OM-Nice: comment la rivalité entre les deux clubs s'est accentuée en dehors du terrain

Un doublé d’Alexis Sanchez et un pétard de Nuno Tavares. Ce 28 août, dans la chaleur de l’été azuréen, Marseille vient coller un 3-0 à l’Allianz Riviera. Avec un Dimitri Payet rayonnant et une défense adverse à l’agonie. Cinq mois plus tard, les coéquipiers de Jean-Clair Todibo n’ont rien oublié de cette correction chez eux. "On a un esprit revanchard, forcément", a insisté le défenseur central vendredi en conférence de presse, à l’approche des retrouvailles très attendues entre l’OM et Nice programmées ce dimanche (20h45) au Vélodrome pour le choc de la 22e journée de Ligue 1. "Je n’ai pas la prétention de dire qu’on va leur mettre 3-0, mais prendre trois points là-bas ce serait pas mal, voire un point au vu de la dynamique qu’ils affichent ces derniers temps. Ça va être un très bon match à jouer, en plus de ça c’est un derby très important", a appuyé Todibo, bien conscient de cette rivalité entre Marseille et Nice.
Une rivalité relancée depuis l'arrivée d'Ineos
Si 200 kilomètres à peine séparent ces deux grandes villes du sud-est, la passion des supporters de chaque camp a souvent offert des rencontres électriques pour ne pas dire explosives. Même si cet antagonisme a longtemps été nourri par les Niçois plus que par les Marseillais. Avec l’image du "petit" déterminé à manger le "gros". "Il y a moins d’animosité de leur côté que du nôtre", reconnaissait volontiers l’attaquant Alexy Bosetti, au début des années 2010. "On déteste plus l’OM qu’eux nous détestent. C’est comme ça et je pense que ça ne changera pas", assurait même cet ancien de la maison niçoise, resté proche des ultras de la Populaire Sud. Fabrice Abriel, passé par les deux clubs, dressait le même constat : "A Marseille, on ne parle pas trop de ce derby. On parle surtout du Clasico OM-PSG. A Nice, on sent beaucoup plus la tension entre les deux camps." Un temps présenté comme une rivalité (presque) à sens unique, ce derby méditerranéen a pris une autre tournure avec l’arrivée en 2019 du groupe britannique Ineos aux commandes de l’OGC Nice.
Habitué jusqu’alors à rester dans l’ombre de son voisin phocéen, malgré une troisième place obtenue en 2017 avec Mario Balotelli et Younès Belhanda, les Aiglons ont changé de dimension. Au moins en coulisses. Avec des objectifs devenus très concrets. "Notre ambition est d'atteindre le top 4 de la Ligue 1. Nous avons un projet sur trois à cinq ans pour avoir un club qui peut arriver régulièrement au niveau européen", expliquait au début de cette nouvelle ère Bob Ratcliffe, le frère de Jim, première fortune de Grande-Bretagne et fondateur du géant Ineos, spécialisé entre autres dans les produits chimiques et pétrochimiques. Avec un tel projet, et même si le parcours a depuis été semé d’embûches, Nice a rallumé la flamme d’un vrai duel régional avec Marseille, en affichant sa volonté de boxer dans la même catégorie sur le plan sportif. "J'ai été très surpris en arrivant ici de découvrir l'antagonisme des Niçois. À l'époque, à Marseille, on voyait ce derby comme un rendez-vous à gagner, bien sûr, mais devant des cousins. Maintenant, les gens regardent Nice différemment. Mais il est encore prématuré de nous voir là où nous ne sommes pas encore", soulignait en février 2022 à l’AFP Julien Fournier, alors directeur du football à l'OGCN et ancien directeur général de l'OM.
