Jeux paralympiques d’hiver: Daviet, le porte-drapeau français jamais rassasié

"C’est une grande fierté! Ce qui me manquait, c’était d’être porte-drapeau!" Ce vendredi, Benjamin Daviet, 32 ans, guidera la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques d’hiver avec, comme souvent, un grand sourire. Une forme d’accomplissement pour ce garçon apprécié de tous en équipe de France, qui souhaitait "cocher cette case".
"C’est hyper cool, déjà parce que Benjamin, c’est un copain, s’enthousiasme Marie Bochet, huit fois championne olympique en para-ski alpin. Je lui avais transmis le drapeau à la cérémonie de clôture en Corée du Sud (en 2018). Je suis vraiment super contente qu’il ait osé y aller car il court le lendemain. C’est quand même aussi une charge supplémentaire, je lui ai dit. Ça donne une saveur toute particulière à ses Jeux, on les partage avec l’équipe."
Arthur Bauchet, le jeune para-skieur de 21 ans, voit en lui "un beau porte-drapeau. Il connaît bien le fonctionnement des Jeux. Il avait fait la razzia aux JO 2018, c’est un choix totalement naturel."
Un accident de mobylette en 2017
C’est en quelque sorte la récompense d’une grande carrière. Le Français, engagé en biathlon et ski nordique, a déjà tout gagné. Un destin doré pour celui qui voulait devenir commando parachutiste, jusqu’à son accident. "J’ai eu un accident de mobylette à 17 ans, en juillet 2006", raconte-t-il. Il se casse le condyle fémoral, au niveau du genou, et doit se faire opérer. "Pendant l’opération, j’ai contracté un staphylocoque doré. Ça m’a rongé le cartilage et l’articulation. Ce qui fait que maintenant, mon genou est totalement ‘soudé." Impossible de plier sa jambe gauche, qui est en extension totale. Le Tricolore, qui avait déjà pratiqué le ski avant cet épisode, met alors le sport de côté.
"J’ai mis quatre ans à vraiment re-pratiquer une activité sportive. Parce que je n’étais pas du tout dans l’esprit. J’étais plombier, donc j’étais aussi épanoui dans mon métier, poursuit-il pour RMC Sport. Et je n’avais pas les 'clés' pour entrer dans un club handisport."
En 2010, il chausse finalement les skis, après avoir fait "les bonnes rencontres". Et montre rapidement un appétit pour le dépassement de soi. "Je suis toujours dans la recherche de la performance, d’apprendre à mieux me connaître, mieux connaître mon corps, mon fonctionnement, mon dépassement physique et mental." Son ascension est en marche. A Sotchi, aux Jeux paralympiques 2014, il remporte le bronze avec le relais en ski de fond.
"J’ai toujours faim"
Le skieur du Grand Bornand multiplie ensuite les victoires et les podiums en Coupe du Monde, gagne quatre titres mondiaux jusqu’aux JP 2018, où il fait un véritable festival: trois médailles d’or (dont une en relais), deux d’argent. Peut-il faire plus qu’il y a quatre ans?
"Dans ma tête, je pars vraiment pour faire mieux, répond-il. J’aime me fixer des défis, c’est ce qui me permet de performer à fond. Même si je ramène une ou deux médailles d’or je serai content. Mais plus, ce serait mieux… J’ai toujours faim."
La preuve de cet appétit, c’est une recherche d’innovation quasi-constante. "J’ai toujours été intéressé par ça. Au fil des années, on se rend compte qu’on ne fonctionne pas pareil, il y a des évolutions partout." Alors, en mai dernier, il a expérimenté… l’apnée. "Avec Stéphane Tourreau, vice-champion du monde d’apnée, précise-t-il. Ça m’a apporté énormément, j’ai appris à respirer différemment. C’est un relâchement sur le corps. J’ai augmenté ma VO2… C’est énormément d’approches ultra-intéressantes à travailler et qui se répercutent sur nos courses." Résultat: Benjamin Daviet progresse toujours et en bluffe certains physiquement. "C’est un gars qui m’impressionne parce que parfois, sur le vélo, je n’arrive pas à le suivre alors qu’il ne pédale qu’avec une seule jambe", sourit le para-skieur alpin Manoel Bourdenx.
Surnommé "la machine à bras"
Pourtant, son point fort reste le haut du corps. « En terme de compensation, ce que je ne peux pas utiliser dans mes jambes je vais plus l’utiliser avec le haut du corps. Je fais pas mal de gainage, j’essaie d’augmenter ma masse musculaire niveau des bras et du dos. » Le surnom que certains lui donnent? "La machine à bras".
Depuis les derniers JO, ce fan de Martin Fourcade ne s’est pas arrêté de performer. Cinq titres mondiaux en 2019, deux autres médailles (argent et bronze) cette année… Il se pose en véritable cadre du groupe France. "C’est un bon gars, il a tout le temps la banane, tout le temps à tirer tout le monde vers le haut, appuie Manoel Bourdenx. Il n’hésite pas à venir aider, à faire un petit demi-tour quand on est à la rue en vélo pour nous soutenir. Un gars généreux."
Un gars qui, aussi, œuvre pour que le handisport soit plus visible. "Alors que les Jeux d’hiver semblent finis, les invisibles de l’équipe de France se préparent à vivre leur rêve paralympique, celui pour lequel ils travaillent depuis 4 ans, écrivait-il sur Twitter il y a deux semaines. J’espère que les perfs des athlètes seront racontées à leur juste valeur, ni plus, ni moins."
Même s’il avoue que les choses ont déjà changé depuis ses débuts: "J’ai vu une évolution au long de ma carrière, due à la retransmission des Jeux du début à la fin, un peu plus de journaux ou de radios plus proches des athlètes. Et je pense que l’équipe de France réunifiée est quelque chose de vraiment très important pour nous, sportifs olympiques ou paralympiques (il y a aujourd’hui une seule équipe de France et plus une olympique et une paralympique, ndlr). On court tous sous le même drapeau donc c’est important." Et lui courra rapidement après la cérémonie d’ouverture, puisque la première course du français aura lieu à Zhangjiakou, à près de 200km de Pékin, dès samedi.