Equipe de France: sa relation avec Deschamps, son rôle de cadre avec les Bleus… Adrien Rabiot se confie pour RMC Sport

Le parcours dans ces qualifications pour l’Euro est parfait pour l'instant, avec cinq victoires, 11 buts marqués et aucun encaissé. Qu’est-ce qui se dégage de cette équipe?
Jusqu’à présent, c’est un parcours parfait, il y a de la qualité, de la sérénité. À force de jouer, d'enchaîner les matchs, de marquer et de ne pas en encaisser, ça dégage de la confiance à tous les niveaux. Nous avons cette liberté de jouer plus tranquillement pour enchaîner sans se prendre la tête.
Quel est l’héritage du Qatar pour être sereins et performants?
Il y a ce groupe, ce noyau, qui était là à la Coupe du monde et qui a vécu cette aventure incroyable. On s’appuie sur cette qualité, l'insouciance des plus jeunes, l’expérience des plus anciens. Il y a tellement de qualité sur toutes les lignes, on se dit qu’on a l’obligation de bien faire.
Vous préférez quelle statistique: les 11 buts inscrits ou les zéro encaissé?
Les zéro encaissé. En Italie, quand on dit qu’on a une bonne défense, on gagne les matchs. Mieux on défend, mieux on attaque. L’inverse n’est pas forcément vrai. Pour gagner un match et prendre le dessus sur l’adversaire, être solide, ça me parle plus. Il faut une bonne défense pour mieux attaquer et marquer.
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On entend dire que le niveau de l’Euro est plus élevé que la Coupe du monde. Vous partagez cet avis?
Sur le niveau réel des équipes, c’est peut-être vrai. Il y a tellement d’engouement dans une Coupe du monde, des équipes jugées moins fortes peuvent se dépasser et amener quelque chose d'autre. On l’a vu avec l’Arabie Saoudite qui bat l’Argentine. Le niveau de l’Euro est très élevé. On regarde rapidement les autres nations quand on est à Clairefontaine. On n’a pas forcément tout le temps de regarder 90 minutes mais on regarde les résultats.
Vous comptez 39 sélections, dont 33 titularisations. En quoi le mot cadre vous définit?
Il y a eu un avant Coupe du monde 2018 et un après mon retour en 2020, où j’ai eu la majorité de mes sélections. Depuis ce moment, il y a eu une autre relation avec le coach, une confiance s’est installée, de l’expérience en plus en jouant au PSG. Depuis la Juve, il y a eu des titres. Quand on arrive avec un certain nombre de sélections, on a un statut différent. Je pense être un cadre de cette équipe.
Vous êtes vice-capitaine à la Juventus. Vous sentez-vous capable de faire partie du conseil des sages de l’équipe de France?
Je suis quelqu'un de très naturel. Je peux discuter avec le coach, sans que ce soit quelque chose de très officiel. Il prend à droite à gauche, il demande à pas mal de monde. J’ai toujours un mot à dire mais quelque chose de lucide sur la situation, ce qui peut intéresser mes coachs. Naturellement, de par le statut et l’expérience, j’ai ce rôle de cadre.
Quand on discute avec les autres, on sent le respect à votre égard. Vous le ressentez aussi?
Bien sûr. À mon niveau, je respecte aussi les autres, les anciens, les plus jeunes. Il y a ce respect mutuel. Pour les plus jeunes, il y a le respect du parcours, du palmarès, de la personne qu’on est. Quand on donne du respect, généralement on l’a en retour.
Avec les départs d’Hugo Lloris, Karim Benzema, Raphaël Varane, est-ce qu’il y a une place à prendre en terme de leadership?
Ce n’est pas forcément une place à prendre, en tout cas, ce n’est pas comme ça que je le vois. Il y a beaucoup de joueurs qui peuvent avoir ce rôle, chacun avec sa personnalité et un rôle différent. C’est bien qu'on soit plusieurs à donner chacun son avis, même des plus jeunes qui sont déjà importants pour l’équipe et qui s’imposent dans leur club. Chacun peut parler, personne n’est bridé dans ce groupe.
Que représente le brassard de capitaine pour vous, notamment en sélection?
C’est énorme. Ça représente un statut particulier. Généralement, on a une sacré carrière qui a du poids, une personnalité pour guider un groupe. On représente notre nation, c’est le Graal. Ce n’est pas forcément un rêve mais c’est important, comme devenir titulaire. Pour moi qui ai des objectifs, pouvoir mettre le brassard, c’est important.
Votre relation avec Didier Deschamps a beaucoup évolué ces derniers temps. Y a-t-il eu un déclic pour vous rapprocher?
On s’est bien rapprochés, ça fait un moment, depuis que je suis revenu en 2020. Le coach a tout de suite voulu qu'on discute. On a discuté pendant pas mal de temps. Après ça, tout a été lisse, et la confiance s’est installée. Depuis ça fait trois ans et pas mal de sélections, beaucoup de choses se sont mises en place, une relation de confiance. Cette relation est très fluide, c’est une relation de respect.
Vous êtes un titulaire indiscutable à la Juve et vous avez fait une grosse Coupe du monde. Ou avez-vous fait le plus de progrès?
