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Ajaccio-PSG: quand Galtier fils affronte Galtier père

C’est le match dans le match, un Galtier en affronte un autre. Ce vendredi soir (21h), le Paris Saint-Germain se déplace sur la pelouse de l’AC Ajaccio pour le compte de la 12ème journée de Ligue 1. En poste depuis juillet dernier au PSG, Christophe Galtier va affronter pour la première fois son fils, Jordan, adjoint d’Olivier Pantaloni sur le banc corse depuis 2021. Portrait d’un très jeune entraîneur adjoint qui pourrait rapidement devenir un numéro 1.

Nous sommes le 4 juin 2016, dernier match de la saison pour la CFA2 (désormais National 3) du Lège-Cap-Ferret. Ce jour-là, Jordan Galtier s’apprête à mettre fin à sa carrière de joueur pour endosser un nouveau costume : celui d’entraîneur principal. Sur le côté du terrain, un papa, bien connu du grand public, Christophe, a fait le déplacement pour assister à la dernière du fiston. Au coup de sifflet final, l’ancien coach des Verts explique à un média local : "Je savais depuis un moment qu’il allait s’orienter dans cette direction. Je suis fier de lui." Les personnes qui connaissent Jordan Galtier ne sont pas étonnées par ce choix de carrière, c’était attendu.

"A Auxerre, il balayait la neige sur le terrain"

Une grande carrière de joueur ne veut pas forcément dire une grande carrière d’entraîneur. Et inversement. Avant de prendre place sur un banc de Ligue 1, aux côtés d’Olivier Pantaloni à Ajaccio, Jordan a vécu une petite carrière de joueur. Formé à l’AJ Auxerre, le jeune homme est bien connu en Bourgogne. Les anciens du club se souviennent d’un ramasseur de balles lors de certaines rencontres. D’autres, d’un jeune très sérieux. "Quand j’étais à l’AJA entre 2004 et 2007, il était au centre de formation. Il était un des ramasseurs de balles pendant nos matchs, raconte Luigi Pieroni, ancien d’Arles-Avignon. Par la suite, il m’a reparlé de cette période avec une anecdote sympa. Quand j’ai joué en Europa League avec Auxerre, Guy Roux avait fait quitter les cours aux jeunes du centre pour balayer le terrain rempli de neige. C’est assez drôle de repenser à ça plusieurs années après."

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Loin de la Bourgogne, la carrière de Jordan se poursuit dans des divisions inférieures avant de signer à Arles-Avignon en 2011. Le milieu de terrain connaît alors la Ligue 2, le monde professionnel et quelques difficultés. "Je l’ai beaucoup aidé lors de cette période, poursuit Luigi Pieroni, ancien du club. Il est beaucoup plus jeune que moi, j’avais 31 ans quand je suis arrivé là-bas. On a passé beaucoup de temps ensemble, il avait beaucoup de mal à s’imposer en Ligue 2. Il y avait beaucoup de concurrence et ce qui l’a desservi à plusieurs reprises c’est qu’il n’était pas très grand. Ça ne l’a pas empêché de jouer. C’est un moment de sa vie où il n’était pas très bien. Je lui ai toujours dit de ne jamais lâcher. Lors des entraînements, il était toujours à fond et toujours positif. Il a quand même cette belle personnalité qui va le poursuivre, même en tant qu’entraîneur."

La prise de conscience

Sa carrière de joueur ne décolle pas. Un rendez-vous va tout changer et une prise de conscience va s’opérer. Luis De Sousa, ancien directeur technique de l’ESTAC, a aussi connu le jeune Jordan lors de son passage à Arles-Avignon. Le manager se souvient d’un moment avec lui, un dimanche après-midi, à son domicile pour évoquer la suite. "J’ai demandé s’il voulait être heureux dans le football, décrit l’ancien de l’ESTAC pour RMC Sport. Je lui ai dit que s’il voulait être heureux, il fallait qu’il arrête sa carrière de joueur professionnel et qu’il commence à passer ses diplômes pour qu’il gagne du temps sur la concurrence. En principe, les entraîneurs arrêtent une carrière à 30-35 ans. Il avait 24 ans. S’il arrête sa carrière et qu’il passe ses diplômes, il allait être en avance sur les autres. Je pense qu’il a dû mal le prendre au départ. J’en suis même sûr. Après ça a dû murir dans son esprit et il a pris par la suite les bonnes décisions en passant ses diplômes et en rejoignant l’US Cap Ferret qui lui a permis de lancer sa carrière d’entraîneur." Lors de son passage à Arles-Avignon, en tant que joueur, Jordan débriefait déjà certains entraînements avec Luis De Sousa. Il avait selon le directeur technique des "prédispositions pour comprendre une méthode d’entrainement, tactiquement ce que demandait un coach à son équipe et les soucis sur le plan de management".

