Nice: dix mois de prison avec sursis requis contre Youcef Atal pour provocation à la haine raciale

Le procès Atal s’est déroulé ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nice. Jugé pour provocation à la haine, le défenseur de l’OGCN est accusé d’avoir relayé la vidéo d’un prédicateur islamiste appelant à un "jour noir" pour les juifs. Le tout quelques jours après l’attaque du Hamas contre Israël et le début des bombardements israéliens sur la bande de Gaza.
Sanctionné par Nice et suspendu par la LFP, Youcef Atal plaidé sa cause pendant plusieurs heures, assurant ne pas avoir maîtrisé la portée de son geste. Mais le parquet a demandé une peine de dix mois de prison avec sursis, une amende de 45.000 euros et la publication de la décision de justice pendant un mois sur les réseaux sociaux de l’international algérien. Si le clan Atal a demandé la relaxe, la décision sera rendue le 3 janvier 2024 à 13h30.
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"J’ai pensé que c'était un message de paix"
Accompagné d’une interprète, pour les cas où une incompréhension linguistique le mettrait en difficulté, Youcef Atal a tenu à expliquer son geste lors de son passage à la barre.
"J'ai partagé la vidéo parce que j'ai pensé que c'était un message de paix et que les gens sont en train de souffrir pendant cette guerre. Malheureusement, je regrette de ne pas l'avoir vue jusqu'à la fin", a indiqué le défenseur de 27 ans devant le tribunal correctionnel de Nice. "J'ai partagé parce que je pensais que c'était vraiment un message de paix. Je veux que les gens arrêtent de souffrir. Ça n'est pas dans mon intention d'être contre n'importe quelle personne. Malheureusement je n'ai pas fini la vidéo."
Atal plaide pour une méconnaissance du prédicateur
Accusé de provocation à la haine après le partage de cette vidéo appelant à un "jour noir" pour les juifs, Youcef Atal a promis qu’il n’avait pas pris connaissance de qui était le prédicateur qui s’y exprimait.
"Non, je n'ai pas eu ce réflexe (de vérifier qui l’homme en question). J'ai vu la vidéo et je l'ai postée pour que les personnes ne souffrent pas", a renchéri l’Algérien ce lundi face à la justice. "Je ne me suis pas intéressé plus à la personne. Au début, il parlait des gens pour qu'ils ne souffrent plus et j'ai partagé."
Et l’accusé de préciser qu’il ne voulait pas faire débat: "Moi, je ne suis qu'un joueur de foot, je n'essaie pas de rentrer dans la politique. J'ai partagé sans regarder jusqu'à la fin puis j'ai envoyé un message d'excuses. Des excuses sincères."
"Je ne suis contre personne, je ne suis que footballeur"
Rapidement contacté par le directeur sportif de Nice, Florent Ghisolfi, pour lui signifier de retirer la vidéo, Youcef Atal s’est exécuté et a publié un message d’excuses après un geste dont il n’avait selon lui par mesurer la portée.
Et de justifier quand le président du tribunal lui a demandé s’il avait posté un message de soutien aux victimes après l’attaque du Hamas contre des civils israéliens: "Non, je n'ai pas partagé de message mais je suis contre toute violence. Mon message c'était pour que les gens ne souffrent pas."
Visiblement ému lors de son témoignage à la barre, le défenseur de l’OGC Nice a fait acte de contrition et a notamment regretté de ne pas avoir tout regardé avant de partager ces images.
"Je pensais vraiment que c'était un message de paix, c'est la vérité. Avec du recul, je me dis que ce sont des trucs importants et j'aurais dû regarder la vidéo jusqu'à la fin. Je regrette par rapport à ça", a continué Youcef Atal. "Je voudrais juste rajouter que je ne suis contre personne, je ne suis que footballeur. Je suis contre la haine. On a déjà joué en Israël (contre le Maccabi Tel Aviv en 2022, NDLR), j'ai joué là-bas sans aucun problème."
Atal (re)lance un message de paix
Invité par la cour à décrypter la vidéo qu’il a relayée, Youcef Atal s’est assez rapidement arrêté en expliquant ne pas avoir regardé jusqu’au bout. Quand la partie civile signale qu’elle ne comprend pas de message de paix, le défenseur des Fennecs et du Gym rétorque: "J'ai entendu la vidéo en arabe et je pensais vraiment que c'était un message de paix."
Quand on lui a demandé de réagir pour dire ce qu’il comprenait par "jour noir pour les juifs", le footballeur arrivé à Nice en 2018 a réaffirmé son engagement en faveur de la paix.
"Je ne suis contre personne, chacun a le droit de faire ce qu'il veut. Moi j'étais touché parce que je ne veux pas que les gens souffrent, je ne veux pas que des gens meurent. Je ne suis ni contre les juifs, ni contre les chrétiens... Je suis avec la paix."
La LFP dénonce des propos "clairement discriminatoires"
Face au défenseur azuréen, plusieurs associations se sont portées partie civile dans ce procès comme l'Organisation juive européenne, l'Organisation juive de France, la Licra, le CRIF et la LFP. Suspendu par la Ligue pour sept rencontres, Atal sera apte à rejouer après le match Nice-Lens, le 20 décembre lors de la 17e journée de Ligue 1. Également suspendu par Nice jusqu’à nouvel ordre, Youcef Atal touche son salaire mais sans les primes. De la même manière, le latéral algérien continue d’avoir accès aux installations du Gym mais sans participer aux séances collectives avec le groupe de Francesco Farioli.
Dans sa plaidoirie et avant de demander un euro symbolique de dommages et intérêts, la LFP a jugé les propos de Youcef Atal comme "clairement discriminatoires" et n’a pas manqué de rappeler qu’à ses yeux si le défenseur niçois avait eu cette vidéo parmi ses suggestions, c’est parce que l’algorithme lui a proposé une séquence en adéquation avec ce qu’il regarde habituellement sur les réseaux sociaux. Si le footballeur a plaidé pour une méconnaissance, ce n’est pas possible selon les parties civiles et le ministère public.
Le parquet réclame de la prison avec sursis
De la même manière que les avocats des parties civiles, la procureure en charge de cette affaire n’a pas été convaincue par la défense du clan Atal. A ses yeux, le latéral doit assumer son geste. Et c’est pour cela que le parquet a demandé une peine de dix mois de prison avec sursis, 45.000 euros d’amende et le partage sur Instagram de la décision de justice pendant une durée d’un mois.
"Les mots ont un poids. Relayer ce type de message entraîne des actes de violences réels qui ont déjà endeuillé toute la France et d'autres pays", a estimé la représentante de l'Etat. "Ce n'est pas un imam modéré. Contrairement à ce que j'ai pu entendre à plusieurs reprises, à aucun moment il n'est question de paix dans cette vidéo. Il a publié un message 'Free Palestine' avec une écharpe aux couleurs de la Palestine."
Et la procureure de conclure : "On est donc dans un contexte que monsieur Atal connaît et maîtrise. La vidéo a clairement un caractère violent et elle dure 35 secondes, pas une minute, une heure ou trois heures... Mais 35 secondes! Une vidéo qui lui a été soumise par l'algorithme. […] Monsieur Mahmoud al-Hasanat, je ne le connaissais pas et sans doute personne ne le connaissait ici avant qu'une personnalité publique ne relaie ses propos. Il y a plus de trois millions d'abonnés et le compte est public, on peut aussi donc accéder à son contenu sans le suivre."