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Tour de France 2024: Pogacar, Gaudu, Matthews, Jorgenson... Pourquoi la Côte d'Azur est le paradis des coureurs pros

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Tracées cette année sur la Côte d'Azur, les deux dernières étapes du Tour permettront ce week-end à une large partie du peloton d'évoluer à domicile. Les coureurs sont nombreux à faire le choix de s’exporter à Nice ou Monaco pour profiter de conditions idéales d'entraînement.

Il tourne autour depuis son premier essai il y a neuf ans. Cinquième en 2016, onzième en 2017 et septième en 2021, Michael Matthews attend encore d’entrer dans le cercle prestigieux des vainqueurs de l’étape des Champs-Élysées sur le Tour de France. Ce ne sera toujours pas pour cet été. Jeux olympiques à Paris obligent, la plus belle course au monde a dû se résoudre à zapper la capitale pour exporter son épilogue sur la Côte d’Azur. Le traditionnel sprint a en prime été remplacé par un contre-la-montre explosif de 34 kilomètres tracé entre Monaco et Nice. Une agréable surprise pour les mordus de l’exercice solitaire, mais une terrible frustration pour un client comme Matthews?

"Au contraire, je pense que ça va être incroyable et excitant du début à la fin. Cela fait des années qu'on termine à Paris, c'est parfois sympa de changer. J'espère qu'il y aura du spectacle pour le public, ça devrait être une magnifique journée", promet le coureur de Jayco AlUla, tout heureux de boucler cette 111e édition sous le soleil méditerranéen, et ce pour une excellente raison. "On sera chez moi !", sourit-il sous son casque, avant de dégainer son téléphone pour faire défiler des clichés de ses routes d’entraînement préférées dans les Alpes-Maritimes.

Un terrain de jeu idéal

Comme lui, une grande partie du peloton aura la chance d'évoluer à domicile tout ce week-end, avec une 20e étape reliant Nice à l’exigeant Col de la Couillole ce samedi, avant cet ultime chrono proposé en guise de dessert dimanche. Des anciens comme Richie Porte, Thor Hushovd et Philippe Gilbert aux petits nouveaux à l’image de Matteo Jorgenson, en passant par Christopher Froome et Tadej Pogacar, la Côte d’Azur est devenue depuis le début des années 2000 l’un des paradis des cyclistes professionnels, au même titre que la principauté d’Andorre où ont notamment posé leurs valises Julian Alaphilippe, Marc Soler et Matteo Trentin.

S’installer sur les hauteurs de Nice ou au pied du Rocher princier de Monaco relève presque du passage obligé pour tout rouleur. "Ça fait un an que je suis descendu sur Nice pour la montagne, le soleil et l'aéroport qui est pratique pour notre métier de coureur cycliste. Avec mon profil de grimpeur, j’ai trouvé ici un super terrain de jeu pour progresser. En plus de ça, il fait beau presque toute l'année et l'hiver je ne suis pas obligé de partir en stage. Je peux rester à la maison, c'est un gros avantage", témoigne le Morbihannais Jordan Jégat, aligné à 25 ans sur son premier Tour avec TotalEnergies.

Un ensoleillement quasi constant et de longues ascensions proposant des difficultés supérieures aux bosses bretonnes plus courtes et explosives, c’est aussi ce qui a convaincu David Gaudu de quitter son Finistère natal pour rejoindre Menton. "Je ne renierai jamais ma Bretagne et au fond de moi je serai toujours un Breton fier de porter les couleurs de notre drapeau. Mais c'est vrai que ce n'est pas une région facile pour s'entraîner l'hiver, surtout en décembre quand il y a beaucoup de vent et de pluie. Dans le sud, on peut approcher les 15°C même à cette période et je peux monter un col au soleil dès que je veux. Ce qui me manque peut-être le plus, c'est d'avoir un peu de plat. Mais ça on arrive toujours à en trouver !", glisse le leader de Groupama-FDJ, qui assure avoir progressé depuis son arrivée sur la Côte d’Azur.

