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Lille-Lens: "La pire des punitions", un Lensois interdit de stade raconte sa vie sans Bollaert

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Lille et Lens se retrouvent ce samedi soir en Ligue 1 pour le derby du Nord au Stade Pierre-Mauroy. Lors du match aller, en septembre dernier, des débordements avaient eu lieu à la mi-temps entre spectateurs des deux clubs. 98 d’entre eux ont depuis été interdits de stade par la justice. L’un d’eux, fan des Sang et Or, nous fait vivre une journée de match avec lui.  

Dimanche dernier, sur les coups de 17h. Le RC Lens reçoit Nice, dans un stade Bollaert à guichets fermés. À une centaine de kilomètres de là, dans les environs de Boulogne-sur-Mer, Alex (prénom modifié pour préserver son anonymat) est lui en voiture: "On est à 7 minutes du coup d’envoi, je prends mon compte-rendu de justice et je vais au commissariat pour pointer au début du match. Comme ça, après, je peux suivre le reste du match tranquillement."

Alex entre dans le commissariat central de la cité de la Côte d’Opale, tandis qu’à Lens, le coup d’envoi est donné. Le pointage ne prend que quelques minutes. "C’est rapide. J’ai rempli une feuille, je dois montrer ma pièce d’identité et signer mon contrôle judiciaire. Maintenant je suis tranquille jusqu’au mois de mai", explique-t-il, sur le chemin du retour vers son domicile.  

"Ça fait cher pour quelques secondes"

Supporter du RCL depuis son enfance, Alex a été condamné par le Tribunal judiciaire de Béthune le mois dernier à un an d’interdiction de stade, assorti d’un contrôle judiciaire une fois par mois pendant un match du RC Lens, et d’une amende de 500 euros, avec 1 euro symbolique de dommages et intérêts pour la Ligue de football professionnel et 180 euros de frais de justice, sans compter l’avocat. "Cela fait cher pour quelques secondes sur un terrain…", soupire ce trentenaire, salarié dans le commerce.  

Le 18 septembre 2021, Lens reçoit Lille quand, à la mi-temps de ce derby du Nord, des incidents éclatent au niveau du parcage visiteur. Des ultras lillois lancent notamment des projectiles en direction des Lensois en tribune Trannin, où se trouvent beaucoup de familles. En réaction, des supporters lensois venus d’autres tribunes, descendent sur la pelouse et traversent le stade en direction du parcage.

"Lille ou un autre, ça aurait été la même chose" 

Alex était dans le kop, en tribune Marek. Il raconte: "On voyait tout ce qui se passait en Trannin, je suis père de famille et j’aurais pu être avec mon enfant dans cette tribune. Les forces de l’ordre ont mis du temps à intervenir. Quelques amis sont descendus vers le terrain, j’ai suivi avec eux. Les CRS ont fini par intervenir donc je suis retourné à ma place." Une réaction qui selon lui n’est pas liée à la rivalité avec le club voisin: "Lille ou un autre, au vue de la situation, ça aurait été la même chose".  

Le coup d’envoi de la seconde période est certes retardé d’une demi-heure, mais le match se termine normalement. La vidéosurveillance du stade fait ensuite son œuvre. "Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un appel du commissariat de Lens qui voulait m’entendre", explique Alex. "Ensuite, j’ai été notifié d’une interdiction commerciale de stade par le club. Il y avait à l’époque une succession d’incidents en France, le Racing a dénoncé les personnes impliquées. On était une masse, ils ont pu faire un exemple et frapper un grand coup. Je ne leur en veux pas, ils ont une image à préserver." Mais cela ne s’arrête pas là.  

"Je n'ai aucun regret"

La justice se saisit de ces incidents et a prononcé, à ce jour, 98 interdictions de stade, dont celle concernant Alex. "Je n’avais jamais eu d’ennuis avec la justice. La sanction doit être appliquée, mais la peine prononcée a été la même pour tous, alors que du cas par cas aurait dû être fait", regrette-t-il. "Moi finalement, je suis resté le long des panneaux publicitaires, un très court instant". Pour autant, il explique que si la situation devait se reproduire, il réagirait à l’identique: "Je n’ai aucun regret. On s’attaquait à des familles et personne ne les défendaient donc il fallait intervenir", explique-t-il.  

Jusqu’en mars 2023, Alex ne pourra donc assister à aucune compétition sportive européenne impliquant une équipe française. Cette condamnation est inscrite au casier judiciaire, seul l’État y a accès. Elle disparaitra après cinq ans s’il n’y a pas de récidive. Quant aux matches du RC Lens, Alex les suit désormais pour la plupart du temps chez lui, à la télévision.

"Un an, ça va être long!"

"C’est la pire des punitions. Bollaert, c’est notre quotidien, on parle, on mange, on dort Bollaert… Un an, ça va être long!", confie le supporter, dans une pièce aux murs peints aux couleurs Sang et Or. Sur l’écran, le match s’emballe. Le Racing marque trois buts aux Aiglons. Alex regarde sur les réseaux sociaux les vidéos de l’ambiance incandescente en tribune. "Quand ça marque, on pense forcément aux potes qui sont sur place. Cela fait chier (sic) d’être à la maison, ça doit être la folie! C’est là qu’on a envie d’être au stade et de chanter avec les copains", reconnaît-il.  

Pour compenser ce manque, Alex se rend à Lens pour les plus belles affiches, quand il n’a pas à pointer au commissariat. "On se rejoint au local de supporters ou dans un bar et on suit les matches avec les potes aussi interdits de stade. Ça permet de continuer à vivre notre passion ensemble pendant cette année", explique ce supporter qui n’est membre d’aucun groupe ultra. C’est ainsi qu’il vivra le match retour du derby, ce samedi soir, pour lequel tous les Lensois sont par ailleurs interdits de déplacement. 

Kevin Morand