Handball: deux ans après sa retraite, un joueur transgenre signe en D2 masculine

Souvent présenté comme l’un des derniers bastions d’une misogynie, d’un racisme ou même comme un lieu d’incivilités exacerbées, le sport prend de plus en plus position contre les discriminations. Outre le mouvement Black Live Matters, la cause LGBT tente elle aussi d’y trouver sa place avec plusieurs athlètes marquants comme l'haltérophile néo-zélandaise Laurel Hubbard aux Jeux olympiques de Tokyo. Un personnage au destin presqu’incroyable constitue un exemple de parcours pour la lutte contre les discriminations: Loui.se Sand.
Après avoir annoncé sa retraite sportive début 2019, la handballeuse suédoise Louise Sand a écrit un bout d’histoire ce vendredi. Devenue homme et se faisant désormais appeler Loui, il a signé avec le club masculin de Karra en deuxième division suédoise.
Au moment de sa première retraite, après une dernière aventure avec le club du Fleury Loiret Handball, Louise Sand avait pris quelques semaines pour digérer la nouvelle et en expliquer les raisons dans une publication partagée sur les réseaux sociaux.
"Je suis née dans le mauvais corps, avait alors indiqué cele qui était encore pour peu de temps Louise Sand. Je ne me suis jamais considérée comme une personnalité publique mais quand les choses ont commencé à se préciser dans ma tête, je me suis rendue compte que cela ne passerait pas inaperçu."

Un rebondissement de plus dans la vie déjà riche en soubresauts de la néo-retraitée. Née au Sri Lanka, adoptée enfant par la famille Sand et élevée en Suède, l’ancienne arrière gauche de l’équipe nationale (105 sélections) vivait en France depuis 2017. D’abord à Brest où elle a évolué lors de la saison 2017-18 puis à Fleury. Pendant ces six mois passés à proximité d’Orléans, la handballeuse s’était ainsi rapprochée de sa compagne, Emma Berglund, joueuse de football suédoise évoluant au Paris Saint-Germain entre 2017 et 2019.
"Je me suis posée la question de savoir pourquoi j’étais comme ça? Adoptée, à la peau sombre, lesbienne et maintenant transsexuelle, avait encore tenu à justifier celle qui a remporté la médaille de bronze lors des Championnats d’Europe en 2014 auprès de Aftonbladet. Je me suis toujours sentie comme Loui, pas Louise. La vie est trop courte pour ne pas résoudre les problèmes qui peuvent l'être dans la Suède d'aujourd'hui."
De la dysphorie à l’opération
Louise Sand a donc ressenti une forme de mal-être pendant l’essentiel de sa vie mais a semblé comme libérée après son annonce. Elle avait aussi avoué souffrir de dysphorie sexuelle, une maladie psychique ou l’individu est atteint par un sentiment d’inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre. Pour la majorité des personnes, le sexe biologique, leur identité de genre et le rôle de genre concordent. Mais dans le cas d’une dysphorie, l’homme ou la femme affectée éprouve une différence entre son sexe anatomique et son identité.
Jamais à l’aise avec son prénom, toujours habillée avec des tenues "de mec et coiffée à la garçonne", Louise Sand a fini par accepter ce qu’elle était. "Les gens m’ont aimée et acceptée comme j’étais. Mais je ne veux plus porter la haine de moi-même à cause du malaise que je ressens à propos et à l’intérieur de mon corps", avait encore estimé la joueuse au moment de son coming-out.