Powless est "tombé amoureux" du col d'Eze

Même constat pour l’Américain Matteo Jorgenson, ange-gardien de Jonas Vingegaard chez Visma-Lease a bike et qui se verrait bien ce samedi faire encore mieux que sa deuxième place obtenue la veille sur les hauteurs d'Isola 2000 derrière l’ogre Pogacar. "Je connais presque toutes les routes de cette avant-dernière étape ! Ça va être un grand plaisir de rouler chez moi. Le départ va même avoir lieu juste devant mon appartement. Ça va être fou, j'ai hâte. Quand je cours proche de Nice, j'ai toujours de bonnes jambes", assure le Californien, vainqueur en début de saison de Paris-Nice et actuel neuvième du général.

Le même sourire se dessine en grand sur le visage de son compatriote Neilson Powless au moment d’évoquer la cité des Anges, les plages de la promenade des Anglais et les reliefs de l’arrière-pays niçois. "Le grand départ de Nice pour le Tour 2020 a été une expérience géniale, ça m'a vraiment marqué. Puis en m'entraînant dans le coin, je suis tombé amoureux des routes et du col d'Eze (situé entre Nice et Monaco). L’eau, la côte, la montagne… Toute la région est très belle. La météo est assez sympa toute l'année, on ne s'en lasse pas", énumère le coureur d’EF Education-EasyPost, qui a dû gérer une foule d’invitations pour sa famille et ses amis attendus en nombre dimanche.

"Se faire les montées près de la côte, puis prendre une petite pâtisserie, c'est toujours agréable. Il y a tellement de choses à faire à Nice, des nouveaux restaurants à tester, des bars à vin, des cafés... Je connais quelques Américains qui vivent ici mais j'ai aussi rencontré des cyclistes amateurs français passionnés", ajoute l'ex-porteur du maillot à pois, devenu il y a quatre ans le premier Amérindien d'origine à participer à la Grande Boucle, lui qui ne retourne aux États-Unis que pour rendre visite à ses parents sportifs, tous deux triathlètes. Plutôt que Nice, Michael Matthews a lui opté pour Monaco, son port de plaisance et ses défilés quotidiens de Ferrari devant les derniers yachts de luxe, qu’il se plaît à décrire comme un petit village avec ses habitudes, ses codes et ses rencontres fortuites chez le boulanger du coin.

La fiscalité avantageuse de Monaco

"J'y vis depuis dix ans. Pour moi, le truc le plus important c’est la météo. Il fait beau toute l'année. Vous n'êtes pas obligé de partir en camp d'entraînement, vous pouvez rester chez vous, l'endroit est absolument incroyable. Et puis les gens sont géniaux. À Monaco, vous êtes aussi près de l'Italie et de la France. Il y a tout ici, ça coche toutes les cases. Ma femme et ma fille seront sur la ligne de départ dimanche, ce sera une expérience très spéciale. Passer par Monaco, à 100 mètres de mon appartement, c'est un truc assez incroyable", savoure l’homme de Canberra, capable de disserter pendant des heures sur "les excellents cafés" découverts au fil de ses pérégrinations.

Les avantages fiscaux de la législation monégasque sont évidemment une autre raison de la présence en nombre de ces coureurs pros, attirés également par une certaine confidentialité, celle qui permettait en son temps à Peter Sagan de partager des pizzas sans être dérangé avec les adhérents du club cycliste local ou à Chris Froome d’avoir ses habitudes dans un restaurant de viandes en bas de chez lui. C’est aussi Monaco que Pogacar a choisi en 2019 au moment de laisser derrière lui son fief de Komenda, et dans ces rues qu’il lui arrive fréquemment de s’entraîner avec Primoz Roglic.

D’autres, plus rares, se sont laissés tenter par l’aventure azuréenne pour finalement faire marche arrière, à l’instar de Warren Barguil, parti vivre à Nice en 2015 avant que le mal du pays ne le pousse à rentrer en Bretagne. "Le cadre était top mais ma famille me manquait. Je suis content d'avoir essayé, de m'être donné les moyens de performer du mieux possible. Zéro regret. Ça n'a simplement pas fonctionné", disait-il en juin dans les colonnes du Télégramme. Le dernier feu d'artifice de ce Tour 2024, avec l'ultime ligne d'arrivée imaginée dimanche dans le cadre si singulier de la place Masséna, lui laissera peut-être quelques regrets.

Rodolphe Ryo, à Nice (Côte d'Azur)