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Angers: insultes, humiliations, intimidations… Des témoignages troublants sur les méthodes du directeur de la formation

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Abdel Bouhazama, directeur du centre de formation du club d’Angers, est épinglé ce mardi par Ouest-France. L’éducateur y est accusé par d’anciens pensionnaires d’avoir eu recours à des méthodes très dures et parfois plus que limites pour gérer les jeunes du SCO.

Qu’elle semble loin la douceur angevine. Après un été marqué notamment par la non-vente du club, le SCO connait un début de saison compliqué en Ligue 1. Avant-dernier du classement avec seulement deux victoires en onze journées, Angers traverse une crise de résultats. En coulisses aussi, le club passe par une zone de turbulences si l’on se fie aux révélations de Ouest-France.

Dans une enquête publiée ce mardi, le média y dénonce les méthodes d’Abdel Bouhazama. Le directeur du centre de formation d’Angers s’y voit notamment reprocher sa sévérité parfois très limite avec des jeunes joueurs. D’anciens footballeurs en herbe, aussi bien anonymes que nommés, ont ainsi témoigné de comportements éprouvants de la part de l’éducateur.

Des humiliations et insultes fréquentes

Jugé comme un éducateur très exigeant et très dur avec ses joueurs, Abdel Bouhazama aurait donc dépassé les bornes à plusieurs reprises selon ses anciens pensionnaires ou certains membres du club angevin. Usés et lassés des brimades du patron de la formation angevine, plusieurs espoirs du centre ont préféré dire stop et s’en aller.

"Pendant un entraînement, je rigolais avec un coéquipier et on s’est fait reprendre par le coach Denis Arnaud (ancien éducateur des U19 aujourd’hui à Rennes). On a terminé la séance à courir. Le coach Abdel a vu ça. Il nous a convoqués dans son bureau, a raconté Pierre Freuchet, ancien du centre du SCO et désormais joueur à Ancenis en R1. Il a commencé par moi, et m’a dit: 'Pierre, depuis que tu t’es fait dépuceler, tu es une racaille'. Devant des témoins. […] Abdel m’a dit de rentrer chez moi le soir, de ne pas dormir au centre. Il m’a ensuite appelé, pas pour s’excuser, mais pour revenir sur ses propos. Mais c’était trop tard. Le lendemain, j’y suis retourné, ma décision était prise. J’ai arrêté."

Un autre ancien joueur de la réserve angevine entre 2019 et 2021, sous les ordres Abdel Bouhazama, a abondé dans ce sens: "Une fois, on est dans le vestiaire, le coach Abdel commence sa causerie et se retourne vers moi. Il me dit: 'Joseph, tu as compris?' Il me pose la question deux fois. Je lui réponds deux fois: 'Oui, coach'. Puis il me crie dessus: 'Tu sors, tu vas dans les tribunes'. Je n’ai pas compris pourquoi, a décrit Joseph Sery. Le lundi, à la causerie, il a évoqué mon cas devant tout le monde : ’Toi, Joseph, pendant un mois, tu ne vas plus t’entraîner avec nous !’ Je me suis entraîné seul."

Un coach capable d’excès de colère ou de menaces

Au-delà des humiliations liées aux performances des joueurs ou à des écarts de comportement, Abdel Bouhazama est présenté comme un bon coach sur le plan sportif. Il se montre, en particulier, capable de "transcender ses équipes". Mais cette force mentale tourne parfois du mauvais côté lorsqu’il pique des colères contre des pensionnaires du centre de formation. Un ancien surveillant du centre de formation a aussi dénoncé ces comportements des "humiliations verbales" de la part d’un Bouhazama "très violent". Au point même de les menacer de nuire à leur carrière.

Malgré sa sévérité auprès des jeunes footballeurs angevins, Abdel Bouhazama a toujours gardé la confiance du président Saïd Chabane sur lequel il a parfois eu une influence dépassant le cadre ses fonctions selon Ouest-France. Mais en public, devant les parents, les membres du club ou pendant les matchs, l’éducateur est souvent parvenu à se retenir même si certains écarts de de langage ont pu accompagner des ratés de ses joueurs.

