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Lassana Diarra: "Personne ne me fait de cadeau"

Lassana Diarra

Lassana Diarra - AFP

EXCLU RMC SPORT. Pour la première fois de la saison, Lassana Diarra sort de son silence. Dans un entretien fleuve et sans filtre qu'il nous a accordé, le milieu de l'OM revient en longueur sur son été mouvementé, l'Euro qu'il a raté à cause d'une blessure, l'amende infligée par le TAS, son début de saison compliqué ou encore son avenir incertain.

Pourquoi avoir enfin décidé de prendre enfin la parole après vous êtes longtemps muré dans le silence ?

Je pense qu’il y a un moment pour tout. J’ai été blessé et il m’a fallu un peu de temps pour revenir. Je suis footballeur avant tout donc je tenais à revenir d’abord à la compétition et enchaîner quelques matches avant de pouvoir m’exprimer.

C’est important pour vous de répondre à un micro et à toutes les questions que peuvent se poser les supporters de l’OM ?

Oui, c’est important. Je pense qu’il faut s’exprimer de temps en temps. Après, moi, je ne le fais pas souvent. Je crois que c’est le bon moment pour moi afin de rétablir certaines vérités et de refaire parler de moi. 

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Est-ce que vous ne devriez pas le faire plus souvent justement quand vous voyez tout ce qui peut se dire sur vous ?

Ca ne fait pas plaisir d’entendre des mauvaises choses et qui ne sont pas forcément vraies en plus. Maintenant, c’est comme ça et il faut faire avec. Il faut accepter les louanges comme les critiques. C’est vrai que de temps en temps, on a envie d’intervenir pour couper certaines polémiques. Mais bon, on ne peut pas toujours le faire… Durant ma carrière, je me suis toujours donné une ligne de conduite par rapport à ça et j’essaye de m’y tenir.

Physiquement, vous avez eu des douleurs dorsales et des problèmes au genou. Comment vous sentez-vous actuellement ?

Ca va mieux. Il y a eu le genou. C’est un épisode qui est derrière moi. Après, il y a eu la lombalgie, ce qui m’a tenu écarté pendant quelques semaines. C’est pourquoi j’ai un début de saison assez tronqué. Maintenant, je suis de retour et je travaille pour revenir à mon meilleur niveau, retrouver le rythme et aider l’Olympique de Marseille.

Est-ce que cela vous a dérangé que des personnes ne prennent pas de nouvelles sur votre état de santé et s’attardent sur des sujets extra-sportifs ?
C’est sûr, car je suis avant tout footballeur. Beaucoup de personnes ont la mémoire courte, très courte même. Concernant ma santé, je vais le redire, mais il faut savoir que j’ai loupé l’Euro. Quand j’entends que ce n’est pas très grave… C’est très grave parce que j’ai aujourd’hui trente-et-un ans. Je ne sais pas si je rejouerai un jour en équipe de France ou si j’irai à la Coupe du monde 2018. Il y a des étapes. L’année dernière, j’ai beaucoup donné pour attraper le wagon car j’étais absent pas mal d’années. Cet Euro en France me tenait à cœur. J’ai entendu après que j’avais eu une deuxième partie de saison moins bonne. Oui, mais j’ai joué avec une gêne au genou et je pense que ça s’est vu. Toutes ces personnes qui ont dit que je m’économisais pour l’équipe de France, je ne les ai pas entendues quand j’ai raté l’Euro et dû déclarer forfait. A ce moment-là, au lieu de parler de mes problèmes extra-sportifs, de mon amende ou de mon soi-disant problème avec Marseille, j’aurais bien aimé un peu plus de soutien. Que les gens comprennent que ce n’est pas facile d’aller en équipe de France et d’avoir une sélection. C’est encore plus difficile quand on a un passé comme le mien avec l’équipe de France et qu’on a été absent pendant plus de cinq ans. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Ne pas être à l’Euro m’a perturbé, c’est sûr. 

Est-ce que justement le fait d’avoir raté l’Euro explique les petits tracas que vous avez rencontrés en ce début de saison ?

Il y a pas mal de choses. Ce qui s’est passé avec le TAS (Tribunal arbitral du sport), mon forfait pour l’Euro, les discussions avec l’OM. Je ne suis qu’un homme. J’ai des qualités et des défauts. J’encaisse pas mal de choses. J’ai de la famille, des amis. J’ai ma conscience. Je lis les journaux et j’entends ce qui se dit autour de moi. On peut faire abstraction de certaines choses mais à un moment donné, ça vous touche. Je ne suis pas surpris du début de saison et de ce qui arrive. Pour bien jour au foot, il faut être bien dans sa tête. J’ai eu une préparation difficile, encore plus que l’année dernière. Ca fait beaucoup pour un homme. Je ne vais pas me cacher, je sais l’importance que j’ai dans le groupe ici. Donc ce n’est pas facile.

