Equipe de France: "Comme si Lloris était une passoire...", pourquoi les critiques envers l'ancien capitaine des Bleus sont injustes après les performances de Maignan

Il est à la retraite internationale depuis plusieurs semaines. Pourtant, le si discret Hugo Lloris n’aura rarement fait autant parler de lui. Même si l’ancien capitaine des Bleus a tiré un trait sur sa carrière en équipe de France après le Mondial qatari, son nom revient inlassablement dans les discussions autour des Bleus depuis quatre jours. La faute à deux performances de haut-vol de son successeur dans les cages tricolores.
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Nouveau gardien N°1 de l’équipe de France, Mike Maignan a mis tout le monde d’accord sur ce premier rassemblement post-Coupe du monde. Après avoir arrêté le penalty de Memphis Depay dans le temps additionnel contre les Pays-Bas vendredi (4-0), il a permis aux Bleus de préserver leur petit but d’avance lundi soir face à l’Irlande sur une envolée fantastique dans la dernière minute du temps réglementaire (1-0). Avec deux clean-sheets consécutifs, une première lors des qualifications pour un tournoi majeur (Euro ou Coupe du monde) depuis 1984 et les éliminatoires du Mondial 1986, il ne pouvait pas rêver de meilleurs débuts en tant que portier titulaire.
Ses deux performances ont littéralement déchaîné les réseaux sociaux. Les internautes se sont enflammés pour le gardien milanais et le parallèle avec Lloris a été immédiat. À chaque fois, l’ancien Niçois et Lyonnais souffre de la comparaison avec son successeur et voir Didier Deschamps s’employer pour défendre son ancien capitaine au moment d’évoquer la performance stratosphérique de Maignan n’est pas anodin. "Hugo aussi a été capable de faire des arrêts spectaculaires et d’être décisif", a assuré le sélectionneur des Bleus en conférence de presse lundi soir, comme s’il fallait rappeler à tout le monde que l’équipe de France n’a pas attendu Maignan pour avoir un gardien de classe mondiale. Un constat partagé par Daniel Riolo dans l’After Foot, sur RMC, après la victoire face à l’Irlande.
"Comme si Lloris était une passoire..."
"Il y a une hype. Ça m’emmerde car c’est un gardien dont je parle depuis très longtemps, il a énormément de qualités. Le problème, c’est qu’on va en faire des tonnes et des tonnes, comme si on n’avait jamais vu un arrêt comme ça avant dans l’histoire, que même Lloris était une passoire et qu’il n’avait jamais fait un arrêt de sa vie, a déploré le journaliste et éditorialiste de RMC Sport. On est restés tellement marqués par l’épisode des pénos de cette finale…"
La culture de l’instant ne joue pas en la faveur de Lloris. Pourtant, en 14 ans de carrière internationale (il a débuté en 2008), Hugo Lloris a marqué l’histoire des Bleus de son empreinte. Recordman du nombre de sélections (145), il a été capitaine pendant onze ans (septembre 2011-décembre 2022). Avec le brassard, il a remporté la Coupe du monde 2018 et la Ligue des nations 2021, sans oublier une finale à l’Euro 2016 et au Mondial 2022.
Ses plus grands détracteurs clameront que Lloris a été là au bon moment, avec la chance de tomber au milieu d’une génération en or. À titre individuel, il a été trois fois finaliste du Ballon d’or (20e en 2016, 29e en 2018 et 23e en 2019) et nommé au trophée Yachine (meilleur gardien du monde) à deux reprises (2019 et 2022). Sa longévité force le respect, puisqu’en plus de dix ans, il a été le capitaine d’Eric Abidal, Franck Ribéry, Florent Malouda, Kylian Mbappé ou Randal Kolo Muani. Aussi fou: sa première sélection en Bleu (novembre 2008) est intervenue cinq mois après la dernière apparition sous le maillot Bleu de Lilian Thuram. En 2020, il sera le capitaine de son fils, Marcus.