D’autres n’ont pas manqué de loué les qualités du patron de la formation du SCO, également passé par les U19 de Saint-Etienne entre 2007 et 2013. Sévère, oui, mais une inflexibilité qui a permis de recadrer certains joueurs quand c’était nécessaire comme Nicolas Pépé qui expliquait au moment de son départ à Arsenal en 2019 l’apport de son formateur "pour le remettre dans le droit chemin".

Idem sur le plan collectif puisque le centre de formation d’Angers s’est grandement développé depuis son arrivée en 2013. Plusieurs espoirs tricolores en sont sortis comme Rayan Aït-Nouri (Wolverhampton) ou Mohamed-Ali Cho (Real Sociedad) et le SCO a même accroché une place en Youth League en 2021.

Une famille a vainement contacté la FFF

Après son départ du club, la famille de Pierre Freuchet a tenté de faire changer les choses. Après une première demande d’entretien auprès du président Chabane, accueillie par une réponse négative, le père de l’ancien jeune du SCO a renouvelé sa demande via une lettre également envoyée au ministère des Sports et à la Fédération française de football.

Si le ministère alors dirigé par Laura Flessel avait réagi en assurant avoir transmis le dossier à la FFF, l’organisme présidé par Noël Le Graët n’aurait jamais donné suite.

Une brouille avec Baticle?

Si le principal intéressé dément, le journal assure aussi qu’Abdel Bouhazama aurait aimé succéder à Stéphane Moulin en 2021. Depuis, ses relations avec Gérald Baticle ne sont pas des plus cordiales et l’entraîneur de l’équipe première l’aurait même clairement ciblé sans le nommer début septembre après un succès contre Montpellier (2-1), le premier des deux succès du SCO cette saison en Ligue 1.

"L’an dernier, je suis passé pour quelqu’un de buté sur le plan tactique et cela m’a fait rire. Il y a eu des critiques en interne qui, elles, m’ont fait moins rire, avait lâché le coach angevin face à la presse. Dans un club, il faut être uni et soudé. Il y a une grande partie des salariés qui sont derrière nous, et une petite partie que je n’arrive peut-être pas à fédérer et ramener derrière nous. Je le ressentais déjà en septembre dernier, il y en a un ou deux qui n’adhèrent pas."

Angers contre-attaque, l’ex-Stéphanois Janot le défend

Ciblé par la presse pour ses méthodes trop brutales, verbalement, avec les pensionnaires du centre de formation, Abdel Bouhazama a également bénéficié de plusieurs soutiens. Au sein du club angevin tout d’abord où le nouveau directeur de communication du SCO, Mohamed Sifaoui, a tenu à le défendre avant même les révélations à son encontre.

"Si la plupart des journalistes font leur travail de manière consciencieuse et professionnelle selon les règles éthiques et déontologiques, d’autres se laissent entraîner parfois dans des manœuvres sournoises visant à déstabiliser le club, a dénoncé le salarié de l’actuel 19e de L1. Je trouve toujours dommageable quand des journalistes choisissent de devenir partie prenante et se laissent instrumentaliser complaisamment ou par naïveté. Cela ne fait guère honneur à la profession."

Et Mohamed Sifaoui de préciser: "Notre volonté est de protéger le club contre des actions malsaines et toxiques visant à le déstabiliser. Celles-ci existent. Elles émanent, le plus souvent, de milieux identifiés par le club depuis longtemps. Et nous voulons construire par ailleurs une relation saine et de confiance avec les professionnels des médias qui doivent être des vecteurs de diffusion de l’information et non pas des alliés conscients ou inconscients de personnes hostiles au club et à son encadrement."

Ancien gardien emblématique de l’AS Saint-Etienne, où il a croisé la route de l’actuel directeur du centre de formation angevin, Jérémie Janot a lui aussi tenu à apporter son soutien à Abdel Bouhazama via un message posté sur les réseaux sociaux après la publication de l’article sur l’éducateur.

"Je connais Abdel. C’est un éducateur hors-pair, a ainsi rédigé l’ancien gardien des Verts sur Twitter. Un homme d’honneur. Je m’inscris en faux avec ton article. Tous les jeunes qu’il a eu à Saint-Etienne te diront pareil. Cordialement."

Jean-Guy Lebreton