"Certains disent que PCS est une sorte de bible": dans les coulisses de ProCyclingStats, le site de référence des stats de cyclisme

P-C-S. Quiconque s'intéresse un tant soit peu à l'actualité du vélo a déjà tapé ces trois lettres sur son clavier d'ordinateur ou de téléphone. Pour suivre discrètement au travail le déroulé d'une étape du Tour de France, zyeuter le calendrier à venir du prodige Paul Seixas ou vérifier le classement de Tadej Pogacar sur Paris-Roubaix juniors en 2015 (une anonyme 30e place juste derrière le dénommé Clément Bétouigt-Suire).
Mis sur pied en 2013, PCS - pour ProCyclingStats - s'est imposé comme un site de référence dans le monde du cyclisme. Une mine d'informations sur les courses et les coureurs du monde entier, allant de leur poids à leur historique de blessures en passant par leur palmarès, la durée de leur contrat ou la marque de leur casque.
250.000 utilisateurs par jour pendant le Tour
"Certains disent qu'on est une sorte de bible", sourit le cofondateur Stephan van der Zwan. RMC Sport a pu rencontrer cet ancien journaliste néerlandais sur les routes du Tour de France, lui qui suit chaque étape depuis son camping-car violet et blanc installé le long du parcours, où il invite "les spectateurs à venir partager un café bien chaud". "Nous avons eu l'idée de PCS avec mon copain Bert Lip. Nous voulions faire quelque chose qui n'existait pas. Moi j'avais des contacts dans ce milieu, lui savait coder et développer un site. Nous avons commencé en récoltant des infos un peu partout, dans des livres, des magazines, sur internet… Ça a grossi petit à petit et la magie a fonctionné", retrace Stephan van der Zwan.

Avec désormais 14 personnes mobilisées en coulisses pour faire tourner la machine, PCS revendique pendant le Tour de France près de 250.000 utilisateurs par jour et environ quatre à cinq millions de pages vues. "C'est un sacré succès mais au début il n'y avait personne (rires). Maintenant, PCS est sur les écrans de tous les journalistes en salle de presse. On sait aussi que les directeurs sportifs l'utilisent pendant les courses et que les coureurs vont dessus dès leur retour au bus pour voir leur classement et où se trouvent les autres", savoure Stephan van der Zwan, qui doit son amour pour le vélo aux exploits de son compatriote Joop Zoetemelk, six fois deuxième du Tour de France et vainqueur en 1980. "Et les stats, ça remonte à l'enfance et à nos vacances en France en famille. Quand on était assis à l'arrière de la voiture, on s'amusait avec mes frères à compter les Volkswagen ou les Renault qu'on voyait passer…"
Des recrutements menés grâce à PCS
Pour distiller en live des infos sur les plus grosses courses du calendrier, annoncer un abandon avant qu'il ne soit montré à la télévision ou dégainer illico le top 10 d'une sombre classique en Lituanie, PCS s'appuie sur une équipe aux aguets, aidée par "des données fournies par les organisateurs, les chronométreurs et une communauté de suiveurs toujours à l'affût".
Un travail de recensement utile notamment aux directeurs sportifs et recruteurs. "On a une veille permanente sur PCS parce qu'on sait qu'on peut avoir le résultat dans l'heure de la moindre course juniors au fin fond de l'Europe, avec une fiche détaillée pour chaque coureur. C'est un site qu'on peut utiliser pour de la détection et du recrutement", confirme Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance au sein de la formation Decathlon AG2R La Mondiale.
Un exemple encore plus concret: c'est en grande partie grâce à PCS que le Slovaque Lukas Kubis doit sa signature l'hiver dernier chez l'équipe Unibet-Tietema-Rockets, une Pro Team (deuxième division) qui évolue sous licence française. C'est en fouillant sur le site, à la recherche d'un talent au-dessus du lot au niveau continental (troisième division), que Bas Tietema, ex-coureur reconverti YouTubeur et fondateur des Rockets, a flairé le bon coup. Et il n'a pas eu à le regretter puisque Kubis s'est illustré sur les classiques de printemps et a offert à son équipe sa première victoire de l'année en mars du côté du Cholet Agglo Tour.
Des coureurs curieux de leurs stats
"Le profil de Lukas était clairement ressorti du lot sur PCS, qui est très précieux pour repérer des coureurs encore méconnus. Ça fait partie des outils qu’on utilise dans notre recrutement. Ce n’est pas le seul, mais on s’en sert vraiment, en complément de nos propres données, notre réseau humain et nos contacts sur le terrain", nous confirme Benjamin Abitbol, directeur de l'entité Unibet-Tietema-Rockets. "Imaginons qu'on recherche un coureur qui a entre 18 et 24 ans, avec telle nationalité et tel profil, je peux me servir des filtres de PCS, qui va me donner un nombre de données assez bluffant. Je vais savoir combien de points UCI il a marqué, sur quels terrains, s'il est bientôt libre ou s'il lui reste plusieurs années de contrat. Ça offre aussi des infos sur des courses 'secondaires', très locales… En course, ça vient en soutien de Radio Tour et de la télé, pour avoir des renseignements sur ce qui se passe. L’info est super fiable."
Et les coureurs eux-mêmes en sont friands. "Je vais dessus pour voir les résultats des courses, les références… On en discute entre nous, on va sur PCS pour chercher des infos sur tel ou tel coureur, sur son âge, son poids… C’est une super base de données qui permet aussi de nous situer. C’est vraiment intéressant et ça m’arrive d’aller voir ma propre page (sourire). Ça permet de retrouver plein de choses", témoigne Aurélien Paret-Peintre, coureur de Decathlon AG2R La Mondiale présent sur le Tour.
D'autres reconnaissent y jeter un œil pour mesurer les écarts d'un classement général ou inspecter la start-list au départ d'une course pour se faire une idée des forces en présence. Un modèle d'abonnement payant pour accéder à des fonctionnalités plus poussées (et éviter les nombreuses publicités) a par ailleurs été lancé.
Un rébus pour contenter ASO
Sur ce Tour, PCS doit toutefois composer avec une nouvelle problématique. Car l'organisateur ASO a demandé à Stephan van der Zwan de cacher le logo affiché sur son camping-car pour qu'il n'apparaisse plus lors de la retransmission TV. Une requête vécue comme un crève-cœur pour celui qui a commencé à sillonner les routes de certaines courses il y a huit ans parce qu'il en avait "marre de rester à la maison".
"Je ne supportais pas d'être au même endroit, alors j'ai acheté ce vieux camping-car et j'ai commencé par aller sur le Tour de Suisse et je ne regrette pas. Je suis toujours ravi de recevoir des fans de vélo, des membres de staffs, des journalistes... C'est devenu une sorte de phénomène culte. Je suis aussi invité par des organisateurs de course, comme en Croatie, en Pologne, en Grande-Bretagne… Pour ASO, on est peut-être devenus trop populaires, trop visibles. Je peux comprendre leur point de vue, mais je pense que deux secondes à la télévision ne changent rien. On espère trouver une autre solution à l'avenir", explique Stephan van der Zwan.
En attendant, il a déjà trouvé la parade en remplaçant son logo PCS par un drôle de... rébus. En collant sur son camping-car l'image d'une personne en train d'uriner ("pee" en anglais), les vagues de la mer ("sea") et une paire de fesses ("ass"). Pee-Sea-Ass, vous l'aurez compris, pour P-C-S. "C'est quelque chose d'amusant! J'espère qu'ils ont un peu d'humour, je pense que oui!"