Sur ces dernières saisons, c’est le fait d’être régulier dans les prestations, où j’ai pu devenir un joueur fiable. C’est important pour un coach d’en avoir. J’ai voulu atteindre ça et j’y arrive. Je continue à me mettre des défis, des choses à réaliser. C’est ça qui fait que j’ai toujours cette envie de continuer à jouer, à m'entraîner. Quand on l’a, on ne s’en lasse pas.
Quels progrès à réaliser avez-vous ciblé?
Les progrès, on peut toujours en faire. Je pourrais peut-être plus travailler sur mon jeu long, que j’utilise moins car je suis plus un joueur de passes au sol. Je préfère ce jeu-là. Lorsque Laurent Blanc était mon coach au PSG, il me disait que je pouvais marquer 10-15 buts par saison. Il y a beaucoup de choses à améliorer pour être un joueur complet et pouvoir tout faire. Ce serait difficile d’être ce joueur-là.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous pouvez marquer plus de buts?
C’est vrai, on peut toujours faire plus et j’en suis conscient. Je ne me compare pas aux autres mais si on devait comparer à d’autres joueurs de mon poste, je suis quand même bien placé. L’année dernière, j’ai fait une grosse saison au niveau des statistiques. Dans ma vision du foot, ce n'est pas la chose la plus importante. On demande à des milieux et même des défenseurs d’être décisifs mais c’est l’évolution du foot, on est à la recherche de plus de statistiques. Les joueurs que j’appréciais au milieu de terrain, ce n'étaient pas sur cet aspect là. Quand je rentre sur le terrain, je suis capable de marquer un ou deux buts par match mais je ne suis pas obnubilé par ça. Ce qui je regrette, c’est que c'est ce qu’on retient dans le foot. Dans mon équipe, si un défenseur défend bien, protège bien son but et est solide, ça me va.
Préférez-vous qu’on décrive Adrien Rabiot comme un joueur élégant ou dur sur l’homme?
Les deux ne sont pas incompatibles. Élégant avec le ballon, plus dur sur l’homme sans ballon, plus accrocheur dans le duel. C‘est un aspect que j’ai beaucoup travaillé depuis que je suis jeune. J’en avais besoin pour être plus complet et faire des matchs de haut niveau. On me le demandait quand j’étais plus jeune. Maintenant, c’est plus naturel.
Quelles sont les différences entre ce qui vous est demandé à la Juve et en équipe de France à propos de l’organisation?
A la Juve, je suis plus porté vers l’offensive. Le coach demande de me projeter et d'être à la finition. Il insiste sur ce point. En équipe de France, en raison du schéma tactique, je suis plus dans le cœur du jeu, moins porté vers l’avant et en protection de la défense. C’est deux rôles que je peux faire, que je connais bien, ils me conviennent aussi. Ça me permet de m'adapter et d’utiliser des qualités différentes à chaque poste. Je suis plus à l’aise à trois en relayeur. En arrivant au centre de formation au PSG, la plupart du temps, je jouais en tant que relayeur gauche, c’était le poste où je me sentais le mieux.
Avec Antoine Griezmann au milieu, qu’est ce que ça change pour votre positionnement?
Antoine est plus porté vers l’attaque. C’est un joueur très offensif qui cherche la dernière passe, il est très présent dans la surface. Il faut s’adapter à ça. C’est aussi une consigne du coach, de rester plus en protection. On s’adapte aux qualités de chacun. Je ne suis pas surpris par son niveau. Il est intelligent dans le jeu, il est capable de s’adapter. Son rôle est de faire jouer l’équipe avec le ballon. Il retrouve toujours cette position dans le cœur du jeu.
Avez-vous un modèle dans le milieu de terrain?
Avant c'était Steven Gerrard, il savait vraiment tout faire. Actuellement, je n’ai pas retrouvé ça dans un milieu de terrain.
Vous êtes six dans la liste à évoluer en Serie A. Est-ce un signe du renouveau italien?
Depuis plusieurs saisons, après le Covid, il y a eu un regain. C’est un championnat qui attire de bons joueurs de partout. On a l’Inter, le Milan, la Juve, les deux équipes de Rome, l’Atalanta, le Napoli… Ce sont des équipes qui se battent pour les quatre places pour aller en Ligue des champions. C'est un défi d’aller chercher le Scudetto. Je suis content d'évoluer là-bas, parce que j'aime les défis. Plus il y a de bons joueurs, plus c’est compliqué, plus il y a d’enjeux.
Les regards ont-ils changé par rapport à vous?
On me reconnaissait déjà beaucoup avant la Coupe du monde. En jouant au PSG, on a une exposition très importante. Pas mal de gens m’ont aussi découvert. Il y a beaucoup de gens qui regardent la Coupe du monde et l’Euro parce que c’est un moment particulier mais ceux qui ne regardent pas le football me découvrent. Être reconnu dans la rue, que ce soit en France ou en Italie, c’était déjà important.
Qui est votre favori pour le Ballon d'or?
J’entends beaucoup que c’est Messi qui va l’avoir. Mais au niveau sportif, cela se jouera entre Kylian Mbappé et Erling Haaland. Dire lequel des deux serait compliqué, ça dépend sur quoi on se base. Personne n’est jamais d’accord, mais ce sera entre ces deux-là. J’exclus les autres (rires).