Les violences à Nice et le clash Rivère-Longoria
Après 21 journées cette saison, quinze points séparent Marseille et Nice. Chez les uns, la lutte pour le titre pourrait devenir un objectif si les victoires continuent à s’empiler. Les autres pensent d’abord à entretenir la bonne série enclenchée depuis le remplacement de Lucien Favre par Didier Digard, sans même penser au podium. Il n’empêche, un OM-Nice est aujourd’hui considéré comme un choc à part. Surtout depuis les incidents survenus à l'Allianz Riviera le 22 août 2021. Ce soir-là, le match avait dû être stoppé à la 78e minute de jeu. Dimitri Payet, qui s'apprêtait à tirer un corner, avait été la cible de supporters niçois. Touché au dos par une bouteille d'eau en plastique, le Réunionnais avait renvoyé le projectile vers le public. Des dizaines de supporters niçois avaient réagi en envahissant la pelouse, provoquant une bagarre générale entre supporters, joueurs des deux équipes et membres des staffs. Après plus d'une heure et demie d'interruption, la partie avait été définitivement arrêtée, l'OM ayant refusé de revenir sur le terrain. Nice avait été sanctionné d’un point ferme de pénalité, et le match s’était rejoué à huis clos, sur terrain neutre à Troyes, deux mois plus tard (1-1).
Depuis, les parcages visiteurs sont vides à chaque retrouvaille. Ce sera encore le cas dimanche. Du côté des dirigeants, en revanche, la tension est retombée. Lors des violences à l’Allianz Riviera, les président niçois et marseillais Jean-Pierre Rivère et Pablo Longoria avaient eu une altercation en tribunes. "Au moment du jet de bouteille sur Dimitri Payet, qui est évidemment déplorable, il y a eu une réaction extrêmement virulente des dirigeants marseillais, qui étaient derrière nous, avait révélé le premier sur RMC. Je n'ai même pas vu ce qu'il s'est passé sur le terrain pendant trois ou quatre minutes. C'est vite monté dans les tours, très haut et c'est parti très loin. J’avais ma femme à côté et mes deux enfants, qui sont petits. Quand je vois le président de l'OM qui était à deux doigts de faire des actes à ne pas faire par rapport à ma femme... Je lui ai dit : 'Pablo, tu es complètement fou, il te prend quoi ? Et il m'a répondu : 'Ta femme m'a posé la main sur le bras'. C'est parti en vrille." La hache de guerre a finalement été enterrée, Longoria s’étant excusé auprès de Rivère. Mais les tensions auraient pu se réveiller l’été dernier après l’échec du transfert de Bamba Dieng à Nice.
Nice a battu l'OM pour Moffi
Après avoir refusé de rejoindre Leeds, l’attaquant sénégalais avait donné son accord aux Aiglons, avant d’être recalé à la visite médicale au moment où il s’apprêtait à être vendu par l’OM pour 12 millions d’euros. Un pépin physique avait été avancé dans les rangs niçois. "Ce sont des visions médicales différentes, avait réagi Longoria. Nice considère une chose, nous on considère autre chose. (…) Je ne sais pas ce qu'il s'est passé." Cet hiver, Marseille et Nice ont cette fois mené une lutte à distance pour s’offrir Terem Moffi. Puisque le Nigérian n’a jamais montré un grand enthousiasme à l’idée de rejoindre l’actuel deuxième de Ligue 1, Rivère a pu boucler ce dossier. Avec au passage une pique de Digard adressée aux Marseillais au moment où les négociations battaient leur plein. Questionné sur l’envie de Moffi de rejoindre Nice plutôt que l’OM, Digard avait répondu par un large sourire, taquin. "Avoir un garçon intelligent, c’est bien", avait-il lancé, amusé.
Preuve que tout peut vite devenir brûlant lorsqu’un sujet concerne les deux clubs, Digard s’était senti obligé de rétropédaler dans la foulée : "On m’a posé une question sur Moffi et les Marseillais l’ont pris pour eux. Quand je disais que Terem est un garçon intelligent, c’est parce qu’il a un club qui souhaite le vendre à un autre club. Ce n’est pas son choix. Et lui n’en démord pas, il veut venir chez nous donc je trouve que c’est une forme d’intelligence de ne pas se laisser dicter les choses, peu importe les montants… Donc ce n’est pas contre Marseille et je jugeais le joueur sur sa manière de gérer cet événement. Tout le monde peut se calmer là-dessus." Les Marseillais n'auront pas besoin de repenser à cet épisode pour se motiver dimanche. Mais ils auront sans doute à cœur de montrer à Moffi qu’il aurait aussi pu s’épanouir dans la chaleur du Vélodrome.