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Bordeaux: recalés du centre de formation, Barbet et Nsimba portent aujourd'hui les Girondins vers la Ligue 1

Dix ans après ne pas avoir été conservés par le centre de formation des Girondins, Yoann Barbet et Vital Nsimba se sont retrouvés à Bordeaux cet été avec un statut de joueurs cadres pour permettre au club de retrouver la Ligue 1. Un parcours chaotique mais des retrouvailles réussies. Les Girondins (2es) sont en course pour la montée à neuf journées de la fin, avant d’affronter Bastia (5e), un concurrent direct, ce samedi à 15h.

Le chemin a été sinueux, semé d’embûches mais l’aboutissement de ce parcours pourrait bien être exceptionnel. Yoann Barbet (défenseur central) et Vital Nsimba (latéral gauche) sont les deux tauliers des Girondins de Bordeaux, habités par un amour du maillot peu commun.

Nsimba : "Barbet, le crack de l'année 1993"

Il faut dire que leur histoire avec leur club de cœur n’a jamais été simple. Longtemps, les deux défenseurs ont pensé ne jamais porter la tunique marine et blanche. Il y a dix ans, Barbet et Nsimba étaient pourtant pensionnaires du centre de formation.

Nsimba, repéré à la Bastide, et Barbet, le Libournais, sont de la même génération. "Yo, c’était le crack de l’année 1993, tout le monde parlait de lui, se souvient Nsimba. C’était la pépite. Tout le monde le voyait passer professionnel."

"Si un jour, tu joues en Ligue 2 ce sera déjà très bien…"

L’ancien latéral gauche de Clermont est un peu plus en retrait mais le potentiel des deux hommes est certain. Barbet, le crack, et Nsimba, le talentueux, qui n’avait "pas les bonnes attitudes", sont finalement recalés par le staff de Francis Gillot. "J’ai pris une claque, lâche Barbet. C’était un entraînement avec les pros et l’adjoint de Francis Gillot est venu me dire : 'Si un jour, tu joues en Ligue 2 ce sera déjà très bien…' On était en attente de savoir si on allait passer pro, donc j’ai très vite compris que ça n’allait pas le faire... Ça a été une vraie claque mais c’était peut-être un mal pour un bien."

Nsimba : "Quand on te dit que t’es bon et qu’au final tu ne passes pas pro, tu redescends direct de 5 ou 6 étages"

Barbet rejoint finalement les Chamois Niortais pour atteindre son graal. Nsimba, lui, rebondit à Guingamp avant de se relancer en National à Luçon. "On a été obligé d’aller ailleurs et ailleurs, ce n’est pas le même confort qu’à Bordeaux, poursuit le défenseur central. Je me rappelle d’une phrase de Patrick Battiston (le directeur du centre de formation des Girondins, ndlr) qui nous disait : 'Le soleil brille partout et pas qu’à Bordeaux.' Ce n’est pas parce que qu’on échouait à Bordeaux qu’on ne réussirait pas dans notre carrière."

Vital Nsimba, avec Niort lors d'un match amical contre Luçon en 2015.
Vital Nsimba, avec Niort lors d'un match amical contre Luçon en 2015. © IconSport

Barbet rejoint l’Angleterre (Brendford, QPR) où il devient un des défenseurs centraux les plus respectés du pays. Après trois ans à Bourg-en-Bresse, Vital Nsimba rejoint Clermont où il goûte à la Ligue 1. "On vit un peu dans un cocon quand on est à Bordeaux, confie le Congolais. Quand on te dit que t’es bon et qu’au final tu ne passes pas pro, tu redescends direct de 5 ou 6 étages mais on n’a jamais lâché. Je ne suis revanchard envers personne, ils avaient leurs raisons à l’époque. Maintenant c’est une nouvelle étape, on doit écrire notre histoire."

