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Jeux paralympiques: village sous tension, menaces de boycott... les dessous de l'exclusion des sportifs russes

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Du choix de faire concourir les sportifs russes et biélorusses sous bannière neutre il y a 24 heures à l'exclusion définitive de ceux-ci ce jeudi, retour sur une journée chargée pour Andrew Parsons et le Comité international paralympique.

Mercredi 2 mars 2022. Sept jours après le début de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes. Alors qu'en l'espace d'une semaine, les sanctions à l'encontre de la Russie se multiplient de tous les côtés, y compris dans le monde du sport, le Comité international paralympique (IPC) prend une décision totalement à contre-courant.

Contre toute attente, les délégations russes et biélorusses autorisées sous statut neutre

Quand la FIFA exclut le pays du Mondial 2022, quand la FIA annule le prochain Grand Prix de Sotchi ou que la Fédération internationale de volley tire un trait sur l'organisation du Mondial par la nation dirigée par Vladimir Poutine, Andrew Parsons annonce la participation des sportifs russes et biélorusses - sous statut neutre - aux Jeux paralympiques de Pékin. Une annonce pour le moins inattendue, notamment pour le seul journaliste ukrainien présent lors de la conférence de presse de l'IPC.

Ce dernier, vivant à l'étranger et ayant donc pu se rendre en Chine pour l'évenement, en profite pour interpeller le dirigeant brésilien de l'institution avec une photo choc : celle de Yevhen Malychev, biathlète de l'équipe juniors ukrainienne, tué la veille à 19 ans sous les bombardements qui dévastent sa ville natale de Kharkov. "Comment légitimer ces participations auprès de ses parents?", questionne-t-il.

Parsons parle alors bien de "crime contre l'humanité" mais reste campé sur ses positions et celles de l'IPC, tentant fébrilement de défendre une position très délicate - et distincte de celle du Comité international olympique (CIO), favorable à une exclusion. En parallèle, la délégation ukrainienne, composée de 20 athlètes et neuf guides, arrive dans la capitale chinoise dans un climat de tension évident.

Quelques minutes plus tard, le mouvement Global Athlete publie une lettre ouverte pour dénoncer le risque d’une participation instrumentalisée par la Russie et la faiblesse des sanctions émanant du monde du sport. "De nombreux athlètes olympiques et paralympiques russes appartiennent à l’armée russe. Les administrations du sport clament la neutralité politique mais ce sont des mensonges pratiques utilisés pour se détourner des appels à défendre les droits de l’homme et la paix", est-il précisé. En coulisses, les positions des différentes nations participant aux Jeux s'affinent et s'affirment, guidés par leurs gouvernements respectifs.

Colère en France et en Allemagne, joie dans le pavillon russe à Pékin... de l'incompréhension à tous les étages

"Le fait de ne pas exclure ces deux délégations est incompréhensible", déplore le président de la Fédération allemande des sports paralympiques, Friedhelm-Julius Beucher. "On argumente en fonction de règles, pendant qu'en Ukraine on tue sans aucune règle. Cette décision envoie un signal totalement mauvais." Le chef de mission de la Fédération paralympique allemande, Karl Quade, présent à Pékin, ajoute au malaise : "le plus pénible pour moi, ça a été d'entendre l'explosion de joie dans le pavillon des Russes à côté du nôtre lorsque Parsons a annoncé la décision."

Côté français, le Comité paralympique et sportif français (CPSF) ne tarde pas non plus à "prendre acte" de la décision de l'IPC, avec une précision notable : "notre soutien serait total si ce dernier décidait d'exclure les délégations russes et biélorusses des Jeux paralympiques". Une position sans aucun doute partagée par le président de la République Emmanuel Macron, comme en témoigne son allocution télévisée mercredi soir.

Entre menaces de boycott et situation "intenable" au village des athlètes, l'IPC fait volte-face

Jeudi 3 mars 2022, 8 heures, heure française. À l'issue d'un Conseil d'administration convoqué en urgence, le Comité international paralympique publie un communiqué officiel sur son compte Twitter. "Les inscriptions des athlètes russes et biélorusses pour les Jeux de Pékin seront refusées", est-il écrit. En d'autres termes, ceux-ci sont définitivement exclus de la compétition.

Le revirement de situation est total. La pression internationale a conduit l'IPC a changé son fusil d'épaule en moins de 24 heures, comme le révèle Andrew Parsons : "au cours des 12 dernières heures, un nombre écrasant de membres ont été en contact avec nous. Ils nous ont dit que si nous ne reconsidérons pas notre décision, cela risque désormais d'avoir de graves conséquences pour les Jeux paralympiques d'hiver de Pékin 2022. Plusieurs Comités nationaux, dont certains ont été contactés par leurs gouvernements, équipes et athlètes, menacent de ne pas concourir."

Cette menace de boycott général a donc permis d'infléchir les positions de la veille d'autant que "la situation dans les villages des athlètes s'aggrave et est maintenant devenue intenable", précise le président de l'IPC, qui a toutefois tenu à s'adresser aux 83 athlètes des deux pays concernés. "Nous sommes désolés que vous soyez concernés par les décisions que vos gouvernements ont pris la semaine dernière. Vous êtes les victimes des actes de vos gouvernements."

Quelques heures seulement avant la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin, prévue à partir de 13h (heure française) vendredi 4 mars, le Comité international paralympique a donc tranché et tenté de sécuriser son événement dans l'urgence. Reste à voir dans quelles conditions aura lieu l'évacuation des sportifs russes et biélorusses de la capitale chinoise dans les prochaines heures.

Clément Pons