apparitions peu concluantes en phase de poules, la benjamine de la sélection, éclipsée par Iliana Rupert, est laissée sur le banc lors du quart de finale contre l’Allemagne (84-71) puis en demie face à la Belgique (81-75). Elle gratte tout de même deux minutes lors de la finale perdue in-extremis face à Team USA à l’Accor Arena de Bercy (66-67).
"On passe à côté de la victoire à rien du tout. C'est difficile, mais je pense qu'on peut vraiment être fières de ce qu'on a fait", réagit Malonga après cet argent au goût un peu amer.
"J'espère que, pour moi et pour l'équipe de France, l'avenir sera beau. Toutes les étapes qui arrivent, que ce soit les Euro, les Coupe du monde, ce sera forcément pour se préparer encore une fois à la plus grande compétition mondiale, les Jeux olympiques (les prochains auront lieu à Los Angeles en 2028, NDLR)".
La comparaison avec Wembanyama
Avec sa grande taille, son gabarit imposant et son aisance naturelle, Dominique Malonga détonne dans le paysage du basket féminin. En plus d’être une protectrice de cercle, capable de contrer et d’enchaîner les rebonds, son profil polyvalent lui permet d’être aussi impactante offensivement. Avec une certaine adresse à la finition.
"Elle a un profil à part, très athlétique. Elle bouge bien sur le terrain", résume Jean-Aimé Toupane.
Son gabarit, sa gestuelle et son style spectaculaire lui valent d’être régulièrement comparée à Victor Wembanyama (2,24m), d’un an et demi son aîné. Un parallèle flatteur que la jeune Française, qui travaille beaucoup à la salle de musculation, ne souhaite pas forcément entretenir. "Victor est incroyable. Ce qu’il fait à son âge, c’est du jamais-vu. Être associée à ce côté atypique n’est pas déplaisant, mais à chaque fois que je vais faire une bonne performance, on me ramène à lui. Je ne veux pas perdre mon identité. Ce besoin de comparer est plutôt là pour le buzz", a-t-elle déclaré au Figaro en début d’année. "C’est beaucoup de fierté et d’honneur d’être comparée à lui. Maintenant, je suis Dominique Malonga et sur le terrain, je joue comme Dominique Malonga", a-t-elle appuyée sur RFI avant les JO de Paris.
N°1 de la draft WBNA en 2025?
Lorsqu’elle avait 12-13 ans, "Domi" a croisé par hasard Wemby sur un playground et les deux talents ont improvisé un petit match. Mais Malonga souhaite aujourd’hui tracer sa propre route. Sans marcher dans les pas du phénomène de San Antonio. La comparaison pourrait tout de même ressurgir dans les mois à venir outre-Atlantique. Surveillée de près par toutes les franchises américaines, Dominique Malonga pourrait être classée très haut lors de la draft WNBA en 2025. Jusqu’à être n°1? Ce serait, là encore, une première pour une Française.
Son dunk historique avec l’Asvel va en tout cas contribuer à faire monter sa hype, à l’heure où elle compte 16.000 abonnés sur Instagram. Ses performances à Villeurbanne, où évolue son petit frère Tayron âgé de 16 ans, vont également compter. Depuis le début de la saison, la pivot tourne à 18,3 points et 10 rebonds de moyenne en championnat. Avec le souci de ne pas renvoyer l’image d’une joueuse uniquement capable de fracasser le cercle. Lors de ses prochaines sorties, l’attente sera tout de même importante à ce niveau-là.
Des dunks à deux mains et des alley-oops
Le public aura forcément envie de voir "la Française qui dunke". Reste à reproduire ce geste face à une adversaire qui défend. En attendant peut-être bientôt de le faire à deux mains ou de rentrer un alley-oop (le fait de reprendre une passe en l’air pour mettre le ballon directement dans le panier)?
Des "highlights" qui pourraient amener une lumière nouvelle sur sa discipline, même si des Américaines le font déjà régulièrement en WNBA. Malonga en a bien conscience: "Si le basket est aussi regardé chez les garçons, c’est pour le spectacle et si je peux apporter ça au basket féminin en Europe, ce serait top".