Le Tour de France 2020 est-il fait pour Pinot?

Depuis 1985, le cyclisme français espère, année après année, voir un Tricolore succéder à Bernard Hinault au palmarès de la Grande Boucle. L'édition 2020 sera-t-elle la bonne? Il est trop tôt pour le dire. Mais le parcours de la prochaine édition du Tour, dévoilé ce mardi matin, convient sur le papier aux qualités et aux défauts de Thibaut Pinot.

On l’avait vu s’éclipser en larmes, fin juillet, sur la route de Tignes. On l’a retrouvé motivé comme jamais. En pleine tournée médiatique, trois mois après son abandon lors d’un Tour de France qui semblait à sa portée, Thibaut Pinot a fait mardi un passage au Super Moscato Show, sur RMC. Sans se défiler au moment de raconter "la blessure dans la tête, dure à soigner", le coureur français de la Groupama-FDJ a préféré évoquer l’avenir avec optimisme, et déjà se projeter sur la prochaine Grande Boucle. "On va repartir, a-t-il assuré. Ce sera mon objectif premier." Cela tombe bien, puisque le parcours de l’édition 2020, dévoilé ce mardi en grande pompe, semble taillé sur mesure pour le Franc-comtois.

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De la montagne pendant trois semaines

Ce n’est pas un scoop: Thibaut Pinot est un grimpeur, un vrai de vrai, qui ne trouve son bonheur que lorsque la route s’élève. Or, le Tour de France 2020 fera la part belle à la montagne, en traversant les cinq grands massifs, avec au total 29 ascensions classées 2e, 1ere, ou hors-catégorie. Et si les grands classiques – Ventoux, Tourmalet, Galibier, Alpe d’Huez – ne sont pas au programme, les organisateurs ont sélectionné d’autres alléchantes (ou effrayantes) montées, à l’image du nouveau-venu, le col de la Loze. Surtout, il ne faudra pas attendre pour prendre de la hauteur. Dès la 2e étape (Nice-Nice), le peloton devra affronter le col de la Colmiane, puis le col du Turini. Et dès la 4e étape, le public aura droit à une arrivée au sommet de la montée d’Orcières-Merlette.

"On peut s’imaginer pleins de scénarios, je pense que c’est l’un des parcours les plus difficiles des dernières années, avec des ascensions inédites, et la montagne dès la 2e étape, observe Julian Alaphilippe. Je n’ai pas remarqué beaucoup d’étapes promises aux sprinteurs, c’est un parcours spécial." Qui plait visiblement à Pinot. "On casse un peu cette routine habituelle sur le Tour, où des fois il fallait attendre plus d’une semaine avant d’avoir une étape de montagne, a-t-il commenté ce mardi. Là, on a rarement deux sprints de suite, c’est super pour le spectacle et les coureurs. On ne va pas trouver le temps long, il y a de la montagne tous les deux jours. Qu’est-ce que ça chang? Ça change qu’il faudra être prêt dès le départ, parce qu’il y aura déjà une arrivée au sommet le 4" jour. Les grosses étapes de montagne semblent belles, il y a aussi beaucoup de moyenne montagne, un terrain qui crée toujours de la course. Donc à première vue, c'est un Tour qui me plaît et me correspond." Comme il pourrait convenir à Egan Bernal, soit dit en passant…

Pas de chrono par équipe, ou de long exercice solitaire sur le plat

S’il a progressé, Thibaut Pinot n’est pas un spécialiste du contre-la-montre sur plat, il ne le sera probablement jamais, et ne possède pas non plus une formation qui excelle dans ce domaine. L’été dernier, même en limitant très bien la casse lors de la 2e étape, la Groupama-FDJ avait ainsi concédé lors du chrono par équipe 32 secondes sur les Jumbo-Visma de Steven Kruijswijk (3e du général) et 12 sur les Ineos d’Egan Bernal et Geraint Thomas. Un Thomas qui avait encore pris 35 secondes d’avance sur Pinot lors de l’exercice individuel de Pau, et ce même si le Français s’était illustré avec sa 7e place.

Or, l'an prochain, pas de contre-la-montre par équipe au menu, et pas non plus de long chrono individuel en plaine, pouvant liquider les chances de Pinot. Ce n’est pas pour ça que le tracé ne comporte aucun piège: le Tricolore devra par exemple être particulièrement vigilant lors de la 10e étape entre l’île d’Oléron et l’île de Ré, exposée au vent, et donc propice aux bordures. Et on a vu lors du Tour 2019 que ces dernières peuvent coûter cher…

Un contre-la-montre en montagne chez lui, la veille de l’arrivée

Le seul chrono individuel de l’édition, pentu, se jouera la veille de l’arrivée sur les Champs. Et devinez où? Chez Thibaut Pinot. Le tracé de 36 km au départ de Lure (Haute-Saône) a été dessiné sur les terres du Français, sur des routes qu’il connait par cœur, et s’achèvera par la désormais classique Planche des belles filles, avec 6 km à 8,5%, où l’on peut déjà imaginer ses supporters s’époumoner.

"Bien sûr que j’en rêve, racontait Pinot au SMS lundi, alors que l’étape avait plus ou moins fuité. La Planche, c’est à 15 kilomètres de la maison, donc je connais un peu, et avec un chrono on profite encore plus des 30 ou 40 kilomètres qu’il y aura. Est-ce que je serai avantagé? Je l’espère, on verra bien." Interrogé ce mardi, Christian Prudhomme, le directeur de l’épreuve, n’a pas vraiment joué la carte de la coïncidence. "On a mis ce contre-la-montre en place pour qu’il y ait de la bagarre jusqu’au bout. L’arrivée à la Planche des belles filles, sur un chrono assez long, ça promet un vrai spectacle, c’est pour ça qu’on l’a mis à la veille de Paris. J’espère que tout se jouera là, qu’ils seront encore deux ou trois à pouvoir se disputer la victoire." Et si parmi ces deux ou trois, il pouvait y avoir un gamin du coin…

Clément Chaillou avec AV et AS