OL: "C'est lunaire", "je suis écœuré"... la froide amertume des supporters lyonnais après l'éviction de Pierre Sage

Un goût amer. Si John Textor avait vu sa cote remonter après son interview sur RMC, sorte de grand oral voué à exposer sa vision, la décision du boss américain de l'OL de se séparer de Pierre Sage passe très mal à Lyon. L'éviction du technicien qui avait sauvé "l’institution" en mai 2024 en l’emmenant en Europe après avoir repris une équipe en lambeau, à la dernière place en décembre précédent, a ainsi généré stupeur et tremblement entre Saône et Rhône.
Les plus prompts à réagir, l'ont fait sur les réseaux sociaux. Une formule y revient en boucle: "Quel manque de respect!". Tout comme des mots simples et clairs: "honteux", "n’importe quoi", "aucune reconnaissance", "incompréhensible". D’autres argumentent: "Je suis supporteur de l’OL depuis 20 ans, je suis écœuré pour les gens qui aiment ce club. Monsieur Textor, tout le monde va vous fuir". Politiques, VIP, anonymes: tous postent un selfie avec le déchu du jour, très souvent accompagné d'un "merci" appuyé.
"C’est la première fois que je vois un coach viré être autant soutenu que Pierre Sage", s'en amuse un internaute.
D’autres fans partagent leur mal-être en privé sur les boucles de messages WhatsApp. "Je suis comme tout le monde, abasourdi par cette décision, en colère par ce mode de fonctionnement", explique l'un d'eux. Un autre lui répond: "On est 6es, on a notre destin entre nos mains en Ligue 1 et les huitièmes de finale de Ligue Europa en approche: on se tire une balle dans le pied, le tout à quelques heures du déplacement à Marseille".
Tout Lyon en parle
Le ballon rond s’invite aussi au Sirha, où tous les grands chefs lyonnais accueillent leurs homologues du monde entier pour consacrer le meilleur d’entre eux lors du Bocuse d’Or. Et si le titre mondial revient à une toque tricolore, Paul Marcon, 30 ans tout juste après son père Régis, l’actualité de l’OL fait crépiter les smartphones.
"On se disait 'il ne va pas le faire'. Eh bien si, il l'a fait. C’est lunaire. Il (Textor) est ailleurs. Il pense différemment de nous", déplore un participant.
Et forcément, avec les cuisiniers, il est question d’ingrédients. Un chef lyonnais cite ainsi Prosper Montagné, journaliste-cuisinier dont la formule lui sert d’ADN: "On ne fait du bon qu’avec du très bon". Comprenez: le sauveur Pierre Sage n’a pas les joueurs pour atteindre les objectifs de podium et donc de Ligue des champions. "J'en veux également beaucoup aux joueurs, les mêmes que Sage a remis en selle et qui ne sont pas foutus de mettre un but contre Toulouse et de protéger leur cage à Nantes. Le but encaissé dimanche est un scandale, pas un joueur lyonnais en mouvement sur le centre. Je ne parle même pas du match à Bourgoin qui est la plus grande humiliation de ces 74 dernières années", résume un supporter historique.
Et en parlant d’ingrédients, l’humain estampillé local est lui aussi éparpillé façon puzzle, regrette toute une ville. "L'Américain dégage tout ce qui est Lyonnais dans le club", peste ainsi un suiveur quand un ancien de la maison précise: "J’ai l’impression que Textor ne veut plus de l’héritage de Jean-Michel Aulas. Il a vendu les infrastructures, maintenant, il vire les hommes proches de l’ancien patron".
L'héritage de l'OL en question
Rémy Vercoutre, historique entraîneur des gardiens de but et ultime lien avec les années de gloire du début du siècle, fait partie cette fois-ci de la vague de départs. Un signe remarqué: "Il ne restera dans le stade que les seuls supporters à avoir la fibre OL", se lamente par avance un fan.
Les anciens aussi pestent. Pour le moment en privé: "Moi je dis que le football a toujours été le reflet de la société", témoigne un ex-OL. "Aujourd’hui elle est dure, violente, peu courtoise, mal éduquée et indifférente à tout. On rajoute là-dessus des hommes qui ne sont plus de vrais présidents amoureux d’une région ou d’un club mais des investisseurs businessmen en puissance… Ça génère ça, un sport qui perd son âme et sa passion".
L’éviction de Pierre Sage marque un vrai tournant à Lyon. Le match qui s’annonçait quelque peu anonyme face aux Bulgares de Ludogorets ce jeudi soir (21h) au Groupama Stadium – avec tout de même un ticket direct pour les huitièmes à portée de crampons - donnera une tendance du pari lancé par John Textor.
Vers une désertion des supporters?
Pour l’instant, il fait (presque) l’unanimité contre lui. "Et je souhaite bon courage au suivant dans ces conditions", lancent des fans, qui à l’heure du déjeuner de ce mardi pas comme les autres pour les amateurs de foot sont dans la nostalgie. "Moi, j’aimais bien la façon de jouer de l’équipe de Pierre Sage. C’était fluide, beau à voir", lance Jules derrière le comptoir du Café Bellecour, où le propriétaire Dominique Casagrande, ancien gardien de but, parle forcément foot avec ses employés.
"Il y avait peut-être un peu de moins bien actuellement mais j’avais confiance. Je suis triste pour lui", conclut Julien entre deux plats du jour servis.
Pas sûr que les deux collègues remettent les pieds au stade après ce coup de grâce, dans la foulée d’un supporter installé en Savoie qui a du mal dans ces heures d’après à comprendre la situation précipitée par le boss. "Aujourd’hui, on va au stade pour bien plus que le résultat. On y va pour défendre nos valeurs, pour soutenir notre équipe avec tout notre cœur, même dans les défaites. L’âme du club, c’est cette solidarité qui nous unit, peu importe les épreuves. On gagne ensemble, on perd ensemble, mais on reste toujours soudés. Parce que ce qui compte, c’est l’esprit d’équipe et la passion. Par principe de ne pas cautionner cette décision, je ne vais plus aller au stade". Sera-t-il le seul?