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"C'est leur moment": pourquoi les clubs sud-américains cartonnent en ce début de Coupe du monde des clubs

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Avec trois victoires et trois matchs nuls, les clubs sud-américains réussissent une entame remarquée à la Coupe du monde des clubs 2025 en contrariant même les équipes européennes, portés par une plus grande fraicheur physique et une motivation très prononcée.

Tout est une question de point de vue et cela vaut pour la Coupe du monde des clubs. Si la nouvelle version à 32 équipes suscite une certaine curiosité en Europe, elle fut avant tout perçue, ces derniers mois, comme un cumul de matchs supplémentaires au cœur d’une saison débutée en août dernier.

La donne semble bien différente chez les autres participants, notamment d'Amérique du Sud. Les six représentants de la zone Conmebol (quatre brésiliens et deux argentins) sont restés invaincus lors de la première journée de cette Coupe du monde des clubs 2025 (trois victoires, trois nuls). Et les trois confrontations avec des clubs européens ont toutes abouti sur des résultats nuls… et de gros regrets.

Le Real a joué 62 matchs depuis août, Boca 21 seulement depuis janvier

Fluminense a ainsi malmené Dortmund (0-0) sans parvenir à faire fructifier sa domination, tout comme Palmeiras face au FC Porto (0-0) alors que Boca Juniors a gâché un avantage de deux buts contre Benfica (2-2). A chaque fois, les clubs du Vieux Continent ont peiné face à l’intensité imposée par leurs rivaux et ont payé un manque apparent de fraicheur physique.

"L’adversaire a quand même souffert, ils ont été surpris dans le bon sens", a constaté Miguel Angel Russo, entraîneur de Boca Juniors après le nul contre Benfica (2-2).

Ses joueurs comptent sur une forme physique au pinacle puisque cette Coupe du monde des clubs tombe en plein cœur de leur saison. A l’inverse, elle intervient en fin d'exercice pour les Européens, éreintés par un calendrier démentiel (62 matchs pour le Real Madrid avant le Mondial, 59 pour l’Inter, 58 matchs pour le PSG...). A titre de comparaison, Fluminense en compte 36 depuis la reprise en janvier, Boca Juniors 21.

"C’est tout ce dont ils ont toujours rêvé"

"Nous sommes au milieu de la saison ici, les joueurs sont frais", fait remarquer Tim Vickery, correspondant anglais de la BBC au Brésil depuis 1994. "C’est particulièrement le cas de Palmeiras et Flamengo, qui sont les équipes sudaméricaines avec le plus de chance d’aller au bout de la compétition. C’est leur moment."

"Ce sont des athlètes olympiques qui se sont préparés pour leurs JO, pour être à leur meilleur à ce moment précis", illustre le spécialiste du football sud-américain.

Il en résulte une conclusion implacable: "c’est à l’opposé des Européens qui sont en fin de saison et pas du tout préparés pour arriver au top. Je ne suis donc pas surpris de ce qui se passe."

Les supporters de Boca Juniors ont envahi les tribunes du Hard Rock Stadium de Miami contre Benfica (2-2, Coupe du monde des clubs), le 17 juin 2025
Les supporters de Boca Juniors ont envahi les tribunes du Hard Rock Stadium de Miami contre Benfica (2-2, Coupe du monde des clubs), le 17 juin 2025 © JC Ruiz/SUSA/ICON Sport

Le constat ne vaut peut-être pas pour le PSG, arrivé en belle forme sur la lancée de sa victoire en Ligue des champions. "La continuité est clairement un avantage pour eux. Ils n'ont pas arrêté puisque - après la finale de la Ligue des champions - la grande majorité d'entre eux a ensuite enchaîné avec la sélection", confie dans L’Équipe, Raphaël Fèvre, ancien préparateur du PSG. "C'est ce qui fait la différence avec les équipes dont les joueurs ont coupé une semaine ou plus. C'est toujours plus compliqué de repartir, de relancer la machine. Après quelques jours, on perd en cardio et, après une semaine environ, c'est en muscle et ça, c'est plus ennuyeux."

Derrière l’aspect physique, le nouveau format de la Coupe du monde des clubs est aussi une occasion en or de prouver face à l’élite du football mondial. "Pour les clubs sud-américains, cette compétition est un rêve qui devient réalité", reprend Vickery. "C’est la chance de se montrer et surtout face aux clubs européens. C’est tout ce dont ils ont toujours rêvé. Notre Ligue des champions, c’est la Copa Libertadores. Elle a été créée en 1960 pour copier la Ligue des Champions et avoir un champion continental. Si l’Europe a un champion, nous devons avoir un champion et organiser une confrontation entre les deux."

"Cet esprit de compétition face à l’Europe est ancré en profondeur dans l’âme du football sudaméricain", conclut-il

C’est l’autre versant de cette entame réussie: l’orgueil d’une terre de football toisée par l’Europe et ses moyens colossaux. Les déclarations de Kylian Mbappé en mai 2022 sur la compétitivité moindre des compétitions sud-américaines avaient vexé tout un continent et servi de levier de motivation (et de débordements) à l’Argentine avant sa finale de Coupe du monde face aux Bleus, quelques mois plus tard.

"On a souvent tendance à sous-estimer les clubs sud-américains et c'est une erreur"

Aux États-Unis, Jhon Arias, attaquant colombien de Fluminense, a encore appelé au respect. "Parfois, c'est de l'ignorance", a-t-il déclaré. "On ne peut pas être surpris par une équipe qui a remporté la Libertadores il y a deux ans. Le championnat brésilien est un championnat d'équipes très fortes, avec des joueurs qui ont connu un grand succès en Europe, comme Thiago Silva. On a souvent tendance à sous-estimer les clubs sud-américains, et je pense que c'est une erreur. Dans le football moderne, il n'y a pas d'adversaires stupides ou extrêmement faibles."

Même rappel à l’ordre chez Alex Telles, qui défiera le PSG avec Botafogo, vendredi (3h) après l’avoir affronté avec Manchester United en Ligue des champions 2020. Lui regrette le manque de considération des joueurs du pays.

"Je ne comprends pas pourquoi les gens sont surpris que les Brésiliens fassent un si bon travail à la Coupe du monde", s’étonne le latéral.

"Au Brésil, c’est normal de valoriser ceux qui viennent de l'extérieur plutôt que ceux qui viennent de l'intérieur. On dirait que nous manquons de matière première, que nous ne jouons pas au football, que nous manquons de talent. Ce que nous démontrons au quotidien, c'est que les Brésiliens ont de la qualité. Aucune équipe n'a la vie facile. Nous sommes ici grâce à notre mérite."

Les supporters en font aussi une question de fierté. Les fans argentins et brésiliens remplissent – comme les Mexicains – les tribunes des stades dans des ambiances surchauffées. Là encore, la motivation est surdéveloppée. Et le combat très largement remporté face aux rares expatriés européens dans les gradins.

Nicolas Couet avec Aurélien Tiercin