Salariés licenciés, contrat de Sir Alex Ferguson rompu, cantine fermée... Comment Manchester United perd son prestige

Une catastrophe sur le terrain. Un climat délétère en coulisses. À Manchester United, l'ère Ineos est déjà un fiasco. Après un piteux 2-2 arraché dans les dernières minutes contre Everton, le club est englué à la 15e place de Premier League avec seulement 30 points en 26 journées. Grâce à la faiblesse de la zone rouge, qui commence à 17 points, le maintien n'est pas un sujet. Mais la perte de prestige en est un. Non seulement à cause des résultats, mais aussi des mesures d'austérité - à géométrie variable - imposées depuis un an par le multimillardaire britannique Jim Ratcliffe, actionnaire minoritaire (29%) et responsable des opérations football du club depuis février 2024.
Dernière controverse en date: la fermeture de la cantine qui proposait des repas gratuits aux salariés. À la place? Simplement des fruits, de la soupe, du pain (et des paniers-repas pour le personnel mobilisé les jours de match). Un retour en arrière qui s'accompagne d'une vague de 150 à 200 licenciements supplémentaires. L'an dernier, 250 emplois avaient déjà été supprimés. Au passage, la traditionnelle fête de Noël pour les employés a été supprimée.
Officiellement, il est question d'un "plan de transformation qui vise à rétablir la rentabilité du club après cinq années consécutives de pertes depuis 2019". Difficile à entendre pour les travailleurs, seulement quelques jours après la publication des résultats financiers du club, dans lesquels il apparaît que les ruptures des contrats de l'entraîneur Erik ten Hag, de ses adjoints et du directeur sportif Dan Ashworth ont coûté environ 17,5 millions d'euros. Sans oublier que l'embauche de Ruben Amorim a nécessité de payer une indemnité de 10 millions d'euros au Sporting CP. C'est néanmoins sans commune mesure avec les 115 millions d'euros déboursés lors des deux dernières saisons pour les attaquants Rasmus Højlund et Joshua Zirkzee, auteurs à eux deux de cinq buts en championnat cette saison.
L'ombre de Sir Alex
La nouvelle politique économique des Red Devils touche aussi les supporters. Déjà frustrés par les résultats, ils doivent désormais accepter que les billets de match coûtent au minimum 79 euros sans réduction pour les plus jeunes, alors que les précédents seuils étaient de 48 euros pour les adultes et 30 euros pour les enfants. "Arrêtez d'exploiter la loyauté", ont affiché des fans dans les tribunes en décembre. Réponse de Jim Ratcliffe: "Je ne pense pas qu'il soit logique qu'un billet pour Manchester United coûte moins cher qu'un billet pour Fulham".
"Comment osent-ils", s'était indigné l'ancien international anglais Alan Shearer. "Les supporters souffrent assez avec leur football", abondait Gary Lineker, consultant phare de la BBC.
La mesure la plus symbolique remonte à octobre: la fin du contrat d'ambassadeur de Sir Alex Ferguson. Aux dernières nouvelles, le légendaire entraîneur écossais, qui a pris sa retraite en 2013, touchait environ 2,4 millions d'euros par an pour représenter l'image du club qu'il a rendu glorieux avec 38 titres en 27 ans.
Au regard de son activité à 83 ans, cette fin "amicale" de collaboration s'entendait sans doute. Mais dans le contexte, le message envoyé n'était guère positif. D'autant que les tabloïds anglais se font allègrement l'écho de critiques appuyées du clan Ratcliffe à l'encontre de Fergie: "Ineos veut absolument se défaire du passé. Ils ne veulent pas entendre comment les choses se passaient lorsque United remportait 13 titres de Premier League et ils n'acceptent aucune suggestion selon laquelle des leçons peuvent être tirées de l'époque où le plus grand manager de l'histoire du club était en charge du club. C'est devenu une obsession de ne pas mentionner la période où United était l'une des meilleures équipes d'Europe".
La purge budgétaire touche aussi la fondation du club, qui fonctionnait avec environ 1 million d'euros. Le couperet s'est avéré encore plus aiguisé pour la subvention accordée à l'association d'aide aux anciens joueurs: elle a tout simplement été supprimée, d'après The Sun.
"Nous devons prendre des décisions difficiles et impopulaires"
Sous le feu des critiques, Jim Ratcliffe est sorti du silence dans une interview accordée au fanzine United We Stand. "Manchester United est devenu médiocre", a reconnu le patron d'Ineos, mais en faisant comprendre, à raison, que le déclin avait commencé bien avant son arrivée en février 2024. "Nous devons prendre des décisions difficiles et impopulaires. Si vous fuyez les décisions difficiles, rien ne changera", a ensuite plaidé l'homme d'affaires de 72 ans avant de développer sa vision du club.
"Nous devons nous interroger sur le coût de fonctionnement de ce club, car je veux que nous soyons libres d'acheter de très bons footballeurs et de ne pas dépenser une grande partie de l'argent dans les infrastructures. Si vous perdez de l'argent, vous devez emprunter à la banque pour compenser les pertes. Cela finit par devenir insoutenable", a soutenu le co-propriétaire, étranglé par ces chiffres: 136 millions d'euros perdus la saison passée (malgré 800 millions d'euros de revenus), 880 millions d'euros de dette financière, plus de 360 millions d'euros restant à payer sur les transferts.
"Il n'y aura pas de changement du jour au lendemain", avait dit Jim Ratcliffe à son arrivée à Old Trafford. Cela va prendre deux ou trois saisons. Il faut demander aux supporters un peu de patience". Le temps est long.