Alors, quand le directeur sportif Admar Lopes les a contactés cet été pour reconstruire un club au bord de l’implosion, le choix a été évident. "J’avais un peu l’impression de faire un flash-back, sourit Barbet. Je me suis dit : 'Il y a 10 ans, j’étais là... '"

Barbet : "On est partis par la petite porte, et maintenant on est des cadres"

"On est partis par la petite porte et maintenant on est des cadres, j’ai la chance d’être capitaine, rembobine Yoann Barbet. Vital a porté le brassard. Ce sont des choses que tout petit on n’aurait jamais imaginées, pouvoir porter le brassard de notre club de cœur. On n’arrive pas à s’imaginer à la place des anciens, Planus, Ciani... Mais on y est."

Les retrouvailles ont pourtant été mouvementées, à l’image de l’histoire de Barbet et Nsimba avec les Girondins. À leur arrivée cet été, le club est en grande difficulté financière. La DNCG encadre la masse salariale bordelaise. Les deux joueurs s’entraînent avec le groupe de David Guion mais leur contrat ne peut être homologué par la Ligue.

"On avait surtout peur de ne pas jouer pour le club..."

Après avoir participé à toute la préparation, ils ne disputeront leur premier match que mi-septembre. "Oui la peur était là, souffle Nsimba. Mais la peur, ce n’était pas de se demander si on avait fait le bon choix. On avait surtout peur de ne pas jouer pour le club." "C’était difficile à gérer, on connaissait la difficulté du club mais on croyait au projet", rebondit Barbet, en pleurs au moment d’officialiser sa signature en début de saison.

Depuis, les deux joueurs ont répondu aux attentes et guident Bordeaux vers un retour en Ligue 1. "Remonter en L1, c’est notre objectif depuis qu’on est arrivés. C’est notre rêve en commun, celui des supporters, détaille le capitaine girondin. On n’est pas venu à Bordeaux pour rester en L2 et dire : 'On a joué aux Girondins.' On sait pourquoi le club a fait appel à nous, il y a une grosse attente autour de nous mais on le prend comme une motivation. On a tout à gagner à faire monter le club."

"On est portés par l’amour du club, on représente Bordeaux"

L’expérience des deux leaders est une plus-value pour la jeunesse bordelaise. "On veut apporter ça à un groupe jeune, détaille Nsimba. Amener cette sérénité. On aborde ce sprint final en étant bien. Il y a 10 ans, on regardait les pros avec les grands yeux et maintenant, c’est nous qui sommes sur le terrain. On était vraiment attendus, on est de Bordeaux, on représente la ville. Des fois quand je vois Yo' déborder à la 88e minute et se retrouver attaquant… Il est porté par quelque chose, par l’amour du club, par les supporters qui appuient avec nous. On a une grosse responsabilité, faire remonter ce club qui n’a rien à faire en Ligue 2."

"Ma plus grande peine dans ma vie, c’est quand j’ai annoncé à mon père que je n’étais pas gardé à Bordeaux"

En Gironde, les deux hommes n’auront pas la sensation d’avoir bouclé la boucle tant que le club sera en deuxième division, mais leur retour à la maison ressemble déjà à un bel accomplissement. "Ma plus grande peine dans ma vie, c’est quand j’ai annoncé à mon père que je n’étais pas gardé à Bordeaux, se remémore le latéral. Voir sa déception... Je me suis dit que je ne devais plus jamais ressentir cette peine et cette gêne-là. Revenir ici et le voir heureux à tous les matchs c’est fou."

Barbet et Nsimba, fêtant avec leurs coéquipiers le but de Dilane Bakwa contre Annecy, en octobre 2022.
Barbet et Nsimba, fêtant avec leurs coéquipiers le but de Dilane Bakwa contre Annecy, en octobre 2022. © IconSport

Avant d’affronter Bastia (15 heures ce samedi), Bordeaux reste sur une série de six matchs sans défaite et reste cramponné à la 2e place du championnat, synonyme d’accession directe. "On ne pouvait pas rêver mieux que se retrouver dans cette position-là à neuf journées de la fin. On est serein, sans s’enflammer parce que rien n’est fait. Personne ne nous voyait-là et on y est", termine Yoann Barbet.

Un sprint final qui va conclure une saison jonchée de difficultés pour les Girondins. Une saison à l’image de l’histoire de leurs deux leaders avec leur club de cœur.

Par Nicolas Paolorsi