Et pour se sentir mieux dans sa peau, petit à petit, Louise Sand a totalement embrassé sa transformation en Loui Sand. Pour achever son passage d’elle à il, l’ancienne handballeuse a donc entamé un suivi psychologique avec un médecin et a débuté un traitement à base d’hormones avant de subir plusieurs opérations chirurgicales.
"Après avoir reçu un diagnostic de dysphorie sexuelle, il faut commencer par prendre des hormones et avoir toujours des contacts avec des médecins et des psychologues pour savoir ce que l’on veut opérer et non de l’opérer, a confirmé l’ancienne joueuse auprès du média suédois SVT Sport en janvier 2019. Je sais déjà clairement ce qu’il en est mais je souhaite encore attendre pour le dire officiellement."
Des paroles aux actes il n’y qu’une étape que Louise Sand a vite franchie et l’ancienne sportive a ensuite subi une première intervention en janvier 2019, une mastectomie.
Ravie de ce premier succès, Loui Sand avait alors immortalisé l’événement sur son compte instagram en publiant plusieurs photos d’elle dans la foulée de son passage sur la table d’opération. "L'opération s'est déroulée le mieux possible, je suis complètement ravi et fatigué. Enfin un pas en avant dans mon voyage!", Avant de savourer en se prenant en photo devant un miroir: "Je me regarde en tee-shirt, et j’aime enfin ce que je vois dans le miroir, avait même poursuivi l’ancienne quintuple championne de Suède de handball. Je ne peux décrire mon émotion."
Vers le statut d’icône?
Une émotion désormais partagée par de nombreux membres de la communauté LGBT… mais pas que. Après l’annonce de sa première retraite, Louise Sand avait reçu un nombre incroyable de messages venus du monde entier et pas seulement du monde du sport. Un soutien que Loui Sand n’imaginait même pas, y compris de la part de ses anciennes partenaires en sélection nationale, pourtant parmi les premières à lui exprimer leur amour.
"Bonne chance pour ton prochain match, bien plus important que n’importe lequel joué sur un terrain de handball. Tu seras toujours Loui. Le roi Loui", avait réagi l’équipe nationale féminine sur les réseaux sociaux en janvier.
"Tout l'amour que j'ai reçu sur Instagram et Facebook, les messages privés et les commentaires, c’est absolument indescriptible, avait encore remercié Loui Sand lors d’un entretien à SVT Sport. J'ai compris que les médias allaient reprendre cette information sur la fin de ma carrière mais je n’ai jamais imaginé recevoir autant d’amour. Je suis très heureux et c’est impossible à décrire."
Avant Louise Sand, d’autres sportifs ont changé d’identité sexuelle après l’arrêt de leur carrière en provoquant de petites tornades médiatiques. Personnalité transgenre la plus célèbre du sport, Bruce Jenner s’est d’abord fait connaître en remportant la médaille d’or du décathlon aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. Ensuite, c’est davantage dans la presse people qu’il a fait parler de lui en participant à divers programmes à la télévision en compagnie de ses belles-filles Kim et Khloé Kardashian.
Mais à la fin de l’année 2013, Bruce Jenner a véritablement embrassé le statut d’icône auprès de la communauté LGBT en annonçant sa volonté de changer de sexe et devenant ainsi Caitlyn en juin 2015. Dans le cyclisme, impossible de passer à côté de l’histoire de Robert Millar. Vainqueur de plusieurs étapes prestigieuse sur le Giro, la Vuelta et le Tour de France, l’Ecossais a même remporté le maillot de meilleur grimpeur lors de la Grande Boucle 1984. Mais une fois sa carrière achevée, le natif de Glasgow est devenu Philippa York et a officiellement annoncé sa transition vers le genre féminin en 2017, soit vingt-deux ans après la fin de sa carrière.

En mettant fin à sa carrière alors qu’elle semblait encore avoir de belles années devant elle en 2019, Louise Sand a ému le monde. A tel point que la version française de Vanity Fair la consacre déjà dans le top 20 des personnalités LGBT les plus influentes de l’année 2019.
"Née dans le mauvais corps", Louise Sand s’assume désormais pleinement en "Roi Loui". Faire disparaître Louise pour mieux renaître aux yeux du monde entier en Loui. Pour être enfin, et surtout, réconcilié avec soi-même. Deux ans après ce choix de vie, ce changement radical, la carrière sportive de Loui Sand reprend son cours. Louise est morte, vive le Roi Loui!