A 18 ans, le joueur passe ses premiers diplômes. Un côté assez studieux avant la pratique. A l’US Lège Cap-Ferret, Jordan monte en grade très rapidement. "Jordan était arrivé en tant que joueur, et avait intégré l’école de foot en tant qu’éducateur, explique Bernard Martin, président du club de l’US Lège Cap-Ferret, à RMC Sport. Il avait toujours voulu entraîner. Jordan est un garçon passionné, très pédagogue avec les joueurs et aussi un bon psychologue. C’est inné en lui." Après un "bon travail" avec l’école de football, le joueur est propulsé entraîneur principal en National 3. "C’était un peu compliqué dans la gestion quand il était entraîneur car il devait coacher des joueurs avec qui il a joué pendant trois ans, poursuit le président. Il s’en est plutôt bien sorti. Il a pris beaucoup sur lui, on ne l’a pas mis dans la meilleure situation, il faut le reconnaitre."

Le fils Galtier aura ensuite l’opportunité de rejoindre l’AC Ajaccio en 2018 pour y entraîner une équipe du centre de formation. "Ça s’est très bien terminé avec nous. C’était sa destinée et c’était tracé pour lui. Son parcours ne me surprend pas", termine Bernard Martin. Jordan Galtier ne brûle pas les étapes. Toutes les évolutions sont réfléchies. Au début, le néo-technicien voulait même devenir analyste vidéo pour un club professionnel. A Ajaccio, le jeune coach est remarqué et très rapidement les dirigeants lui confient des responsabilités. "Patrick Leonetti, le directeur du centre de formation, et Johan Cavalli m’avaient sollicité pour mettre en place une méthodologie commune à toutes les équipes de jeunes. Un projet qui entrait dans le cadre de ma formation du formateur à la DTN", expliquait Jordan à la LFP, en début d’année. Son travail plait, sa rigueur aussi. Johan Cavalli, le coordinateur sportif du club corse, n’hésite pas à l’été 2021 à proposer son nom pour devenir l’entraîneur adjoint d’Olivier Pantaloni en Ligue 2. Le tournant d’une carrière.

Un profil assez rare ?

"J’ai pas mal échangé avec lui et j’ai vite compris que ce garçon percevait le football de façon très avancée", explique Luis De Sousa. Tous les proches et interlocuteurs évoquent cette précocité dans son mode de réflexion autour du football. "C’est passionnant de parler avec lui football", confie un employé de l’AC Ajaccio. Le jeune homme est un acharné du jeu et de la tactique. Au point de consacrer plusieurs lignes de son interview à la LFP à un universitaire portugais qui théorisé la périodisation tactique dans les années 70 : Vitor Frade. "Ce n’est pas une voie facile, mais c’est ce qu’on essaie de mettre en place à l’ACA", confie le technicien.

Au sein du staff d’Olivier Pantaloni, l’ancien joueur décortique tout. "Sur l’aspect tactique, je suis chargé de l’observation des adversaires et des montages vidéo à présenter aux joueurs, poursuit Jordan. Au quotidien, avec le préparateur physique Tom Frère, on construit et on anime les deux premiers procédés d’entraînement de la séance en fonction des attentes d’Olivier. Puis, il prend la partie tactique en main, souvent en fin de séance. Sinon, c’est un rôle d’adjoint classique. Quand je suis arrivé dans le staff, on m’a dit : 'La pire des choses, c’est de ne rien dire'. Donc il m’arrive de glisser quelques mots à Olivier pendant les matchs, sur l’adversaire, sur mon ressenti sur un joueur…"

"C’est un coach qui avait des systèmes de jeu bien précis et il ne laissait pas de place à l’impréparation avant ses matchs", explique Bernard Martin. "Jordan est un garçon très attachant, un puriste du football comme il n’y en a pas beaucoup. Il a une qualité forte qui est son honnêteté. C’est un amoureux profond du football et je pense qu’il en faut aujourd’hui dans le métier d’entraîneur, il faut avoir une grosse part humaine, affirme l’ancien de l’ESTAC. Il ne faut pas voir que le côté tactique, technique ou gros communicant. Je pense que ça peut l’amener à être un grand professionnel. J’en ai la certitude qu’il fera un très bon coach."

