Le jour où la fusée Mbappé a décollé: les anciens de l'ASM racontent le Monaco-Manchester City de 2017

3121 jours plus tard, Pep Guardiola retrouve les travées sinueuses du Stade Louis-II. Vainqueurs 5-3 du huitième de finale aller de Ligue des champions contre Monaco à l’Etihad Stadium le 21 février 2017, les Citizens se sont inclinés 3-1 au retour, trois semaines plus tard, et le technicien espagnol s’en souvient bien. "C'étaient deux matchs très durs. Lors du match aller beaucoup de choses se sont passées, notamment avec l’homme en noir. Au retour, on a très mal défendu, notamment dans les dernières minutes. On manquait à l’époque de maturité, on se contentait de participer à la Ligue des champions. Depuis, on a grandi étape par étape", rappelle-t-il.
Cette double confrontation fait d'ailleurs l’objet de conversations avec Bernardo Silva qui l’a rejoint quelques semaines plus tard en Angleterre: "On en parle souvent avec Pep. Ça fait huit ans et demi que je ne suis pas venu à Monaco, c’est un sublime souvenir. On a été très bons dans toutes les compétitions cette saison-là. Nous étions une jeune équipe pleine d’énergie et qui voulait le montrer au monde entier."
Arrivé cinq ans plus tôt à l’ASM, alors en Ligue 2, Andrea Raggi en a encore la chair de poule: "C’est mon plus beau souvenir d’éliminer cette équipe de fous avec Guardiola, Aguero, De Bruyne, Yaya Touré, David Silva, Sterling… Le scénario était magnifique. Il n’y a pas très longtemps j’ai revu une vidéo sur internet, j’ai eu des frissons !"
"C’est la naissance de Mbappé aux yeux de l’Europe"
Auteur déjà de 11 buts cette saison-là, Kylian Mbappé, du haut de ses 18 ans, va entrer dans la cour des grands. "Je vous avoue que je ne le connais pas", confiait Kévin De Bruyne avant sa première titularisation en Ligue des champions à l’aller. "Je ne regarde pas beaucoup le football quand je suis chez moi. J'ai un petit bébé et je dois m'en occuper."
Entraîneur des gardiens monégasques entre 2009 et 2020, André Amitrano se souvient: "Kylian était très sûr de son jeu malgré sa jeunesse. Il était insouciant donc il riait beaucoup mais tout lui réussissait. Il les a explosés en vitesse et en quart face à Dortmund c’est pareil. Face à City, c’est la naissance Mbappé aux yeux de l’Europe!" Valère Germain a vu lui aussi éclore le phénomène: "Depuis le début de saison jusqu’à février, c’était Falcao et moi dans les gros matchs. C’est à partir de l’aller que le coach Jardim le met dans le onze plutôt que moi et il devient indiscutable. Sur les trois derniers mois il explose tout."
"Il savait déjà qu’il ferait partie des meilleurs joueurs du monde"
Malgré le 5-3 du match aller, le natif de Bondy s’illustre. À 18 ans et 2 mois il réduit l’écart à 2-1 en mystifiant dans un angle fermé Caballero. "Il travaillait souvent devant le but avec mes gardiens", se souvient Amitrano. "Dans cette situation, on lui disait de chercher deux zones: soit croiser au sol, soit en force au premier poteau au-dessus de la tête du gardien, chose qu’il fait. Kylian était à l’écoute de tout, il avait toujours l’oreille qui traînait pour prendre des conseils. C’était un plaisir!" C’est aussi lui au retour qui place sur de bons rails l’ASM en ouvrant la marque à la 8e minute. "C’était un peu déroutant", se rappelle Germain. "Tu te disais: 'Putain il a à peine 18 ans, le mec parait facile, il rigole tout le temps et tout lui réussit.' Kylian arrivait à se détacher de l'importance du match et à montrer ses qualités. C’était exceptionnel. Il savait déjà qu’il ferait partie des meilleurs joueurs du monde." Au lendemain de cette qualification, Mbappé sera d'ailleurs appelé pour la première fois par Didier Deschamps.
Une génération dorée, championne de France et demi-finaliste de Ligue des champions
Leader dans le vestiaire, Andrea Raggi met aussi en avant le collectif confectionné alors par Luis Campos: "Un socle de joueurs d’expérience (Subasic, Moutinho, Falcao…) et des jeunes talents (Mbappé, Fabinho, Bernardo Silva, Lémar, Mendy, Sidibé)." "C’est sans aucun doute le groupe le plus fort dans lequel j'ai évolué, sauf qu’à ce moment on ne le sait pas", poursuit Germain. "Mis à part Falcao et Moutinho qui avaient brillé avant, quasi tout le reste explose à cette période. Les Mendy, Sibidé, Fabinho, Bakayoko, Lemar, Silva… Personne n’avait fait une meilleure saison avant celle-ci."
De quoi surprendre le grand City de Guardiola: "J’ai senti qu’ils nous prenaient de haut", concède Amitrano. Titulaire et capitaine au retour, Valère Germain croyait en l’exploit: "Il y avait un peu de déception après l'aller mais on savait qu’on pouvait leur faire mal. On leur en avait marqué trois et puis à Louis-II les soirées européennes sont souvent magiques."
La délivrance grâce à Bakayoko et les regrets de Germain: "On aurait pu aller au bout…"
Six minutes après le réduction de l’écart de Leroy Sané (2-1) à Louis-II, Tiemoue Bakayoko enfile le costume du héros. Servi sur coup franc par Lémar, il permet, de la tête, à l’ASM de reprendre les commandes. "C’était de la folie. Il nous libère parce qu’on allait se faire éliminer avec la règle du but à l'extérieur. On explose tous de joie et Guardiola était comme un fou dans sa zone technique." Valère Germain était lui aussi dans la surface de réparation: "Je suis juste devant Baka, le ballon me passe 10 centimètres au-dessus. Il y a une explosion de joie mais de courte durée parce que le match n’est pas fini."
Monaco tiendra bon les treize dernières minutes puis éliminera le Borussia Dortmund en quarts (2-3, 3-1). "On aurait pu aller au bout", regrette Germain, nostalgique. "Une fois que tu es en demie, tout est possible mais la Juve était peut-être le pire adversaire pour nous par rapport à l’Atlético et le Real. Avec leur expérience et leur rigueur, ils nous ont fait déjouer." À la nouvelle génération monégasque de s’en inspirer face à des Mancuniens qui font encore figure de favoris.