Guerre en Ukraine: qui est Abramovich, l’oligarque russe obligé de prendre ses distances avec Chelsea

Le football anglais a appris à vivre avec Roman Abramovich, arrivé comme un extraterrestre à l’été 2003, lorsqu’il a racheté Chelsea et ses dettes avec l’objectif d’en faire l’un des meilleurs clubs du continent. A l’époque, le Russe rejoint la Grande-Bretagne le compte en banque bien fourni, avec l’idée de faire fructifier sa fortune. Vladimir Poutine est déjà élu président de Russie depuis quelques années... et un soutien de poids pour Abramovich.
"Il fait partie des oligarques qui ont prêté allégeance à Poutine en échange de pouvoir conserver leur fortune", explique à RMC Sport Pascal Boniface, fondateur de l’Institut des relations internationales et stratégiques. Les méthodes grâce auxquelles Abramovich a amassé les milliards de dollars sont parfois "douteuses" selon Pascal Boniface, basées notamment sur la privatisation de grandes entreprises russes dans le secteur des hydrocarbures. Mais avec le soutien de Poutine, rien n’est remis en cause.
Abramovich devient même gouverneur de la province de Tchoukota, au nord-est de la Russie, quelques mois après la première élection de Poutine comme président. Ses affaires et son influence se développent. Jusqu’à Londres, donc. Dans la capitale britannique, le Russe, dont la fortune actuelle est estimée à plus de 12 milliards d’euros par Forbes, a la folie des grandeurs. Bien avant le fair-play financier, il investit sans compter dans le club de Chelsea. Avec quelques jolis coups mais aussi de sacrés loupés. Entre 2003 et 2011, il dépense environ 150 millions d’euros, une somme colossale dans le football de l’époque, pour recruter des attaquants qui ne marqueront pas l’histoire des Blues.
Shevchenko, un Ukrainien à Chelsea
Il y a là Adrian Mutu, Hernan Crespo, Fernando Torres et un Ukrainien, Andrei Shevchenko, Ballon d’Or 2004 recruté pour environ 43 millions d’euros en 2006. Mais ces échecs n’empêchent pas Chelsea de prendre de l’ampleur, jusqu’à devenir champion d’Angleterre en 2005 et 2006. Pendant de longues années, on voit alors Abramovich dans les tribunes de Stamford Bridge, attentif à l’évolution de son club, qu’il veut voir gagner la Ligue des champions, le titre suprême.
Le Graal se fera attendre mais finit par arriver une première fois en 2012. Quasiment dix ans après l’arrivée de Roman Abramovich. Plus personne ne doute alors de la grandeur de Chelsea, quatrième club le plus titré du Royaume après Liverpool, Manchester United et Arsenal. Pourtant, petit à petit, l’oligarque laisse la main. Marina Granovskaïa, qu’il a connue dans les années 1990 lorsqu’il l’a recrutée dans sa société Sibneft, monte en grade. Elle s’implique de plus en plus dans les affaires du club et s’impose comme une figure essentielle des Blues.
Cela va vite devenir une aubaine pour Abramovich. En 2018, l’empoisonnement de Sergueï Skripal, ancien agent du renseignement russe et agent double pour les services britanniques, tend considérablement les relations entre la Russie et le Royaume-Uni. Le visa de Roman Abramovich n’est pas renouvelé et il est obligé de quitter le territoire. Il se réfugie alors en Israël et y obtient la nationalité. Plus tard, il décroche même un passeport portugais. Mais il vient de moins en moins à Londres, où il n’est clairement pas le bienvenu. Pendant de longs mois, il n’assiste à aucun match des Blues, alors qu’il était habitué à être au stade chaque semaine.
Loin de Londres
Marina Granovskaïa, qui possède la double nationalité russo-canadienne, gère alors le club au quotidien, s’occupe des transferts et des contrats. Abramovich se met en retrait une première fois, contraint. Il l’a fait une seconde fois ce samedi 26 février, dans un très court communiqué publié sur le site des Blues. Il assure confier au board de la fondation de Chelsea la gestion du club, "dans l’intérêt du club", sans que cela change grand-chose puisqu’il était déjà moins impliqué au quotidien depuis 2018.
C’est désormais au gouvernement britannique de décider s’il veut sanctionner plus durement les investisseurs russes présents au Royaume-Uni. "C’est une décision que Londres peut prendre, le fait de saisir ses biens dont le club de Chelsea aurait un très grand retentissement", explique Pascal Boniface. Alors Roman Abramovich fait actuellement profil bas et prend ses distances. Pour une fois, il ne maîtrise pas tout et ses relations avec Poutine ne plaident plus pour ses affaires.