Brésil-Tunisie: "Un rêve !", au cœur des supporters tunisiens avant le match de gala au Parc des Princes

Il est 16h ce dimanche quand débarquent devant les grilles du Parc Omnisports de Croissy-sur-Seine une trentaine de supporters vêtus de maillots et drapeaux tunisiens. Aucun doute, la sélection de Jalel Kadri n’est pas loin.
Confirmation une heure plus tard lorsque le bus des Aigles des Carthage approche, entouré par les fans scandant des chants à la gloire de la sélection, entonnant l’hymne Humat Al Hima et allumant un fumigène. Le match de préparation entre le Brésil et leur sélection est dans toutes les têtes. "Pour tous les binationaux partout dans le monde, on n’a pas tout le temps la chance de les voir dans notre pays, se réjouit Youcef. Et en plus c’est contre le Brésil, c’est une grande chance pour nous."
"C’est un rêve, surenchérit Aladine, casquette vissée sur la tête et drapeau national sur les épaules. Je suis ému. On va voir les Neymar, Casemiro, Vinicius affronter nos joueurs comme Khazri, Talbi, Laidouni ou Sliti, c’est quelque chose d’énorme." Bilel résume: "Un Tunisie-Brésil ici en France, c’est qu’une fois dans une vie."
De l’autre côté des grilles, les Aigles s’entraînent sur la pelouse "difficile" d’un stade municipal où ils se sont imposés 1-0 face aux Comores jeudi dernier. "Ce sera une autre pelouse mardi contre le Brésil", avance le capitaine Whabi Khazri. "C’est le dernier match avant le Mondial, ce sera important de montrer de belles choses pour la confiance, de rivaliser avec eux et de les mettre en difficulté sur certains points, surtout d’essayer de contenir leurs offensifs."
"On aura une préparation quasi inexistante avant la compétition, donc pour nous c’est le test idéal de se confronter à l’une des meilleures équipes du monde", embraye l’ex-milieu montpelliérain Ellyes Skhiri, aujourd’hui à Cologne. Quant à son coéquipier Dylan Bronn, défenseur passé par Metz, il promet du spectacle: "Le Parc des Princes est magnifique, la pelouse aussi, techniquement ça va être beau à voir."
Un Parc des Princes acquis à la cause des Tunisiens
En tribunes aussi, la rencontre, à guichets fermés depuis une quinzaine de jours, sera animée. "Ce sera une ambiance de feu", assure Rachid, trophée de la Coupe du monde en main. "Le Parc sera rouge et blanc, j’en suis persuadé." A quelques mètres, Saïd, écharpe de la Tunisie autour du cou, est aux anges. Supporteur des Aigles, il a organisé un rassemblement dès 17h devant la tribune Auteuil du Parc des Princes mardi et est à l’initiative de la réunion de supporteurs ce dimanche. "C’est un rêve pour les Tunisiens qui viennent de France mais aussi ceux qui arriveront de partout dans le monde. Ce sont nos héros, nos gladiateurs."
Attendus en masse dans l’enceinte du PSG en provenance de Paris et sa banlieue mais aussi de Toulouse, Lyon, Marseille voire du Royaume-Uni et de Tunisie, les fans ont déjà préparé un grand drapeau et quatre larges banderoles, dont une représentant chaque logo des clubs tunisiens, le clubisme étant très présent au sein du pays, parfois au détriment de la sélection. "C’est un état d’esprit qui commence à disparaître, explique Amine de la cellule des supporteurs de l’Espérance Sportive de Tunis en France. Actuellement, 90% de l’effectif national joue à l’étranger donc on n’a plu cette mentalité où chaque supporter voulait voir le joueur de son équipe préférée. On doit avoir trois joueurs locaux sélectionnés en équipe nationale aujourd’hui." Mardi, ils seront donc tous unis derrière les Aigles de Carthage. "Je crois que le stade sera plein et en grande majorité pour nous soutenir, reconnait Ellyes Skhiri. Ce sera une soirée fantastique, à nous d’emporter le public avec nous."
"Si on bat la France au Qatar, on aura gagné notre Coupe du Monde"
En majorité, ils le seront aussi au Qatar dans moins de deux mois. "Il y a là-bas une forte diaspora tunisienne, raconte Wissem Ben Haj Yahia, journaliste pour Tunisie-Foot. Ça s’est d’ailleurs ressenti lors de la Coupe Arabe au Qatar. Il y avait des drapeaux de partout, l’hymne avait résonné dans le stade. On ne sera pas dépaysé, le public sera le douzième homme."
Pour sa sixième participation à un Mondial, la 30e nation au classement FIFA cherchera à passer pour la première fois la phase de poule. "Le cap de faire bonne figure est dépassé, affirme Kaïs Ben Mrad, journaliste pour le journal Alhasri. Il y a eu une excellente participation en 1978 en devenant le premier pays arabe et africain à remporter un match de Coupe du Monde, depuis c’était mi-figue mi-raisin. Au Qatar, avec la présence massive de nos supporters, la Tunisie a les moyens d’espérer passer le premier tour."
Pour la plupart des supporters, le match capital sera le premier, face au Danemark, avant d’affronter l’Australie et terminer par les Bleus. "C’est à chaque fois face à la France un match un peu spécial, estime l’entraîneur adjoint Ali Boumnijel. Ce sont des joueurs de top niveau, parfois même sur une autre galaxie." La simple évocation de la rencontre fait sourire Ellyes Skhiri. "C’est un tirage rêvé ! J’ai grandi dans ce pays, je le connais par cœur, ce sera un match très regardé et très attendu, on aura une grande motivation, ce sera un grand plaisir d’affronter quasiment les meilleurs joueurs du monde." Pour Dylann Bronn, en revanche, "il n’y aura pas de saveur particulière. On a déjà fait de grands matchs contre de grandes équipes, on sait comment ça se passe, il faudra répondre présent."
Eux sont plus déchirés. Les Tunisiens nés en France attendent l’affiche du 30 novembre (16h) avec impatience. "J’ai hâte", s'enthousiasme Aladine, avant de rappeler: "Il y a une attache particulière entre nos deux nations. La dernière confrontation remonte à pas mal d’années (2010 à Radès, ndlr) et s’était soldée par un nul (1-1)." Rachid espère de son côté vivre "un match historique. J’attends depuis tellement longtemps de voir un match comme celui-là, ce sera une grande fête. Les gens ne connaissent pas vraiment notre potentiel, il ne faut pas que les Français sous-estiment la Tunisie parce que j’ai entendu pas mal de choses et ça, ce n’est pas bien du tout (rires)."
"On est né ici, le cœur est là-bas, c’est compliqué, hésite Yacine. Que le meilleur gagne… mais je serai pour la Tunisie." Tnani Baddredine aussi. Photographe, il suit la sélection depuis 1998. "Avec la France, on est deux pays amis qui joue presque le même football mais pas au même niveau. Beaucoup d’entraîneurs français sont venus en Tunisie et ont eu de bons résultats, un d’entre eux a gagné la Ligue des Champions africaine avec l’Etoile du Sahel en 2007 (Bertrand Marchand, ndlr), on a gagné la CAN avec Roger Lemerre en 2004, le meilleur souvenir des Tunsiens. Si on arrive à battre la France, c’est comme si on avait gagné la Coupe du Monde, après ça on peut rentrer à la maison." Et, qui sait, faire rentrer les Bleus en France plus tôt que prévu.