Avec la décision du TAS de vous condamner à 10 millions d’euros, est-ce que cela conditionne votre avenir ?

A trente-et-un ans, quand on prend une énorme amende comme ça, c’est normal que ça conditionne mon futur. Aujourd’hui, je suis père de famille. J’ai des enfants, j’ai joué de grandes équipes et j’ai bien gagné ma vie. A mon âge, il est tout à fait normal d’y penser. La plupart des gens ne savent pas ce que ça représente une amende d’une telle somme. Vous savez, je n’ai pas joué pendant seize mois. J’étais tout seul. Je m’occupais de moi et de ma famille. Ce ne sont pas les gens qui m’ont aidé. C’est normal que je prenne en considération cette amende. Le contexte me fait réfléchir sur pas mal de choses. Je tiens à rappeler aussi que cet été, à l’OM, j’ai eu des clubs qui pouvaient payer l’amende et je pouvais partir. Quand le foot est fini, il faut s’occuper de sa famille et de soi. Il faut faire attention à ce qu’on fait.

Comment en tant que footballeur connu et en tant qu’homme on gère tout cela ?

On fait front. On se raccroche à ce que l’on aime, tout simplement. J’ai ma famille. J’ai eu pas mal de péripéties dans ma carrière et je suis toujours là. La décision du TAS a été rendue et j’ai été blessé, ce sont des faits. Il n’y a aucun souci là-dessus. Mais quand j’entends que mes choix sont seulement guidés par l’argent, que je vais partir à cause de ci ou de ça… Si ce n’était qu’un intérêt financier, j’aurais pu signer ailleurs qu’à l’OM. J’ai signé ici et je ne regrette pas. Je sais ce que Marseille m’a apporté et je sais ce que je fais au quotidien pour essayer de revenir à mon meilleur niveau. Quand je vois que c’est balayé d’un revers de la main, ça me touche. L’an dernier, je me suis battu pour l’OM. Je n’en ai jamais voulu au club d’avoir joué blessé et d’avoir raté l’Euro. Avant d’être un joueur de l’équipe de France, je suis en contrat avec l’OM. C’est pour Marseille que je me bats. 

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La décision du TAS vous perturbe-t-elle encore ?

J’ai été beaucoup mieux. C’est la vérité. C’est quelque chose que j’ai et avec lequel je vis. Mais c’est tout le contexte qui fait que ce n’est pas simple au quotidien. Ca se ressent sur mes performances. Je ne suis qu’un être humain. Je ne peux pas toujours avoir le sourire et la banane. J’essaye d’aider l’équipe. Mes états d’âme et mes soucis extra-sportifs, il faut que j’arrive à les mettre de côté. Parce que personne ne me fait de cadeau.

Vous êtes encore à l’OM alors que vous avez eu des opportunités pour partir cet été…

Il y a l’amende mais cela ne conditionne pas tout. Comme je l’ai dit, je suis très heureux à l’OM. Après les gens disent que je n’ai pas retrouvé mon niveau de jeu de l’année dernière et c’est normal. Je suis dans un club exigeant et qui veut des performances pour aller plus haut au classement. Et je le comprends. Mais je demande aussi aux gens d’être indulgent. Quand on voit tous les départs qu’il y a eu cet été par exemple… J’arrive, je n’ai pas eu de préparation. Il y avait beaucoup de jeunes et je devais aider Franck Passi que j’aimais beaucoup. Aujourd’hui, je le paye. C’est la vérité. Ma lombalgie et mon problème au genou ne sont pas venus comme ça. Les gens oublient ça et veulent que Lass' mette sa cape pour voler sur le terrain. Mais le foot, ce n’est pas comme ça. Faut s’entretenir, être bien dans sa tête. Je n’ai pas peur aujourd’hui de dire que ce n’est pas le cas. Je n’ai pas toutes ces conditions-là. Je travaille pour et le club aussi. On espère tous que ça va rentrer dans l’ordre. 

L’OM est au courant que vous pouviez partir dans un autre club qui pouvait payer votre amende ?

