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Ils surveillent que Léon Marchand ne se noie pas: rencontre avec les sauveteurs au bord des bassins olympiques

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Environ 800 sauveteurs assurent la sécurité des bassins olympiques durant toute la durée des JO 2024. Mats et Pablo, deux d’entre eux, nous dévoilent les coulisses de cette mission qui peut en faire sourire beaucoup.

C’est sûrement la rançon de la gloire. Ou peut-être le prix à payer pour voir de si près les meilleurs nageurs de la planète. "Camille Lacourt nous a branchés à la TV en disant qu’il avait toujours trouvé ça drôle de voir des sauveteurs au bord des bassins. Et c’est vrai que c’est amusant", sourit Mats Baradat, croisé sur le parvis de Paris La Défense Arena ce vendredi.

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Le jeune homme fait partie des 800 sauveteurs recrutés pour surveiller les bassins durant les JO de Paris 2024. "On est BNSSA donc on est surveillant de piscine", précise Pablo Collin, son compère interrogé à l’entrée de la piscine olympique. "La Fédération française de sauvetage et de secourisme a été choisie pour surveiller toutes les épreuves aquatiques des JO. Aviron, triathlon, water-polo, natation…. Ils ont engagé des sauveteurs pour avoir suffisamment de personnels pour couvrir l’évènement, car il y a quand même beaucoup de besoins."

Pablo Collin et Mats Baradat, maîtres-nageurs sauveteurs aux JO de Paris (le 02/08/2024)
Pablo Collin et Mats Baradat, maîtres-nageurs sauveteurs aux JO de Paris (le 02/08/2024) © RMC Sport

Les plus taquins diront que ces sauveteurs sont seulement chargés de veiller à ce que Léon Marchand ne se noie pas. "Depuis le début de la compétition, ce sont un petit peu plus ses adversaires qui se noient!", s’amuse Pablo, bien conscient que sa fonction peut prêter à sourire.

"Les sportifs, c'est un peu des lames de rasoir"

"Concrètement, on agit dans le cas où le nageur est dans l’incapacité de se sortir de l’eau et où il faut qu’on intervienne rapidement. C’est un cas rare mais ça peut arriver", détaille Pablo. "Les sportifs sont affutés et dans le meilleur de leur forme. Mais c’est un peu des lames de rasoir, c’est fragile. On utilise souvent la métaphore du cristal. C’est déjà arrivé que des sportifs au plus haut niveau poussent un peu trop loin le Jour-J et leur corps lâche. C’est à ce moment-là que nous devons intervenir pour éviter qu’ils y passent."

Pablo Collin et Mats Baradat, maîtres-nageurs sauveteurs aux JO de Paris (le 02/08/2024)
Pablo Collin et Mats Baradat, maîtres-nageurs sauveteurs aux JO de Paris (le 02/08/2024) © RMC Sport

Le souvenir du malaise d'Anita Alvarez

Pablo et Mats gardent en tête l’image de la nageuse américaine Anita Alvarez, qui a perdu connaissance lors d’une épreuve de natation synchronisée aux championnats du monde de Budapest en 2022. Les images de son sauvetage au fond de l’eau par sa coach avaient alors fait le tour du monde.

"La natation, c’est assez facile de voir s’il se passe quelque chose. Pour d’autres sports, c’est un peu plus technique comme le water-polo ou la natation synchronisée. Tu ne sais pas si ça fait partie de leur routine ou du sport de rester sous l’eau ou s’ils sont dans le dur. Il faut donc regarder les réactions de leurs entraîneurs, de leurs coéquipiers... Il faut être prêt à bondir au moindre détail, au moindre truc qui cloche", confie Mats. "Pour la nageuse synchronisée, je pense que si le sauveteur avait regardé sa coach, il aurait capté direct que quelque chose n’allait pas avant que la coach n'intervienne."

Andrea Fuentes porte secours à sa nageuse Anita Alvarez, victime d'un malaise dans l'eau, lors des Mondiaux 2022 de natation à Budapest
Andrea Fuentes porte secours à sa nageuse Anita Alvarez, victime d'un malaise dans l'eau, lors des Mondiaux 2022 de natation à Budapest © AFP

Les deux jeunes hommes ont également été briefés sur l’attitude à adopter au bord du bassin. Histoire de ne pas donner des munitions supplémentaires à ceux qui les raillent. "On a été briefés sur l’importance de ne pas rester avachis sur la bouée. Il y avait aussi des photos sur les réseaux sociaux où les gens se sont un peu moqués d’un sauveteur à Rio. Un mec avait posté la photo du sauveteur avachi et écrit: 'ah vraiment le job le plus inutile au monde.' On reste professionnel, même si on sait que le risque est minime", glisse Mats.

Ils ont nagé en compétition avec Léon Marchand

Malgré toute l’attention que cette mission demande, les deux sauveteurs tentent de profiter de chaque instant. Et notamment de l'atmosphère unique qui règne autour du bassin olympique. "L’ambiance est indescriptible. Sous nos pieds, le sol tremble", assure Pablo. "Il y a beaucoup de sauveteurs dans le monde qui surveillent des bassins où l’action est un peu moins intéressante", ajoute Mats.

Pour ceux qui pourraient être tentés de candidater auprès de l’organisation des JO de Los Angeles en 2028, il est toutefois important de préciser que les deux nageurs-sauveteurs ont avalé quelques longueurs de piscine pour en arriver là. Nageurs de très bon niveau, ils ont pratiqué ce sport en compétition. Ils y ont notamment croisé un certain Léon Marchand. Mercredi, après les deux titres du Toulousain en 200m papillon et 200m brasse, Mats a pu étreindre la nouvelle star de la natation mondiale. "Je me suis entraîné un an avec lui. C’est un bon ami à moi, je suis tellement fier de lui", raconte Mats. "C’est mon gars, j’étais obligé de le checker! Je me suis entraîné avec lui à Toulouse juste avant qu’il parte en Arizona."

"On s’est côtoyés sur les compétitions jeunes pendant très longtemps", ajoute Pablo. "En 2016, on m’a dit ‘Tu vas voir lui c’est le futur de la natation française, c’est la future star mondiale.' C’était un petit gringalet, il s’était qualifié ric-rac pour les championnats de France." Huit ans plus tard, Pablo et Mats étaient aux premières loges pour le voir entrer dans une toute nouvelle dimension.

Felix Gabory, avec Julien Richard et Maria Azé