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Dortmund-PSG: la soirée européenne de Tuchel qui a précipité son départ du Borussia

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MISSION DORTMUND. Ce mardi, en huitième de finale aller de Ligue des champions, Thomas Tuchel retrouvera le Borussia Dortmund avec le PSG (sur RMC Sport). L'occasion de revenir sur la dernière soirée européenne du technicien au Signal Iduna Park en avril 2017. Quelques heures après une terrible attaque à la bombe contre son équipe, et quelques semaines avant son licenciement.

La scène avait été racontée par tous les journaux d’outre-Rhin. Le 19 mars 2018, alors que Thomas Tuchel était à la barre pour témoigner lors du procès de Serguei Wenergold, l’auteur de l’attentat contre le Borussia Dortmund, le procureur avait tenu à poser une question au technicien allemand: "Seriez-vous resté coach du BVB sans cette attaque?" Réponse de Tuchel: "Oui, je suppose. Mais la gestion de l’attaque et ses conséquences a provoqué de grosses dissensions entre le directeur général Joachim Watzke et moi. Le problème principal étant que j’étais dans le car, et pas lui."

Un an plus tôt, le 11 avril 2017, Tuchel était encore le coach des Borussen. Après une très belle première saison, son équipe se battait difficilement avec Leipzig et Hoffenheim pour le podium en Bundesliga, mais la Ligue des champions apparaissait comme une parenthèse enchantée pour Dortmund. Opposée en quart de finale à la jeune et inexpérimentée équipe de Monaco, la formation allemande avait une très belle occasion d’atteindre les demies, et pourquoi pas ensuite de rêver à un sacre… Mais d’abord, il fallait remporter le match aller contre l’ASM, au Signal Iduna Park.

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Trois bombes, et très vite, des avis divergents

Malheureusement, cette soirée printanière bouleversera à jamais le Borussia. L’histoire est connue: moins de deux heures avant le coup d’envoi du match contre le club de la Principauté, le car du BVB avait été endommagé par une explosion en sortant de l'hôtel. Trois dispositifs, dissimulés dans une haie, avaient éclaté les vitres arrières du véhicule, faisant deux blessés: un policier, et le défenseur Marc Bartra, victime d’une fracture à un poignet. L’auteur de l’attaque expliquera par la suite avoir voulu gagner de l’argent en spéculant sur la chute de l’action du club. Il sera condamné à 14 ans de prison.

Le car de Dortmund
Le car de Dortmund © AFP

Logiquement reporté, le quart de finale aller de C1 prévu le 11 avril avait très vite été reprogrammé au lendemain, le mercredi 12 avril 2017. Et c’est là qu’entre Tuchel et son club, une première fracture était apparue. Complètement dépassé, et c’est compréhensible, le Borussia s’était incliné 3-2 face à Monaco (avant de perdre 3-1 au retour), encaissant notamment un doublé de Kylian Mbappé. En conférence de presse d’après-match, l’actuel entraîneur du PSG n’avait pas caché sa colère. "Nous n’avons pas été consultés, regrettait-il. Nous avons le sentiment d’être traités comme si notre car avait reçu une bouteille de bière. Cela vous fait sentir impuissant…" Et dans la foulée: "Bien sûr que cela a eu des conséquences sur nous. Nous voulions plus de temps pour digérer ces événements, mais nous n’en avons pas eu."

Problème, le directeur de la communication de l’UEFA avait assuré de son côté que les clubs étaient d’accord. "La décision de jouer le match à 18h45 a été prise hier soir au stade, en parfaite concertation avec les deux clubs et les autorités, expliquait-il à AP. Nous étions en contact avec toutes les parties et n’avons pas reçu la moindre information suggérant qu’une équipe ne voulait pas jouer." Des déclarations plus ou moins confirmées par un communiqué de Hans-Joachim Watzke le matin même: "Aujourd’hui nous ne jouons pas que pour nous, mais pour tout le monde, écrivait le DG sur le site du club. […] Nous voulons montrer que la terreur et la haine ne doivent jamais guider nos actions." Un entraîneur, un dirigeant. Deux salles, deux ambiances.

"Nous n'aurions pas dû jouer ce match"

Lors du fameux procès, en mars 2018, Tuchel était resté sur la même ligne. "Je partage 100% des déclarations de mes joueurs à l’époque, nous n’aurions pas dû jouer ce match", avait-il répété, se référant à des expertises selon lesquelles des joueurs confrontés à une telle situation ne devaient pas reprendre la compétition avant trois jours minimum. "Je frissonne toujours quand quelque chose tombe ou si un véhicule roule lentement à côté de nous, témoignait d’ailleurs le capitaine Marcel Schmelzer. Aucun joueur n’avait dormi dans la nuit suivant l’attaque."

Et le milieu Sven Bender de confirmer: "Au début je ne pouvais pas fermer l’oeil, je restais éveillé à cause de l’explosion. Et c’est revenu avec le procès. Je trouve malheureux que nous ayons dû jouer le lendemain, à l’époque. Personne n’avait connu une telle situation. Jamais la rencontre n’aurait dû être disputée."

Dortmund-Monaco
Dortmund-Monaco © Icon

Un divorce devenu inévitable

Entre temps, Tuchel et Watzke s’étaient affrontés à plusieurs reprises, en public comme en privé, chacun accusant l’autre d’un manque de loyauté. Pour l’entraîneur, le dirigeant n’aurait pas suffisamment protégé les troupes entre le 11 et le 12 avril. Pour le dirigeant, l’entraîneur n’aurait fait savoir, ni le soir du 11 ni le matin du 12, qu’il était contre le fait de directement disputer le quart de finale.

Dans un livre publié l’an passé, le journaliste allemand Pit Gottschalk – citant un membre du vestiaire comme source – assurait que Tuchel avait ainsi qualifié de "pleureuses" les deux joueurs (Marco Reus et Gonzalo Castro) venus lui expliquer le 12 avril que le groupe n’était psychologiquement pas en état de jouer. Un Tuchel, toujours selon Gottschalk, qui, avant le match, aurait même dit vouloir se servir de "l’énergie du stade" pour battre l’ASM. Et qui aurait donc revu son discours après la défaite…

Quel crédit donner à cette version de l’histoire? Difficile à dire. Toujours est-il qu’après ces déclarations publiques, Tuchel était passé pour un technicien humain, proche de ses joueurs, là où Watzke n’était perçu que comme un dirigeant froid et pragmatique. Ajoutez à cela des conflits annexes, autour de Mario Götze, de Mats Hummels ou du mercato, et la séparation était devenue inévitable. Le 30 mai 2017, le Borussia Dortmund annonçait ainsi le départ de son entraîneur, à qui il restait pourtant un an de contrat.

Quelques heures plus tard, Watzke reprenait sa plume pour publier une lettre ouverte. "Quand il s’agit de prendre une décision, il n’y a pas que les résultats qui comptent, taclait-il indirectement. […] Ce qui compte, ce sont aussi les valeurs fondamentales telles que la confiance, le respect, la capacité de communiquer et de travailler en équipe, l'authenticité et l'identification. Et les qualités telles que la fiabilité et la fidélité." Une fin amère, avant des retrouvailles, le 18 février prochain.

Clément Chaillou