Le club est au courant. Je ne suis pas ici pour faire un débat là-dessus mais je trouve que c’est important de le dire. J’aurais pu partir cet été, payer mon amende mais je suis encore là. Je suis quelqu’un d’affectif. Quand ma tête est touchée, mon corps aussi. Je n’ai pas vingt ans, il faut le reconnaître. Je suis footballeur et c’est sur le terrain qu’on m’attend. Je n’ai pas besoin de m’étendre dans les médias.

La saison dernière, après vos très bons six premiers mois, des clubs de top niveau se sont manifestés. Comme le PSG…

PSG, pas PSG, ça, c’est vous qui le dites. Je n’ai jamais donné personnellement de noms de clubs. J’ai eu des contacts avec des clubs prestigieux qui jouent la Ligue des champions. Maintenant, je suis sous contrat avec l’OM. C’est une réalité. Ca ne s’est pas fait pour plusieurs raisons. Mais le problème n’est pas là. On a voulu me créer un souci avec Marseille. Moi, j’avais un problème avec l’ancien président, Vincent Labrune. Je n’ai jamais eu de problème avec l’institution OM et les supporters. Ca aussi, ça me fait mal. Il faut savoir que quand j’ai signé à l’OM, c’était pour quatre ans et avec une clause écrite comme quoi je peux être libéré à chaque mercato. Mon but n’est pas de faire la guerre à Marseille. Jamais de la vie. L’OM m’a relancé et j’ai retrouvé les Bleus grâce à ce club. Je sais ce que je leur dois. Vincent Labrune m’a annoncé qu’il ne pouvait pas respecter cet accord. Avec ma blessure, mon amende et mon entourage, ça fait beaucoup. On a essayé de sortir cela de son contexte. La blessure au genou a été un coup d’arrêt. Après, je ne pense pas que les clubs vous jugent sur un seul match. Je ne passe pas un casting, ma carrière parle pour moi. Un Lassana heureux et en pleine forme, il se bat et mouille le maillot. Aucun supporter ne peut dire que Lass triche. Après, ils peuvent me dire qu’ils attendent plus de moi. Je peux comprendre et je travaille pour ça. Mais c’est important de dire que je n’ai pas de problème avec l’OM. Je ne suis pas le seul qui ait eu des problèmes avec Vincent Labrune. Il y a eu Marcelo Bielsa avant moi par exemple.

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Est-ce que la situation est désormais claire avec le président Jacques-Henri Eyraud ?

Tout d’abord, j’étais flatté que le nouveau propriétaire Frank McCourt m’appelle avant de venir officiellement à l’OM. On a échangé, cela a été professionnel et court mais aussi direct. J’ai également échanger avec le président Eyraud. Tout le monde est au courant qu’il y a aujourd’hui un nouveau projet à Marseille avec des gens ambitieux. Avec les dirigeants, on est sur la même longueur d’onde. Ils savent le contexte autour de moi et cherchent à faire en sorte que je redevienne le Lass de l’année dernière. On fera le point le moment venu. On verra ce qu’il se passe au prochain mercato mais ça sert à rien d’en parler pour le moment.

Qu’est-ce que tu as envie de répondre à ces supporters qui doutent de toi et de ton investissement ?

Je vis à Marseille et je croise des supporters, je n’ai aucun problème avec eux. Ils veulent qu’on ait des résultats. Ceux qui disent que je m’économise ont la mémoire courte. L’année dernière, sélection comprise, j’ai dû faire un quarantaine de matches. Pour quelqu’un qui n’avait pas joué seize mois auparavant, c’est pas mal. Je pense que j’ai joué à un certain niveau. Je n’ai plus vingt ans et, à un moment donné, mon corps me rattrape. Mon forfait à l’Euro a été la conséquence de ma deuxième partie de saison. J’aurais pu être égoïste et je ne l’ai pas été. J’ai discuté avec le coach, je lui ai dit que j’étais handicapé et que je n’étais pas performant comme je le voulais. Je n’étais pas à 100% et c’était mieux de laisser place à quelqu’un d’autre à l’Euro. On peut dire ce qu’on veut, je ne suis pas sifflé au stade, on m’encourage. Les supporters veulent des victoires et ne sont pas censés savoir mes états d’âme. Ils savent que je ne triche pas. Content ou pas content, Lass donne le meilleur de lui-même. On ne peut pas me reprocher d’essayer. 

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Certains vous collent d’étiquette de joueur mercenaire…

Mais c’est quoi un mercenaire ? Ca m’agace. Sans prétention, je souhaite à tous les mercenaires d’avoir ma carrière. J’ai voyagé dans pas mal de pays et gagné des titres. Aujourd’hui, c’est un débat de journalistes ça. Dites-moi ce qu’est un mercenaire et on va analyser cela. A mon âge et après tout ce que j’ai vécu, il me paraît important de réfléchir à mon avenir.

