Sacre de Ferrand-Prévot, poids des coureuses, rallongement de l’épreuve… Jeannie Longo débriefe le Tour de France féminin 2025

Le sacre de Pauline Ferrand-Prévot sur le Tour de France féminin
"C’était la première fois qu’elle le faisait, c’était un gros défi pour elle. Elle connaissait ses adversaires, parce qu’elle a couru tout le début de saison avec les mêmes filles, mais pas sur une course par étapes. Elle n’avait pas fait une course par étapes aussi longue. A mon époque, nous courions trois semaines, au moins c’était quinze jours. Là c’était neuf jours. Pour elle, c’était quand même un peu l’inconnu une course par étapes. Franchir la ligne d’arrivée le dernier jour avec le maillot jaune, de toute façon, c’est une très grosse émotion."
Ferrand-Prévot de retour pour l’édition 2026?
"Ça va dépendre de sa motivation. On la voit, elle arrive le dernier jour, elle est contente. Mais on ne sait pas tout ce qui faut faire avant pour y arriver. C’est un gros entraînement. Ce sont des sacrifices quotidiens. C’est y penser jour et nuit, avoir une discipline, tant sportive que d’hygiène de vie. À mon époque, tout athlète qui avait plus de 32 ans, c’était un peu un âge fatidique, on disait qu’il était vieux. Là, elle aura 34 ans bientôt (le 10 février prochain), on dit que son avenir est devant. Après, ça va dépendre de Pauline, savoir si elle a envie de faire encore tous ces sacrifices, que ce soit familiaux ou professionnels."
Le rallongement possible du Tour féminin
"Nous, nous avions plusieurs courses dans l’année d’une quinzaine de jours. Aux États-Unis notamment, il y en avait deux et deux en France aussi. Des courses de quinze jours, dix jours, c’était courant chez nous. Après il faut reconnaître que les étapes étaient moins longues. On n’avait pas des étapes quotidiennes de 150 km. Ça arrivait, mais elles étaient sporadiques. Quand c’est plus court, c’est toujours plus musclé. Mais je n’ai jamais été tellement pour le rallongement des distances. Il pourrait très bien rallonger la course et puis mettre un contre-la-montre, car il n’y en a pas eu cette année.
Le public a toujours été partisan du cyclisme féminin. Il y a toujours eu un public présent sur le bord des routes. Par contre, maintenant que c’est bien médiatisé, qu’il y a beaucoup de publicité qui a été fait autour du Tour des femmes, je pense qu’il y a beaucoup de candidatures qui vont se profiler donc il n’y aura pas beaucoup de problème pour rallonger le nombre d’étapes. Après, ça ne sera pas la même chose, il faut défendre un maillot, ce n’est pas la même tactique. Plus il y a d’étapes, plus il y a de chances d’avoir du vent de travers. Elles ont eu beaucoup de vents favorables, cette année, pas beaucoup de possibilités de faire des bordures, c’est-à-dire rouler en éventail pour casser les pelotons. Il y a des tas de choses qui peuvent arriver si on rallonge le nombre d’étapes."
Améliorer l’aspect tactique
"Je crois qu’il faut que le peloton fasse un gros effort tactique. Les directeurs sportifs ne doivent peut-être pas toujours raisonner au premier degré et mettre au charbon des filles de valeur qui ne sont plus là à l’arrivée pour aider les leaders au moment où elles en ont vraiment besoin. Il faut arriver à mettre en difficulté le maillot jaune ou le futur maillot jaune. Pauline a été relativement dans le confort pendant six jours."
La rémunération des coureuses
"Les femmes font un beau spectacle, mais les hommes font quand même plus de kilomètres. Proportionnellement au nombre d’heures sur le vélo, pourquoi pas une différence, parce qu’ils se fatiguent plus, plus longtemps. Qu’elles aient de bons salaires, c’est normal. Demander l’égalité, je ne suis pas tout à fait d’accord."
La santé du peloton
"Il faut être très vigilant. Comme dans certains sports où il faut être très mince, comme le saut à ski. Il faut être très très vigilants pour pas basculer dans l’anorexie. Personnellement, j’ai abaissé mon poids de forme pour avoir le maillot jaune. J’ai eu le maillot vert deux fois avant d’avoir le maillot jaune trois fois. J’étais un peu trop musculaire donc je me suis dit qu’il fallait que je sois plus maigre pour gagner. Et quand on est mince, il faut regarder tout ce qu’on mange, il faut faire attention à tout. C’est très contraignant mentalement et physiquement. Il ne faut pas basculer du mauvais côté. Pauline m’a fait un petit peu peur, je l’ai trouvé très très mince, très amaigrie, fatiguée. Bon là, ça va, c’était huit jours. C’est fini, elle rentre chez elle et elle va peut-être reprendre un kilo. Elle va se reposer. Mais on ne sait pas, sur quinze jours comme ça, est-ce qu’elle aurait pu tenir…"