"Il a des références autres que celles de son père"

Ce n’est pas le sujet qui passionne le plus Jordan Galtier. Contrairement à Carlo Ancelotti et Mauricio Pochettino, Christophe Galtier n’a pas amené son fils au PSG en tant qu’adjoint. "Je suis très fier de m’appeler Galtier, je suis très fier de mon père, confiait-il à la LFP. Si j’ai un problème, je peux l’appeler. Mais aujourd’hui, je ne suis pas dans le staff d’Olivier Pantaloni parce que je m’appelle Galtier. Quand je jouais, j’entendais parfois : 'C’est le fils Galtier, c’est un pistonné'. Je ne peux pas empêcher ça mais je veux l’éviter au maximum. Je ne veux pas être médiatisé. Si on doit parler de moi, c’est pour mon travail et ce qu’on réalise à Ajaccio."

Jordan GALTIER
Jordan GALTIER © IconSport

Jordan aborde cette partie avec "pudeur" et se "protège de ça". Le jeune technicien essaye de tracer sa carrière en toute indépendance. "Ça serait une erreur de penser qu’il est là où il est parce que c’est le fils de Galtier, confie le président de l’US Lège Cap-Ferret. Jordan ce qu’il a aujourd’hui, il a été se le chercher. Je pense que ça l’a plus desservi que servi. La relation avec son père était très bonne. Son père a dû lui donner quelques conseils et l’a laissé exprimer sa relation avec le foot."

"Il ne m’a jamais trop parlé de sa relation avec son papa, il admire beaucoup son père pour ce qu’il fait en tant qu’entraîneur", termine Luis De Sousa, son ancien manager à Arles-Avignon. "Ce sera un moment particulier pour un père de voir un de ses garçons sur un banc de Ligue 1 à côté, dans une confrontation, explique Christophe Galtier. Je pense que ce sera un moment particulier. Il faudra vite faire abstraction. C'est un garçon passionné par le football, qui n'a pas eu une carrière qu'il aurait pu penser avoir, par rapport aux qualités qu'il avait. Il s'est vite projeté dans une carrière d'éducateur et de formateur. Il a été appelé à être l'adjoint d'Olivier Pantaloni. Il est indépendant, très indépendant. On en parle assez souvent en famille. Il a des références autres que celles de son père. Il étudie et analyse beaucoup."

Bientôt numéro 1 ?

Bientôt numéro 1 d’un club professionnel ? Personne ne peut répondre à cette question. Même dans les demandes de reportages, la communication de l’AC Ajaccio répond que, pour le moment, le jeune entraîneur ne "souhaite pas se mettre en avant". Un homme de l’ombre décrit par les dirigeants de l’AC Ajaccio comme "très sérieux et complémentaire d’Olivier Pantaloni dans la gestion d’un groupe professionnel".

"Je ne sais pas s’il deviendra un numéro 1 mais ce que je sais c’est qu’il est très en avance, explique Luis De Sousa. Il est très en avance sur un parcours d’entraîneur classique, ça peut être un atout, un avantage. Mais il ne le fera pas à n’importe quel prix, c’est un garçon très loyal. Si ce rôle de numéro 1 doit venir, je pense qu’il est encore trop tôt. Il faut qu’il continue à apprendre son métier, ses rouages. Je trouve que pour le moment le rôle d’adjoint lui va très bien. Si un jour ça doit venir ça viendra naturellement. Mais il ne forcera pas les choses de manière déloyale."

Jordan pourra sûrement demander des conseils à son papa, Christophe. Lui aussi a connu plusieurs postes d'adjoint avant d'être lancé dans le grand bain. "Sera-t-il un jour entraîneur principal ? Je ne sais pas, affirme Christophe Galtier. Fera-t-il partie de mon staff un jour ? Il est très jeune, j'ai beaucoup entraîné, je ne sais pas". En attendant de le voir numéro 1, Bernard Martin, son ancien président au Cap-Ferret, scrute les rencontres de l’ACA pour apercevoir son ancien coach sur le banc du club corse. "J’essaye de le voir sur des extraits de match, ça fait toujours plaisir de voir un gamin du club."

Nicolas Pelletier