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Le nouveau projet du club phocéen vous plaît-il ?

Je suis séduit et attentif. L’OM mérite un projet ambitieux comme celui-ci. Quand vous voyez l’engouement, le stade, les supporters et cette ville qui respire le football, l’OM mérite des dirigeants à la hauteur de ses fans.

Quelles sont vos relations avec le nouveau coach Rudi Garcia ?

On échange, on discute tous les jours que ce soit sur ou en dehors. Il vient d’arriver, il faut lui laisser du temps. Il doit gérer et apprendre à connaître les joueurs. C’est bien d ‘avoir quelqu’un qui a gagné et qui est ambitieux. Il nous apporte sa rigueur. 

Rudi Garcia a assuré qu’il voulait mieux connaître les joueurs avant de désigner son nouveau capitaine. Et vous portiez le brassard la saison dernière…

En début de saison, j’ai été élu capitaine par mes coéquipiers, c’est une grande marque de confiance et de respect. Le coach, Franck Passi, n’y a pas vu d’inconvénient. A ce moment-là, j’étais blessé et avec tout ce que j’ai vécu, je ne me sentais plus d’être capitaine. Au début de la saison déjà, je n’étais pas dans les meilleures conditions pour être capitaine à Marseille. Il faut être à 100% et apte tout de suite. Brassard de capitaine ou pas, je donne le meilleur de moi-même. Le nouveau coach préfère attendre de connaître les joueurs avant de désigner le capitaine. Alors ce débat du capitanat, c’est pour moi un faux débat. Ce n’est pas ce qui va m’empêcher de parler à mes coéquipiers quand il faudra le faire.

Le président Jacques-Henri Eyraud a dit que votre avenir dépendait seulement de vous, mais qu’il aimerait bien vous garder...

Cela me fait plaisir. On a échangé et cela reste entre nous. L’important est que je reprenne du plaisir. Le reste, ça viendra en temps et en heure. Là, ce que je demande, c’est qu’on laisse Lass tranquille et qu’on le laisse jouer.

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Pensez-vous à la Coupe du monde 2018 en Russie ?

Avant ça, il y a des étapes. Là, tout de suite, il faut que je retrouve du rythme, du plaisir. Tout ça vient par étapes, comme je l’ai dit l’année dernière en arrivant à Marseille. On ne va pas mettre la charrue avant les bœufs. Je me reconstruis petit à petit et après, on verra. Pour l’instant, je ne pense pas à l’équipe de France, je pense à revenir.

Vous n’avez pas tiré une croix sur les Bleus ?

Non, ce n’est pas fini. Je suis Français, ce n’est pas fini. Mais il faut être réaliste. Tout de suite, maintenant, je ne mérite pas d’aller en équipe de France. De toute manière, Lass, il ne se ment pas à lui-même donc il n’y a pas de souci.

Pourquoi vous exprimez-vous si peu dans la presse ?

Je ne parle pas souvent. A mes torts, de temps en temps. Il y a des gens qui sont beaucoup plus à l’aise que moi devant les caméras, avec les médias. Moi, j’essaye de parler sur le terrain. De temps en temps, je m’exprime. C’est juste une question d’habitude, tout simplement. Moi, je suis à l’aise avec les gens que je connais. Quand on est dans mon cercle, on sait que Lass, c’est un chambreur, il rigole, il n’y a pas de souci. Quand je ne connais pas, je suis un peu plus réservé. Mais une fois qu’on a passé les premières étapes, il n’y a pas de souci, on rigole. Je n’ai pas de problème avec les médias. Peut-être qu’on aimerait bien que je m’exprime un peu plus. Mais on ne va pas me changer. Vaut mieux parler peu et bien qu’à tort et à travers pour dire n’importe quoi. Aujourd’hui, j’essaye de parler quand il faut.

Que faîtes-vous en dehors du terrain ?

Je vais au cinéma, je me promène. Je ne vais pas vous dire où bien sûr ! (rires). Après, il y a aussi les alentours de Marseille. Cassis, Aix, c’est très joli. On peut se reposer. Ça change un peu du froid. Je voyage aussi quand j’ai l’occasion de voyager. Je rigole avec mes amis. Je suis comme vous moi ! (sourire).

Continuez-vous à jouer au five ?

Un peu moins là. Mais j’y ai beaucoup joué. Je garde mon énergie pour Marseille. Mais le five, c’est quelque chose que j’aime beaucoup.

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Mohamed Bouhafsi et Florent Germain