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Tour de France: Cavendish peut-il aller chercher le record de victoires de Merckx?

Vainqueur ce jeudi de sa 32e étape sur le Tour de France, le sprinteur britannique Mark Cavendish (36 ans) n’est plus qu’à deux succès du record absolu d’Eddy Merckx sur la Grande Boucle. Peut-il égaler ou détrôner le "Cannibale" lors de cette édition?

La question ne devait même pas se poser. Il y a encore quelques mois, Mark Cavendish était un champion éteint, incapable d’aller chercher un top 10 sur des sprints de seconde zone, incapable même de suivre le rythme du peloton sur certaines courses, et devait lui-même démarcher des équipes pour ne pas être contraint de raccrocher le vélo. Il y a encore quelques semaines, le sprinteur de l’île de Man n'avait pas prévu de prendre le départ du Tour de France.

Et puis il y a eu l’imbroglio Sam Bennett, cette sélection surprise dans l’équipe Deceuninck-Quick Step, ce coup de tonnerre mardi à Fougères lorsque le "Cav" a de nouveau levé les bras sur la Grande Boucle – cinq ans après – et la récidive, ou la confirmation, ce jeudi à Châteauroux. En réglant encore le sprint massif à la pédale, comme un grand, le vétéran de 36 ans a signé sa 32e victoire sur le Tour, a montré que le résultat de la 4e étape n’avait rien d’un accident, et il s’est rapproché un peu plus du record absolu du Cannibale Eddy Merckx – 34 étapes entre 1969 et 1977.

"Ne dites pas son nom"

Avant le départ à Brest, la semaine passée, Cavendish avait été interrogé sur le sujet, mais de manière légère. Le Britannique était encore à quatre immenses longueurs de Merckx, il n’avait plus gagné sur la Grande Boucle depuis 2016. Bref, la question avait été posée, histoire de.

Ce jeudi à Châteauroux, le débat est devenu beaucoup plus sérieux. Et a presque crispé le héros du jour. "Ne dites pas son nom (celui de Merckx), a lâché Cavendish au moment de recevoir son maillot vert. Moi, je ne pense à rien! Je veux juste une étape sur le Tour de France. J’en ai gagné une première, puis une deuxième. Si je suis assez bon pour en gagner 50 de plus, alors je le ferai. Si je n’arrive plus à en gagner une seule, alors qu’il en soit ainsi. C’est le Tour de France." Et de botter en touche au micro de France TV: "Je vous adore, mais ne me posez pas cette question."

Le discours de quelqu’un de très prudent, ou de superstitieux. Qui aurait un objectif en tête, et qui craindrait de le voir s’envoler en en disant trop… Car sur le papier, la mission 34 victoires d’ici la fin du Tour est jouable. Compliquée, mais pas impossible.

Des adversaires à sa portée

Il faut déjà regarder la concurrence. Au départ du Tour, le sprinteur le plus en forme se nommait Caleb Ewan (Lotto-Soudal). Sauf que l’Australien s’est fracturé une clavicule lundi sur le bitume de Pontivy, et a dû abandonner.

Depuis, le plateau est beaucoup plus homogène: les Alpecin-Fenix (Tim Merlier et Jasper Philipsen) sont en forme, Nacer Bouhanni (Arkea-Samsic) est toujours bien placé, Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) et Cees Bol (DSM) sont à l’affût, mais personne ne semble au-dessus du lot. Pas au-dessus du Cavendish actuel, du moins, qui a battu tout ce beau monde à deux reprises. Avec Julian Alaphilippe qui travaille pour lui, et surtout Michael Morkov, le Cav peut en plus compter sur des lanceurs de luxe.

Cinq occasions max de lever les bras

Il faut ensuite s’intéresser au tracé. Il reste encore quinze étapes avant la fin du Tour. Parmi elles, cinq semblent pouvoir se terminer avec un bon gros sprint massif: la 10e étape entre Albertville et Valence (6 juillet), au lendemain de la première journée de repos, la 12e étape entre Saint-Paul-Trois-Châteaux et Nîmes (8 juillet), la 13e étape entre Nîmes et Carcassonne (9 juillet), la 19e entre Mourenx et Libourne (16 juillet), et la 21e entre Chatou et Paris (18 juillet) – sachant que Cavendish a triomphé à quatre reprises sur les Champs-Elysées entre 2009 et 2012.

Mais quand on dit cinq, c’est cinq au maximum. La 10e étape offrira quelques raidillons qui pourraient casser les jambes des purs sprinteurs, la 12e pourrait être propice aux bordures en cas de vent, et la 13e pourrait sourire aux baroudeurs, vu qu’aucun sprint massif n’a jamais eu lieu à Carcassonne en sept arrivées.

Mais une fatigue qui va s'accumuler

Par ailleurs, il faudra voir comment évolue la forme du Cav. Aujourd’hui en pleine possession de ses moyens, il va devoir se fader les Alpes d’ici au prochain potentiel sprint, puis une double ascension du Ventoux, puis encore les Pyrénées avant les deux dernières chances de victoire.

Ses rivaux auront droit au même traitement, certes, mais la plupart sont de moins mauvais grimpeurs que lui. Sur ses douze premières participations au Tour de France, Cavendish n’a atteint les Champs-Elysées qu’à six reprises. Et il n’a plus terminé un grand tour… depuis 2015.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport