Toulouse FC: le directeur général explique les secrets de l'engouement historique autour du club

RMC Sport: À quoi attribuez-vous cet engouement populaire autour de votre équipe ?
Olivier Jaubert: Il y a énormément de facteurs. D’une certaine façon, les supporters de Toulouse ont eu plusieurs raisons avec des résultats difficiles, qui se sont terminés par une descente en Ligue 2, avec le Covid, et les huis clos derrière. Et l’année dernière, on repart en Ligue 2 avec une ambition qu’on affirme: on va monter. On va monter mais on va se faire plaisir et on va vous faire plaisir. Et au fur à mesure, les gens sont venus. 3.500 personnes contre Ajaccio (le premier match de la saison, ndlr), guichets fermés contre le Paris FC en avril, 12.000 de moyenne. Quatre ou cinq matchs à plus de 20.000 personnes. Donc tout d’un coup, le public est venu. Et c’était un nouveau public. Il y avait plein de gens qui avaient oublié le chemin du Stadium. Ils l’ont retrouvé. Ça se termine en apothéose. De très belles fêtes. En fait, au-delà du résultat sportif, c’est aussi l’esprit qu’il règne dans cette équipe et qui est véhiculé. Des joueurs disponibles. Vous savez quand Mikkel Desler sort du vestiaire après un match, qu’il traverse le parvis du Stadium à vélo et qu’il s’arrête auprès des gens, ils se disent: "Mais ce sont des joueurs normaux, ces joueurs de foot." En fait, on a une équipe qui était proche de son public, qui a délivré un beau spectacle.
En quoi a résidé le travail du club ?
On a fait une bonne campagne de communication et on a une stratégie de prix qui était très abordable. On peut aller au Stadium pour huit euros par match. Le football est un sport populaire, il ne faut jamais l’oublier. Il faut que tout le monde puisse venir. Mais on en a pour tous les goûts. On a des gens qui veulent payer relativement cher. Pour eux on a créé les 'places du Capitole', qui sont les 108 meilleures places du stade, hors hospitalités. Elles sont plein centre, sur la ligne médiane. C’est une catégorie à part, où on a monté le prix. Et on s’est aperçu que 75% de gens abonnés ici avaient renouvelé malgré l’augmentation du prix. Et quand je dis augmentation, c’est un triplé, ce n’est pas une petite augmentation. Et à l’inverse, tous les virages se sont remplis également. Tous ces éléments mis bout à bout ont fait que la campagne a décollé et est allée bien au-delà de nos espérances.
C’est à dire ?
Concernant les abonnés, on avait fait un budget qui était presque de moitié moins. Donc oui, évidemment, on a dépassé nos ambitions initiales.
Vous avez parlé de nouveau public. Qui le compose ?
On fait beaucoup d’analyse. Tout le monde parle de la data dans le sportif au TFC, en fait la data elle est partout. On est passé de 5% de femmes abonnés à 18%. Notre public est aussi aujourd’hui beaucoup plus jeune. Un tiers vient de Toulouse, mais les deux tiers viennent de Haute-Garonne ou de la région. Nous avons 65% de nouveaux abonnés, dont plus des trois quarts n’avaient jamais été au Stadium. Ça veut dire que c’est vraiment des gens qui sont venus l’année dernière et qui ont choisi de s’abonner. On a forcément des gens qui ne venaient plus et qui reviennent. Tant mieux ! On sait que 25% de nos abonnés ont été par le passé abonnés au Stadium.
"Plus vite on se détache du résultat, plus on a de chance que notre base de supporters soit solide"
Que vous disent ces gens ?
On les croise sur le parvis. Nous on sort beaucoup. Dans la ville, sur le parvis du Stadium. On croise les gens, on leur parle. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’en dehors de l’aspect sportif, ils aiment l’ambiance du Stadium. C’est devenu un stade familial, où il se passe des choses, où il y a une vraie expérience. On a amélioré l’offre de restauration du public avec huit food trucks à disposition. On a amélioré le travail autour des buvettes pour améliorer les queues. On fait des enquêtes de satisfaction après chaque match auprès du public. On a en moyenne 8 à 10% de répondants, ce qui est énorme. Et on teste des "items". On leur demande comment se passe l’accueil, l’entrée, les contrôles d’accès, les buvettes. Et on travaille à partir de là. Ce sont nos éléments de correction et de modification. L’expérience stade, elle démarre à partir du moment où le supporter quitte son domicile et elle se termine quand il rentre chez lui. On est sur une île. On est en plein centre. C’est vachement bien, mais en même temps, c’est compliqué. Les accès sont plus compliqués, donc il faut convaincre les gens de prendre les transports en commun. On travaille avec l’opérateur de transports en commun de Toulouse pour augmenter les fréquences de métro les jours de match. Même si c’est un dimanche. On passe sur des fréquences d’heures de pointe de semaine alors que normalement c’est un métro toutes les six minutes. On augmente les bus, on augmente les navettes avec des parking relais qui sont gratuits dès lors que les gens utilisent les transports. On a donc un gros travail d’information envers nos supporters pour qu’ils puissent en permanence améliorer leur expérience.
Vous avez d’autres idées ?
Oui (sourire) ! Le grand avantage qu’on a, c’est qu’on part presque d’une feuille blanche et que chaque semaine est une nouvelle idée. Avec trois sources: notre créativité, car on a des gens qui sont plutôt jeunes, qui sont des vrais supporters de football et qui pensent à ce qu’ils auraient aimé vivre quand ils allaient dans un stade, non pas pour travailler mais pour supporter leur équipe. Donc ça c’est un élément important. Récemment, on a lancé notre partenariat avec TAT Production qui est le plus gros studio de production d’animation française avec les As de la Jungle. On a créé les mascottes, "Les As de la Jungle mission TFC", ils animent la tribune famille. On va faire un truc avec eux, qu’on lancera en février ou mars. Des idées, il y en a plein. Ensuite, nos supporters nous en donnent. Et évidemment, les études de satisfaction que l’on fait sont des sources de réflexion et d’amélioration. L’idée c’est de se dire: comment fait-on pour que chaque public qui vient au Stadium y trouve son compte. Pourquoi on travaille comme ça ? Il y a deux options dans le sport. Soit vous calculez tout et vous vous dites que la seule chose qui compte c’est le résultat sportif et les gens viendront au Stadium parce que l’équipe est une des meilleures de France. Soit vous vous dites, plus vite on se détache du résultat, plus on a de chance que notre base de supporters soit solide, régulière. Et donc pour ça, il faut travailler toute la partie non sportive. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne travaille pas le sportif, mais ça, ce n’est pas mon domaine (sourire).
On regarde ce qu’il se fait à l’étranger ?
Beaucoup de gens en France parlent toujours de ce qu’il se passe aux Etats Unis. Mais le public américain n’a rien à voir avec le public français. Et le public des sports américains n’a rien à voir avec le public football. Donc ce n’est pas notre modèle. Les avancées technologiques, par contre, oui. C’est-à-dire, comment on intègre de plus en plus de technologie dans un stade pour que les supporters aient une expérience améliorée, ça nous intéresse et les Etats-Unis ont de l’avance là-dessus. Après, quand on regarde les ambiances dans les stades, il y a un football qui nous plaît, c’est la Bundesliga. Mais on sait aussi qu’aux Pays-Bas, en Belgique, il y a également beaucoup de choses qui se passent. On regarde les innovations, comment on fait pour être meilleurs. Et après, on n’oublie pas qu’on est d’abord un club local départemental et régional. Donc ce qu’on fait doit toujours l’être avec le prisme de Toulouse, de la Haute-Garonne et de l'Occitanie.
"Le naming ? On a deux, trois sociétés qui sont en discussion avec nous"
Que pouvez-vous nous dire concernant vos chiffres de sponsoring ?
On ne donne jamais de chiffre. Toutefois, ce qui est clair, c’est qu’on a plus que doublé par rapport à la Ligue 2. La plupart des contrats de sponsoring sont généralement signés sur trois ans. Donc le prochain cycle pour nous, qui sommes arrivés en 2020 et qui avons signé pas mal de contrats en 2021, arrivera au 1er juillet 2024. A ce moment-là, normalement, il faudra qu’il y ait une croissance au moins multipliée par deux. Voire fois deux et demi ou trois.
Et en nombre de partenaires ?
En fait, le nombre de partenaires, c’est assez intéressant. Quand je travaillais à la Ligue de football professionnel, on avait fait une étude: en France, la moyenne des clubs était de seize partenaires, dont sept sur leurs équipements, alors qu’en Allemagne, ils avaient vingt-trois ou vingt-quatre partenaires, dont trois sur leurs équipements. Et donc augmenter le nombre de partenaires, oui, mais pas sur les équipements. Car ce qui est rare est cher. Nous, on est persuadé que ça a plus de valeur d’avoir un sponsor unique sur l’avant d’un maillot que quatre qui se le partagent. Et donc l’idée, c’est d’être beaucoup plus créatifs dans les concepts que l’on développe pour nos sponsors afin de leur permettre de bénéficier de leur partenariat, d’avoir un retour sur investissement, mais sans forcément être présents sur nos équipements.
Où en est l’idée de naming du Stadium de Toulouse ?
C’est un dossier qui est permanent chez nous. Maintenant, on sait aussi qu’on ne le bradera pas. Cela a une certaine valeur. Donc tant qu’on n’aura pas quelqu’un qui ne mettra pas cet argent sur la table, on ne le signera pas. On a deux, trois sociétés qui sont en discussion avec nous, mais on n’est pas (il s’arrête)… À un moment, il faut déjà sécuriser les bases. Les fondations doivent être solides pour construire le toit de la maison. Et le Stadium, son sponsor "titre", le toit, va être un endroit d’expression important. Et il se trouve qu’il est en réfection et que ce sera fini l’été prochain. Donc jusqu’à l’été prochain, on est tranquille…
Et après ?
On a de vrais projets, de vraies ambitions. On veut doter le club de vraies infrastructures. On veut évoluer sur l’exploitation du stade. On a une ambition, forte, qui se traduira, dans les années à venir par l’idée de mettre le Toulouse Football Club parmi les grands clubs français.