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La folle année de Dédé

L'entraîneur de l'OM ou le principal artisan des succès son club de coeur..

L'entraîneur de l'OM ou le principal artisan des succès son club de coeur.. - -

Champion dès sa première saison à la tête du club olympien, Didier Deschamps est entré de plain-pied dans la légende marseillaise. Il lui a fallu de la ténacité, du flair et aussi une part de chance…

En une saison, Didier Deschamps a réussi là où tous ces prédécesseurs, depuis Raymond Goethals, se sont cassé les dents. Gagner le titre de champion de France ! Fidèle à ses principes, le natif de Bayonne a traversé les coups durs et façonné son équipe, en laissant de côtés les états d’âme. Sans jamais perdre de vue son seul objectif : être champion. « Didier est un entraîneur qui sait tout faire et qui veut toujours gagner », résume Jean Petit, son ancien adjoint à l’AS Monaco. A l’OM, il a su imposer sa griffe. Non sans accrocs, mais toujours avec efficacité. Pourtant sa saison n’a rien eu d’un long fleuve tranquille…

Arrivé en juin 2009 en lieu et place de l’idole Gerets à l’initiative de Pape Diouf, Deschamps, qui sort de deux années sabbatiques, mesure rapidement la difficulté de sa tâche. A peine a-t-il posé ses valises sur la Canebière, que Diouf est limogé. Affecté par ce départ, il est à deux doigts de claquer la porte. La situation se tend un peu plus lorsque son souhait de voir nommer responsable du recrutement Jean-Pierre Bernès, l’ancien bras droit de Tapie au club, qui est aussi son agent, est repoussé. Le terrain est déjà occupé. Par José Anigo. La guerre intestine couve. Mais une paix armée s’instaure entre les deux hommes.

Le décès, quelques semaines plus tard, de Robert Louis-Dreyfus des suites d’une longue maladie secoue le club. Les tensions internes sont mises de côté le temps d’un vibrant hommage à l’actionnaire principal. Et l’OM entame sa saison par une victoire sur la pelouse de Grenoble (2-0).

Plus pragmatique, tu meurs…

Parfois brillants, trop rarement géniaux, les Phocéens atteignent l’hiver avec pas mal de doutes. Malgré une deuxième place en Ligue 1, ils quittent la Ligue des champions dès la phase de poules après une ultime défaite face au Real Madrid (3-1). Les premiers flocons de neige font apparaître quelques frictions au sein de l’effectif. Certains ne cachent pas leurs envies de départ à l’approche du mercato. Lassé par son rôle de doublure, Mathieu Valbuena se lâche dans la presse et s’en prend directement à Deschamps. Lors de ses vœux 2010, adressés sur son site officiel, le milieu de terrain salue individuellement tous les membres du club, sauf un… Deschamps encaisse mais n’écarte pas pour autant le « Petit ».

Cinq mois plus tard, l’ancien feu follet de Libourne est devenu indiscutable sur l’aile droite marseillaise. Preuve que « la Desche » sait être aussi pragmatique. Idem avec Hatem Ben Arfa. En délicatesse durant l’automne, l’ancien Lyonnais se braque. « Tu me casses les couilles », lui lâche-t-il en pleine séance d’entraînement. Quelques semaines plus tard, Deschamps le réintègre pourtant parmi les titulaires. Parce qu’il a en besoin... « Si je m’étais basé sur l’affectif, Mathieu Valbuena aurait joué zéro match depuis décembre », explique-t-il aujourd’hui.

Décembre marque un tournant dans la saison de l’OM. Inconstants en première partie d’exercice, les Olympiens vont changer de visage après la trêve. Une métamorphose impulsée lors du stage de reprise à Peralada, en Espagne. Dans la quiétude catalane, les troupes phocéennes crèvent l’abcès sous forme d’entretiens individuels. Deschamps trouve les mots justes et parvient à remobiliser ses troupes. « C’est sa grande force, assure François Modesto, le défenseur monégasque. Il travaille beaucoup sur l’aspect psychologique. Il arrive à tirer le meilleur de chaque joueur. »

L’OM entame l’année à fond la caisse et enchaîne les sorties convaincantes. Jusqu’à cette fameuse défaite à Montpellier (2-0) et ce slalom du jeune Aït-Fana… Dès le match suivant, Deschamps repense son secteur défensif. Mbia est repositionné dans l’axe central aux côtés de Diawara. Heinze glisse à gauche. Et Edouard Cissé hérite de la récupération. Le remaniement porte ses fruits et l’OM retrouve une assise défensive solide. Pourtant, malgré ses bonnes prestations, Mbia ne goûte guère son nouveau poste. Et s’en agace dans les médias. La réponse de Deschamps fuse : « Si Mbia exige de jouer au milieu ? Il ne tient pas ce discours avec moi. Et s'il le tient, je vais lui trouver une place tout de suite : il va être titulaire à côté de moi, sur le banc. » Le groupe soutient son coach. L’ancien Rennais est ramené à la raison et fait son mea-culpa. Depuis sa déconvenue montpelliéraine, l’OM n’a plus perdu le moindre match en championnat…

La part de chance

Si Deschamps a ses principes, il sait aussi s’adapter. « Il a fallu six mois pour que l’osmose se fasse entre lui et le groupe, explique Edouard Cissé. Pour qu’il nous connaisse et qu’on assimile ses méthodes. Et puis en début d’année, il y a eu le déclic. Il a compris que le groupe avait haussé son niveau d’exigence et qu’il pouvait nous faire confiance. » A partir de là, Deschamps a transformé l’OM en machine à gagner. « C’est quelqu’un qui peut laisser ses joueurs s’autogérer, tout en leur apportant son discours de compétiteur », témoigne Jérôme Rothen, finaliste de la Ligue des Champions avec Monaco en 2004.

Marseille était prête à triompher, Deschamps lui a amené l’étincelle. « C’est le plus de l’OM », glisse Jean Fernandez, l’entraîneur d’Auxerre. En confiant tous les coups de pied arrêtés à Lucho Gonzalez, en n’hésitant pas à mettre des cadres sur le banc (Cheyrou, Taiwo, Ben Arfa), l’ancien coach de la Juventus Turin a pris des risques. Et ça paye. Grâce également à une part de réussite. Résultat, il offre un doublé inédit Ligue 1-Coupe de la Ligue au peuple marseillais. Et s’assure ainsi une place dans la légende. Depuis Claude Puel à Monaco (en 2000), personne n’avait remporté le championnat de France avec le même club en tant que joueur et entraîneur. Mais lui est le seul à avoir également remporté la Ligue des champions. « Deschamps ? Moi je l’appelle Dédé la chance », lâche Basile Boli dans un grand sourire.

Alexandre Jaquin