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Tour de France: le départ au Danemark, un casse-tête logistique et financier pour les équipes

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Tout comme le Tour d’Italie est parti en mai de Hongrie, tout comme la Vuelta partira en août des Pays-Bas, le Tour de France ne fait pas exception cette année en partant lui aussi d’un pays qui n’est pas son territoire originel. Mais derrière le rayonnement de ces trois grands Tours à l’international se cache une autre réalité pour les équipes participantes, celle d’un important casse-tête logistique par ailleurs très couteux.

C'est une mésaventure cocasse qui en dit long sur les aléas liés aux grands départs de compétitions cyclistes loin de leurs terres habituelles. Lors du dernier Tour d’Italie en mai, l’équipe française AG2R Citroen avait mis comme toutes les autres équipes deux structures distinctes en place. L’une en Hongrie, composée d’un bus pour les coureurs, d’un camion pour le transport des vélos et de plusieurs voitures de directeurs sportifs, était supposée couvrir les trois premiers jours de courses avant de prendre la direction de la France pour aller au garage.

Elle était censée être relayée par une autre directement en Sicile à 2000 kilomètres de là, lieu de retour du Giro dans son pays d’origine à partir de la quatrième étape. Sauf qu’au moment de sortir du ferry sur l’île aux trois pointes, le deuxième bus a accroché une pièce métallique et a vu son carter d’huile endommagé. Impossible de faire réparer sur place ou de faire venir la pièce manquante dans un délai raisonnable. "On a dû finalement faire descendre jusqu'en Sicile le premier bus de Hongrie se souvient avec sourire Vincent Lavenu, manager général de l’équipe française. En termes de gestion des ressources humaines et matérielles ça a été compliqué. Mais on y est arrivé, comme à chaque fois."

Un surcoût pour les équipes

De manière plus générale et en admettant que tout se passe bien, les équipes sont donc obligées pour la plupart dans de telles configurations de course (le Danemark est à 10 heures de route du nord de la France d’où s’élancera la quatrième étape mardi prochain) de doubler le matériel mais aussi certains effectifs. Difficile à la fois matériellement, et d’un point de vue de la législation en matière de droit du travail (a minima concernant les équipes françaises) de faire l’enchaînement "Danemark-France". Chez AG2R-Citroën, on prévoit ainsi deux bus, deux camions et de nombreuses voitures, réparties en plusieurs structures. "Car quand on va quitter le Danemark dimanche pour aller en France une partie du personnel n’aura pas la possibilité d’être là immédiatement pour la suite de la course explique Vincent Lavenu. Donc il faut prévoir des équipes et du matériel de rechange."

Des contraintes matérielles humaines et par voie de conséquences financières. "Il y a des couts qui sont assez importants quand vous déplacez des bus ou des camions sur des milliers de kilomètres ajoute ainsi Vincent Lavenu. Surtout en ce moment avec le prix de l’essence. Je pense que sur ce Tour de France, ce surcoût devrait tourner autour des 25 à 30.000 euros." Une somme qui aux dernières nouvelles ne sera pas prise en charge par l’organisateur A.S.O, là où R.C.S, l’organisateur du Giro, a indemnisé en mai les équipes à hauteur d’environ 30.000 euros pour compenser les frais liés au départ du Tour d’Italie en Hongrie. A ce sujet, "il n'y a pas eu plus de demandes que cela au conseil du cyclisme professionnel"n se défend le patron du Tour, Christian Prudhomme.

Notons par ailleurs que ces 30.000 euros de surcout s'ajoutent à des coûts déjà traditionnellement élevés pour les équipes sur la compétition. Car si A.S.O prend en charge selon les règlements U.C.I les hébergements à hauteur de 50.000 euros sur l'ensemble de la compétition, les patrons d'équipes en sont souvent quittes pour un chèque supplémentaire. "Aujourd'hui explique par exemple Marc Madiot, manager général d’une autre grande formation française, je refais chaque année à la fin du Tour un chèque de 50.000 euros supplémentaires de ma poche. Car on a selon les réglements, les hébergements de 24 personnes pris en charge sur un grand tour là où on est aujourd’hui entre 30 et 34 personnes pour faire fonctionner une équipe."

3 départs de l'étranger en 2022 en autant de Grands Tours

Ce Grand Départ du Tour au Danemark fait tout de même l’unanimité dans le peloton. "Moi je suis favorable au fait de partir de l’étranger, explique ainsi Marc Madiot. Le fait de partir à l’étranger c’est plutôt valorisant pour nous, je n’ai pas de soucis avec ça. Sauf qu’il ne faudrait pas que les trois grands tours le fassent la même année et puis il faudrait aussi qu’on soit un peu plus indemnisé qu’on a l’est actuellement. On essaie mais tout le monde est près de ses sous."

A mettre au crédit de ses organisateurs, le Tour de France aurait dû s’élancer du Danemark l’an passé en 2021. Sauf que pour des raisons de report de l’Euro 2020 à 2021 en raison de la pandémie de Covid, les autorités danoises étaient dans l’impossibilité en termes de sécurité d’accueillir à la fois la Grande Boucle et des matchs du championnat d’Europe de foot en même temps. Cela engendre donc cette anomalie d’une année avec trois grands départs à l’étranger. Et provoque une grogne (toute contenue disons-le) dans le peloton. Conclusion de Christian Prudhomme, "nous avons pris l'engagement de ne plus faire trois grands départs à l'étranger la même année".

Arnaud Souque, à Copenhague