Coupe du monde 2022: inspections et négociations pour les conditions de travail... dans les pas de la CGT au Qatar

Il n’a pas enfilé le maillot pour l’occasion. Jean-Pascal François, secrétaire fédéral de la CGT, syndicat du travail français, a assisté en spectateur à la coupe des travailleurs migrants, cette semaine à Doha. Une compétition - organisée par le syndicat français et la FIFPro, syndicat mondial des joueurs – qui opposait des syndicalistes à des travailleurs migrants. Jean-Pascal François l'a suivie en spectateur. C’est aussi en tant qu’observateur et acteur qu’il a retrouvé la capitale du Qatar, à huit mois du début de la Coupe du monde organisé sur place, cinq ans après sa dernière visite, pour rencontrer les travailleurs sur les chantiers des stades et infrastructures alentours. Il a pu y constater une amélioration des conditions de travail, sévèrement pointées du doigt par des organisations non gouvernementales.
Les salaires ont augmenté et les chiffres des accidents mortels auraient baissé
"La CGT est partout dans le monde, c’est l’internationalisme, souligne-t-il pour justifier sa présence au micro de RMC Sport. Ce ne sont pas les frontières qui empêchent les salariés d’être solidaires entre nous." "Les conditions légales et les contraintes qui leur ont été imposées se sont améliorées, constate-t-il. Le niveau des salaires a augmenté et on espère - puisque nous n’avons pas les données - que les chiffres des accidents mortels ont baissé."
Le syndicaliste ne possède aucune donnée officielle sur ces décès et reconnaît ne pas pouvoir se forger un avis clair en raison de l’accès très restreint aux chantiers. "On ne peut pas rentrer, explique-t-il. C’est assez sécurisé et blindé au niveau des libertés au Qatar. Mais on sait ce qu’il s’y passe puisque nous sommes au contact des salariés étrangers." Il met aussi en garde sur l’image de façade de Doha, bien loin, redoute-t-il, de ce qui se passe "au fin fond du pays".
"A Doha, ils se savent surveillés et font attention mais si vous allez à la frontière à l’Arabie saoudite, je ne suis pas sûr que les conditions de travail soient les mêmes que celles de Doha, craint-il. C’est impossible d’aller voir, tout est bloqué et policé. (…) Il y a cinq ans nous étions allés dans un camp de travailleurs à 80 kilomètres (de Doha), vers 2 ou 3h du matin. J’avais vu et photographié des gens népalais à 12 dans 4m2 avec des lits superposés. J’ai vu des cuisines où il les conditions étaient innommables. J’ai vu des douches qui servent de toilettes et des camps avec des dizaines de milliers de travailleurs avec une économie et des commerces."
"Des progrès ont été faits. Sont-ils assez grands au vu de la surface financière du Qatar?"
Il souligne, depuis, certains efforts fournis par les autorités. Sa présence sert d’ailleurs à vérifier que ces acquis ne soient pas rognés, comme il le croit depuis quelques mois. Jean-Pierre Français salue l’impact de l’IBB (Internationale du Bâtiment et du Bois) - représentant 300 organisations syndicales à travers le monde - dans ces améliorations grâce aux inspections et négociations avec le comité suprême.
S’il ne doute pas que "les mauvaises pratiques sont cachées", il cite plusieurs exemples d'avancées, comme l’augmentation des salaires, la possibilité pour les travailleurs de rentrer chez eux et l’abandon du système Kafala, qui permettait de conserver le passeport des travailleurs migrants en échange d’un emploi. "Des progrès ont été faits, conclut Jean-Pascal François. Sont-ils assez grands au vu de la surface financière du Qatar? On ne peut juger avec l’acuité d’un syndicaliste français puisque le système et les niveaux de salaires sont différents. Il faut juger au bien-être du salarié."