Une différence de style... et de personnalité
Avec 63 matchs sans encaisser de buts sur 145 disputés en équipe de France, Lloris affiche par ailleurs 43% de clean-sheet. C’est inférieur à Maignan (4/7, 57%), même si le faible échantillon ne dit pas si le Milanais parviendra à tenir ce rythme, mais supérieur au pourcentage affiché par exemple par Manuel Neuer avec la sélection allemande (48/177, 41%). En dehors des statistiques, Lloris nous a également gratifiés d'arrêts aussi spectaculaires que primordiaux, à l’image de sa sublime horizontale face à l’Uruguay en quart de finale du Mondial 2018.
Alors comment expliquer que Lloris souffre autant de la comparaison avec Maignan? La différence de style entre les deux hommes est une des raisons. Quand Lloris est un gardien qui trouve son efficacité dans la sobriété, Maignan se distingue par de nombreux coups d'éclat et un jeu plus spectaculaire. Cette opposition se retrouve aussi dans leur personnalité. Toujours très discret avec des prises de parole que beaucoup considèrent comme lisses, Lloris a toujours préféré rester dans l’ombre. Le gardien de 36 ans n’est d’ailleurs pas présent sur Instagram et son compte Twitter, non certifié, compte à peine 10.000 abonnés.
En face, Maignan est un joueur bien plus connecté, avec un million d’abonnés sur Instagram et 150.000 sur Twitter. Il n’hésite d’ailleurs pas à s’en servir pour faire passer des messages, comme lorsqu’il s’agit de prendre position contre les nouvelles règles sur penalty, notamment celle indiquant que "le gardien ne peut agir de manière à distraire abusivement le tireur, par exemple en retardant l’exécution du penalty ou en touchant les poteaux, la barre transversale ou les filets". "Nouvelles règles de l'IFAB pour les penalties en 2026: les gardiens devront être de dos au moment du tir. En cas d'arrêt, coup-franc indirect", a écrit le portier de l'AC Milan sur Twitter dans une réponse pleine d’ironie.
Le traumatisme des pénalties
D’autres prestations, sur le terrain, restent également dans la tête de certains supporters des Bleus et peuvent expliquer cette différence de cote de popularité. En plus de sa grosse boulette - finalement non préjudiciable - en finale du Mondial 2018 face à la Croatie (4-2), Lloris est pointé du doigt pour ses statistiques sur penalty. Son terrible bilan sur les séances de tirs au but (aucun arrêt en 8e de finale de l’Euro 2021 face à la Suisse puis en finale du Mondial 2022 contre l’Argentine) a particulièrement marqué les supporters des Bleus.
Le gardien de Tottenham a d’ailleurs lui-même admis ne pas particulièrement apprécier l’exercice, notamment cette guerre psychologique avec le tireur adverse. "Il y a des gardiens qui sont plus en réussite que d'autres. En fait, il y a des choses que je ne sais pas faire, détaillait-il dans les colonnes de L’Equipe en janvier. Faire l'idiot dans le but, déstabiliser ostensiblement l'adversaire en jouant avec la limite, je ne sais pas le faire. Je suis trop rationnel, trop honnête pour aller sur ce terrain-là. Je ne sais pas gagner comme ça, même si je n'avais vraiment pas envie de perdre comme ça, non plus..."
Sur ce point, Maignan, particulièrement à l’aise dans l’exercice, semble être "l’anti-Lloris". En 44 pénalties concédés en carrière, l'ancien Lillois en a arrêté 13, dont deux cette saison. "C'était un duel psychologique, je voulais prendre le plus de place possible", confiait-il après avoir remporté son face à face avec Depay vendredi. Le voir stopper un penalty a fait renaître un certain optimisme chez les supporters tricolores, encore marqués par le traumatisme de la finale du dernier Mondial. On n’ose imaginer la réaction des amoureux de l’équipe de France - et les balles perdues pour Lloris - en cas de pareille réussite dans un match couperet.