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Dauphiné: Romain Bardet, la dernière danse d'un grand du cyclisme français

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A 34 ans, Romain Bardet prendra sa retraite dans une semaine, au terme du Critérium du Dauphiné. L'Auvergnat, depuis un an, a prévu de terminer sur sa course de coeur et de ne pas retourner sur le Tour de France. La conclusion de l'une des plus belles carrières du cyclisme français.

Romain Bardet a rarement fait les choses comme les autres. Aussi important soit-il pour le cyclisme français, quand il a planifié sa fin de carrière, il y a un an, il a décidé de ne pas revenir sur le Tour de France. Sa fin à lui serait sur le Critérium du Dauphiné, sa course de coeur, là où il avait décroché sa première grande victoire il y a tout juste dix ans, au sommet de Pra-Loup.

"Je ne veux pas devenir un vieux con du vélo", disait-il début 2023, comme un indice sur le fait qu'il réfléchissait, déjà, à sa future retraite. Un an plus tard, il se demandait : "Est-ce que je suis vivant?" La décision s'était imposée, peu de temps après, avec l'envie d'être davantage présent auprès de sa famille et de son fils, et en creux, aussi, une évolution du cyclisme dans laquelle il a de plus en plus de mal à se retrouver.

Hasard des calendriers, ce dimanche au départ, il partage l'affiche avec Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et Remco Evenepoel, la nouvelle génération qui laisse bouche bée mais qui a finalement poussé Romain Bardet vers la sortie. Même quand l'Auvergnat disait faire ses meilleurs chiffres en carrière, récemment, il était loin de cette bagarre entre cadors. Il y a quelques années, pourtant, il était le plus sérieux adversaire de Chris Froome.

Un Tour de France qui lui a beaucoup pris

C'est à la lumière de ces années-là, entre 2014 et 2017, qu'il faudra juger la carrière de Romain Bardet. Pendant longtemps, le garçon s'est dévoué au Tour de France. Il a été question de révélation, de victoires d'étapes, d'un premier podium inattendu, d'un deuxième totalement prévu. Mais il n'a pas été question de maillot jaune, du moins pas dans ces années. Ce n'est qu'en 2024, sans objectif au général, que le Français a pu enfin goûter au Graal, le temps d'une journée.

L'intégrale Sport du 7 juin – 18h/20h
L'intégrale Sport du 7 juin – 18h/20h
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Cette histoire avec le Tour, c'est en grande partie ce qu'il restera de la carrière d'un coureur cérébral et méticuleux peut-être à l'extrême, qui n'a jamais rien voulu laisser au hasard. C'est lui qui a instauré les stages en altitude au sein de son équipe historique, AG2R La Mondiale, et amené un tas d'optimisations. Il était le moteur et c'est tout le cyclisme français qui a suivi, dans son sillage.

Le costume était lourd à porter, surtout dans un pays qui attend un vainqueur du Tour de France depuis 1985 et le dernier succès de Bernard Hinault. Romain Bardet reconnaît lui-même qu'il s'est peut-être un peu trop entêté face à ce rêve de maillot jaune. Comme un symbole, en décidant avant le départ que le Tour de France 2024 serait son dernier, il a conclu son histoire juillettiste avec un maillot jaune qui a ému tous les suiveurs. Il ne pouvait sans doute pas y avoir plus belle fin.

Une place à part dans l'histoire

Plus prosaïquement, il a aussi pour lui d'avoir atteint un niveau de régularité exceptionnel. Depuis 40 ans, il est le seul tricolore avec Richard Virenque à avoir connu deux fois le podium du Tour. Une dévotion sans faille pour les classements généraux qui l'a sans doute empêché de gagner davantage, 11 victoires en carrière seulement, ce qu'il a parfois regretté ces dernières années, sans toujours réussir à changer sa nature profonde.

Romain Bardet lève les bras après sa victoire lors de la première étape du Tour de France, le 29 juin 2024.
Romain Bardet lève les bras après sa victoire lors de la première étape du Tour de France, le 29 juin 2024. © AFP

La lecture de ses deuxièmes places donne d'ailleurs à voir ce qu'aurait pu être son palmarès avec un peu plus de réussite. Deuxième du Tour de France, des championnats du monde, de Liège-Bastogne-Liège, du Dauphiné, des Strade Bianche, il aurait presque pu gagner le surnom de "Poulidor moderne". Ca n'aurait pas été tout à fait justifié, compte tenu de la concurrence - Froome, Valverde, Pogacar, entre autres.

Au moment de partir, c'est la conclusion que tire lui-même Romain Bardet. Il a fait du mieux qu'il pouvait et quand il a été battu, c'était souvent par des coureurs entrés au panthéon de leur sport. A l'échelle française, il a aussi été à la fois un rayon de soleil, un signe d'un renouveau et un modèle. Avec Thibaut Pinot, ils ont installé l'espoir qu'un Français pouvait rêver du maillot jaune. Un rêve qui s'était envolé pendant une décennie, voire deux.

Les dernières émotions

Le duo, avec Julian Alaphilippe arrivé quelques années plus tard, aura offert les principaux visages du cyclisme français au XXIe siècle. Un héritage qui compte au-delà des statistiques et des victoires. Malgré ses 34 ans, Romain Bardet a d'ailleurs donné l'impression qu'il avait encore de belles choses à offrir, ces derniers mois. Pas de quoi remettre en question sa décision, mais de quoi partir avec les honneurs et la fierté d'être acteur jusqu'au bout.

"Je ne sais pas si je réalise vraiment que c'est la fin", disait le Français sur RMC, samedi, à la veille du départ du Dauphiné. Pour sa dernière danse, même fatigué par un Giro éprouvant, il espère avoir une ouverture. Vibrer une dernière fois, puis tirer sa révérence, dimanche prochain au Plateau du Mont-Cenis. Pour Romain Bardet comme pour tous ceux qui l'ont soutenu depuis plus de dix ans, il y aura vraisemblablement beaucoup d'émotion. Sans doute quelques larmes et une éternelle reconnaissance.

Robin Wattraint Journaliste RMC Sport